jeudi 14 octobre 2021

DEROSNEC - EP - 3 Lives

 DEROSNEC - EP - 3 Lives 

( michel) 

not on label

Derosnec, non, il ne s'agit pas d'un cycliste tchèque ou d'un nouveau traitement pour soulager les hémorroïdes, il s'agit du nom de scène choisi par Nina Helene Hirten, une artiste multimedia ayant grandi à San Francisco.

Maman chantait, Papa composait et jouait de l'orgue liturgique, tout naturellement l'enfant opte pour une carrière artistique, elle touche à tout, dessine, écrit,  prend des cours de chant et se lance dans le cinéma comme filmmaker.

Elle a enregistré quelques albums sous son nom: Jupiter's Hollow, Bullheaded, Panoptic et le tout récent EP ' 3 Lives', elle en a vécu plus que trois, semble-t-il...

Elle a aussi sorti un single pour sa fille, 'Daughter' et on la retrouve  créditée sur plusieurs albums, dont  'Jupiter's Hollow,' de I am Mandrake, sur quelques albums, dont  'Reviens à moi, sang de mon sang', de Everson Poe.

Bref, Madame n'est pas du genre à glandouiller.

3 Lives - Tracks

1 Towers

2 Nighttime in the Desert

3 Shepherds
 
 Save Me
 
5 Desire
 
Nighttime in the Desert ( Tehran)
 
 Credits- All songs written and performed by DEROSNEC (Nina Helene Hirten).
01-05 mixed by David Gnozzi at MixbusTV and mastered by Phil Demetro at Lacquer Channel Mastering

“Nighttime in the Desert (Tehran)” produced and mixed by Davood Faramarzi 
 
L'artwork, un cliché signé  Kasees Photography, nous montre l'artiste, drapée de noir, maquillée  Carmilla,  prenant une pose de reine gothique, pas aussi terrifiante que la sorcière illustrant l'album de A Necromancy Lore " Drama Noir", mais  son air dédaigneux n'incite pas au marivaudage.
Elle tient dans les mains un crâne victorien ( merci Hamlet) , en ayant en tête un poème,  soit d' Edgar Allan Poe, soit d'Alfred Lord Tennyson, bourré d' imagerie médiévale.
La mise en scène est à l'avenant,  candélabres et cierges allumés, mais pas pour célébrer Pâques, d'autres têtes de mort gisent au sol, quant aux teintes choisies, le rose et le vert tendre ont été irréfutablement bannis pour faire place au noir et au bleu nuit.

Du haut de la tour on a une vue plus claire, tu parles les 'Towers' de Derosnec vont s'écrouler dans un fracas electronic dark goth étourdissant.
 Pense-t-elle au 11 septembre, maybe!
Pas question de fleur bleue, de sentimentalisme, le constat est affligeant, le monde court à sa perte, les couronnes vacillent, on nous a raconté des bobards, mais il n'est pas trop tard, ... We make our fate We shall return and watch it burn...et ils vont détaler comme des lapins!
Musicalement on est proches de groupes de la darkwave, à la  Blutengel ( sans le chant maniéré, le timbre de Ms Hirten est plus naturel ), les Suédois de Covenant peuvent également être cités, leur EBM n'est pas fort éloigné de la potion proposée par DEROSNEC. 
 
'Nighttime in the Desert'  s'offre  comme une ballade trip hop aux accents  symboliques, la voix 'overdubbée' prend des intonations tantôt aériennes, tantôt lyriques,  l'orchestration, soignée, fourmille d'idées, après un  démarrage sur de gros beats, le synthé crée des climats plus mélodieux avant l'entrée en piste d'une guitare fluide, la voix se couche gracieusement sur ce tapis sonore moelleux, dans un dernier mouvement, partant crescendo, le synthé prend des couleurs prog avant le retour exultant de la guitare.
Un grand morceau! 
'Shepherds" dit l'intitulé, ne crois pas que tu entendras une bergère te proposer d' aller  siffler là-haut sur la colline, pas de tableau pastoral à l'horizon mais de l'organic electro répétitif, hypnotique et implacable. Aux effets sonores industriels et  beats métalliques succède un  chant  froid, distant, soutenu par un choeur scandant ...Rakin' it in, Rakin' it in, Rakin' it in... ici, à nouveau, une guitare incisive vient déchirer l'uniformité du tapis sonore.
Derosnec s'ébroue sérieusement en vue de la dernière phase du lied tandis que la chorale reprend son refrain lancinant, la plage s'éteint sur un retour au calme relatif.
C'est toujours au bouillant ' Save Me' de Julie Driscoll que tu penses à l'énoncé de ce titre, à l'évidence le 'Save Me' de Derosnec n'a aucun lien de parenté  avec le juteux morceau de Julie et de Brian Auger.
L'Américaine voyage plutôt dans un univers new wave, avec une voix que tu peux comparer à celle d'Alison Moyet, qui a fait les beaux jours de Yazoo. 
Elle te propose une balade hivernale brumeuse et mélancolique.. il n'est plus là , il ne reste rien ou presque rien, ... The music box you gave me is broken Our song is but a memory... 
D'autres parallèles peuvent être tracés: les sad songs de Depeche Mode ( 'Poison Heart' ,par ex.)  ou 'Bedsitter' de Soft Cell qui  n'est pas mal non plus.
Au fond, le cocktail proposé par Desronec aurait pu être enregistré dans les eighties.
Non, Nina Helene Hirten n'a pas repris le 'Desire' de U2. 
La plage,  comme la précédente, est parsemée d'images nébuleuses, il n'est nul question d'euphorie ou de félicité, l'humeur est maussade, les teintes sont celles qu'on retrouve dans les tableaux de Léon Spilliaert, n'a-t-il pas représenté une femme solitaire sur la jetée, ...  Twilight She stands on the pier by the shore Those eyes Has the girl been here before She waits Hoping a sign will appear... c'est comme si Nina connaissait la toile du peintre flamand et décrivait le désarroi et les désirs profonds de la jeune fille.
Chez Derosnec le côté obscur de l'electro domine, le timbre convient à merveille à ses compositions imprégnées de romantisme sombre, les personnages qu'elle dépeint sont solitaires, en mal d'amour,  tourmentés.
On lui dédie cet extrait de Jules Barbey d'Aurevilly " Il n'y a qu'une atmosphère où l'amour n'étouffe pas, c'est la solitude. Comme les aigles auxquels il faut les immensités d'un désert d'azur, l'amour n'a sa largeur et la naïveté puissante de ses mouvements que dans une solitude, immense, profonde, complète; une empyrée de solitude! ( Une Vieille Maîtresse ).
L'exercice prend fin avec une lecture alternative, quasi acoustique, de 'Nighttime in the Desert', le morceau est  délicatement embelli par une  guitare classique  donnant un caractère andalou à ce trip dans le reg.
Steve Howe a apprécié.
 
J'ai eu trois vies (une vie de photographe, une vie de cinéaste, puis une vie d'artiste) a affirmé Agnès Varda lors d'une interview accordée peu avant son décès, Derosnec, qui n'a pas encore atteint l'âge canonique de la féministe née à Ixelles, a également déjà vécu  trois vies , elle les a mises en musique sur un  EP estimable!