mardi 12 octobre 2021

Nneema – EP - Ear Of Clay

 Nneema – EP -  Ear Of Clay

 Starman Records

NoPo

 

 Nneema, 2 'n' et 2 'e', met les pieds dans le plat musical en marchant sur des oeufs.
Dans leur plat pays d'origine, certains (pas complètement!) font référence à Blue Blot.
Personnellement, des souvenirs de Judy Tzuke, dans les années 80, me reviennent et plus récemment, Storm Gordon.
La fée Nneema (un phénomène) exploite un philtre assez proche, constitué d'une base de jazz bluesy (sans tâche 'Blue Blot'), mélangée à des zestes de soul tripHoptés.
Une fois glissé dans un breuvage, l'effet mérité, à l'inverse, nous met durablement dans un état serein.

'Ear of clay' présente une image blanche et diaphane, mettant en avant l'argile, à travers la fragilité d'un conduit auditif, sculpté dans une masse vierge aux courbes de voile plissée (oeuvre du guitariste Jan-Sebastiaan Degeyter semble-t-il).
Un message subliminal? J'opte pour écouter, sans a priori, ces échantillons musicaux harmonieux et contrastés.
Le groupe :
Emilie Leysen voix
Niels Verheest claviers
Jan-Sebastiaan Degeyter guitare
Matthias Debusschere basse
Frederik Van den Berghe batterie

'A Visit (to aunt Trudy)' invite un orgue Hammond, un Wurlitzer (Niels Verheest), une pédale steel (Filip Wauters) superbes! Est-ce pour mieux parcourir la country mon enfant?
Non, non, juste Tata Trudy aime ça! La chanson sonne quasi laid back et l'orchestration glisse, lisse dans une grande finesse; je suis sensible, en particulier, à cette basse ondulante de Matthias Debusschere incitant au déhanchement.
On pourrait remplacer l'oscillation de la batterie par des claquements de doigts (les coups légers sur le cercle y font penser).
Au milieu d'une ambiance désuète, le clip présente Emilie (jolie évidemment), rigide, dans une belle robe blanche (sortie de la malle à costumes de 'La petite maison dans la prairie').
La voix s'élève, à la fois forte, chaude et douce, semblable à un velours épais. Elle s'adresse à Trudy, en se voilant la face 'Sure aunt Trudy everything is fine', mais ce n'est pas vraiment le cas, 'Is that a tear rolling down my eye'.
Après un break instrumental raffiné à la soul pleureur, c'est décidé 'No coffee, it is time for wine I just can't stop crying'...
Emilie en a sa dose (de café et de larmes), passe à autre chose, enfile du rose, débouche une bonne bouteille de rouge pour finir avec des invités, plus enclins à faire monter la couleur aux joues.

Ca commence à l'orgue avec une batterie ample; la basse se fond dans la masse mais plus tard.
'My man made a plan not to wake up no more'. Inquiète, la chanteuse déclame sa flamme dans un débit assez rapide sur un tempo ad hoc.
A mi morceau, basse et guitare semblent se parler sous les murmures d'Emilie... ah Doc, aidez moi, mon homme ne va pas bien ...
Au final, la voix reprend alors le refrain dans un groove soutenu par une 2è vague de chant décalé puis unifié, faisant naître une étrange émotion.

'Odysseus, My True Love' abandonne une voix alanguie sur un orgue soyeux comme du sable fin et triste comme la messe.
Un effleurement de cordes de guitare vient s'insérer, alors qu'un clac marque le temps, puis un saxophone classieux et enfin les balais brossent.
Le sax de l'invité Nathan Daems (Black Flower, Trance Plantations) et l'orgue de Niels Verheest respirent ensemble. La guitare de Jan-Sebastiaan Degeyter tintinnabule et la voix revient émouvante.
Une belle chanson d'amour 'But how could you forget  my house number it's still 24' sur les traces de Diana Krall.

'N.E.N.O Sacco' est une banque kenyane. Le titre fait la part belle au rythme sautillant, avec cymbales et charley éclatantes, contrôlé par Frederik Van den Berghe.
Kobe Proesmans aux percussions et le harpiste Steven De Bruyn participent à cette orchestration riche.
La basse marque les coups forts. Le chant guilleret et la guitare, par quelques arabesques, évoquent des images d'Afrique.
Un orgue psychédélique se déploie sur un pont à mi-morceau mais c'est un funk frais qui prévaut.

Les 2 derniers titres sont les plus longs et les plus tristes.

Un rythme sombre et rectiligne introduit 'My falling leaves'. Le piano, en mode mineur, ne s'engage pas plus vers la lumière et la steel guitare, plaintive, pleure au loin.
La basse ronde s'économise avec peu d'écart. C'est ici qu'on perçoit le mieux l'humeur trip-hop à la Portishead.
Le ton bouleverse au moment de prononcer 'Give me something to believe in I need to believe in something' fiévreux qui revient plusieurs fois, la dernière, après un passage instrumental, lancé d'une voix fragile comme une prière.
Les bras m'en tombent, mais chez Emilie ce sont les feuilles...

'Bad Girl's...' se lamente d'abord a capella, une voix impressionnante de maitrise.
Emilie relate, ici, une destinée tragique.
Après cette entame, le Kanoun (sorte de cithare) de Osama Abdulrasol se fait entendre, impossible de le manquer! Le ney (sorte de flûte) joué par Nathan Daems, lui, se fait sentir. 
La mélodie, exotique, tourne en boucle dans une atmosphère désespérée de world music.
A mi-temps, la voix s'envole, puissante et bouleversante avant de revenir lente et pesante, en bouclage sur les paroles introductives 'When I was a younger I used to seek pleasure When I was a younger I used to drink air...'


L'écoute de cet EP mélancolique dessine un arc-en-ciel sonore cotonneux.
Les teintes multiples accaparent notre attention et attisent notre curiosité.
Malgré des histoires faussement légères à nuances de gris et d'autres bien noires, on s'y sent au chaud.
Puissance et douceur font bon ménage au milieu de mélodies envoûtantes et de textes poignants.
Nneema? Comme le dit mon ptit fils, moi, naima beaucoup!!

1.A Visit
2.Man With A Plan
3.Odysseus, My True Love
4.N.E.N.O Sacco
5.My Falling Leaves
6.Bad Girl's Lament