lundi 10 mars 2014

Tinariwen à l'Ancienne Belgique, Bruxelles, le 9 mars 2014.

Impossible de parler de Tinariwen sans évoquer la situation du Mali, on se rappelle qu'en décembre 2012 Intidaw, un des chanteurs du groupe, avait été enlevé par la secte terroriste Ansar A-Dine, il sera libéré quelques jours plus tard après de nombreux messages d'indignation en provenance de tous les coins du pays.
L'engagement social et politique d'un groupe obligé d'aller enregistrer son sixième album ' Emmaar' dans une autre désert,  celui du Mojave en Californie,  et décidé à défendre la culture Touareg et la langue  tamasheq, lui a valu un Grammy Award en 2012.
Mais ce soir c'est de musique et de fraternité qu'il s'agit, en effet, il est bien rare que dans une salle de concert on assiste à un tel brassage d'ethnies que souvent tout oppose, et on ne te parle pas de nos absurdes querelles communautaires, Tinariwen a fait l'unanimité: occidentaux blasés, Dogons, Sénoufos, gens du Maghreb, Congolais, Centre-Africains, tous ont communié aux sons du blues saharien.
Fabienne avait la larme à l'oeil lorsque une dame d'un âge avancé ayant pendant plus d'une heure, dansé et youyoulé,  en montrant un visage illuminé par un radieux sourire, nous confiera être originaire du village proche de Tamanrasset dont sont issus plusieurs membres du collectif.

20:35'
Ils étaient six sur scène, pas Ibrahim Ag Alhabib resté au pays, tous enrubannés et vêtus de boubous aux couleurs chatoyantes, la plupart sont pieds nus ou chaussés de sandales.
Des noms, exiges-tu!
Difficile à dire, le collectif est à géométrie variable.
 Abdallah Ag Alhoussein ( acoustique, électrique, chant, pas de danse) semble diriger l'ensemble - la basse est probablement tenue par le formidable Eyadou Ag Leche - le jeune, le seul a ignoré le port du turban, Yad Abderrahmane ( le préféré de Faby) au chant et à la guitare - l'énigmatique Elaga Ag Hamid à la guitare rythmique et backings - le vétéran danseur , chanteur et accessoirement guitariste rock, doit être le dragueur Hassan Ag Touhami - il reste le brillant percussionniste, passant de la calebasse au djembé, pour lequel on n'ose avancer une identité, au hasard: Said Ag Ayad!

Tu mets ton cerveau d' Européen  blasé au rancard et tu te laisses emporter pour un voyage dans les massifs montagneux du Mali.
'Tinde' dit la setlist, un titre languissant rythmé par le djembé et  des battements de mains, suivi par le chant des dunes ' Nazagh Etbal', un blues saharien chaloupé et envoûtant quelque peu terni par deux ou trois imbibés hurlant des insanités débiles.
Guitares méandreuses, vocaux hypnotiques et Hassan qui en fait des masses pour attirer le regard de la photographe, ' Tifawt'.
Première mise en évidence de Yad pendant l'irrésistible ' Toumast Tincha', pas étonnant que Brian Jones, en 1968,  ait été attiré par les sonorités du Rif marocain et ait enregistré l'album 'Brian Jones Presents the Pipes of Pan at Joujouka', considéré comme révolutionnaire à une époque où le terme 'world music' n'avait pas été inventé.
Les perles se succèdent, bon nombre d'auditeurs ont clos les paupières pour se laisser bercer par cette musique fascinante.
'Win Akalin' - 'Ahi Cigedjem' - le lumineux et limpide 'Azawad' -' A Dunya' et ses effluves à la fois sensuelles et transcendantales: tous ces titres dégagent  harmonie et  chaleur.
Les chevaliers du désert poursuivent leur trip avec l'électrique et psychédélique 'Chatma' suivi de 'Tamadrit N Sahara' et ses guitares rock.
La rythmique est tout bonnement fabuleuse.
Jusqu'ici Hassan s'était contenté de chanter et  de se mouvoir comme une danseuse orientale, il ramasse une guitare pour balancer quelques gros riffs saturés, 'Mafel Nedress' et 'Alregh Meden' secouent ferme, tout comme 'Amidin'.
Abdallah en français, comment dit-on 'merci' en langue belge?
Sale énigme déclenchant quelques réponses scabreuses.
Place à une mélopée/ chant d'amour, 'Kunten Telay'.
Nous admirons la gestuelle Fabrice Lucchini du brave Hassan.
Un invité, Kel Assouf, pour un singalong flamand, 'es da wat'... ja, dat is me wat!
Exit Kel, on reprend la route, 'Tin Ihlan' , 'Lulla',  puis  le mélancolique et lancinant 'Matanam'.
'Tahalamoyt', propice à la transe, achève le set.
Il est 22h.

L'AB euphorique rappelle les magiciens, un double bis, ' Sastan Nakham' entamé en duo, Abdallah et Yad ( un fameux guitariste) puis le méchant, crunching et gritty 'AchriYbone' permettant à Eyadou de placer un solo de basse phénoménal, tandis que Kel Assouf sorti de coulisses nous la joue Maurice Béjart.

Un grand concert, humain et intense!



 
Abderrahmane
Ibrahim Ag Alhabib