Sophie Alour à La Passerelle de Saint-Brieuc, le 23 novembre 2021
( michel)
Quel plaisir de retrouver La Passerelle ( scène nationale) de Saint-Brieuc, après plus d'un an d'abstinence.
Pour ce premier concert jazz de la saison, Guillaume Blaise et son équipe ont tapé dans le mille en invitant la dernière lauréate du Prix Django Reinhardt, Sophie Alour, compositrice, saxophoniste, flûtiste, clarinettiste, originaire de Quimper.
Elle a fait du chemin depuis le Vintage Orchestra ou le sextet monté avec Stéphane Belmondo.
Très vite son talent est reconnu, elle est invitée, e a, par Rhoda Scott, Aldo Romano ou Wynton Marsalis.
Dès 2005, elle enregistre sous son nom ( "Insulaire"), à ce jour, sa discographie se chiffre à huit albums, les deux derniers, 'Joy' et 'Enjoy' ayant été confectionné avec une équipe presque similaire.
Ces deux enregistrements serviront de clef de voûte au concert de ce soir.
Il faudra attendre la seconde plage pour entendre la séduisante musicienne présenter la fabuleuse team qui l'entoure: Abdallah Abozekry au saz et vocaux , Damien Argentieri au piano, le phénomène belge, Philippe Aerts, à la contrebasse et le fakir des baguettes; Donald Kontomanou à la batterie.
Pour les cartes de visite de ces virtuoses, tu t'adresses à Google.
Le quintet ouvre le bal avec ' Exil', la longue introduction s'agence sans l'apport du saxophone, Sophie laisse ses compagnons vagabonder sur des chemins de traverse où jazz et paysages orientaux s'entrelacent, le saz colorant le jazz traditionnel de saveurs exotiques te permettant d'imaginer les pyramides du désert blanc avec, en avant-plan, quelques Bédouins, tirant des dromadaires, se dirigeant vers l'oasis cachée au fond d'une vallée.
Le rêve ne s'achève pas lorsque le saxophone rejoint la caravane, Abdallah se lance dans des vocalises sibyllines, le rythme s'accentue, les doigts de l'Egyptien s'activent sur les cordes du luth persan, ni la contrebasse, ni le piano , ni les percussions ne perdent pied, le public, envoûté, savoure une série de soli sulfureux ou musclé pour la batterie, la magie se dissipe au bout de douze minutes ( enfin, c'est ce que tu imagines, t'avais pas de chrono), la prestation est saluée par une salve d'applaudissements.
Après avoir introduit, non sans humour, ses équipiers, une plume pour le couteau-suisse à la batterie, le/la boss décide de nous emmener du côté de l'Irlande sur ' La Chaussée des Géants', un extrait de Enjoy et aussi un des morceaux préférés de Thomas Pesquet.
Sous forme de rondo infernal, tu pars faire la connaissance du Clochán na bhFómharach, tu seras autant impressionné par la sauvagerie du paysage que par l'accompagnement sonore accidenté.
Donald, moins farfelu que l'ex-président des States, régale l'assistance par son jeu, mariant fougue et excentricités, le saz n'a pas effrayé les moutons locaux, le piano et la contrebasse, en soutien, sautillent sur les cailloux , tandis que le sax enrobe le tout d'un souffle fondant.
Parenthèse servant à expliciter la genèse d' ' Enjoy': après le départ de Mohamed Abozekry, retourné au pays, l'oud est remplacé par le saz du frère de Mohamed, lors de prestations antérieurs, Raphaëlle Brochet, une amie de Philippe Aerts, était venue prêter main forte au groupe en illustrant certaines compositions de son chant indien, un violon était aussi de la partie, on doit s'en passer ce soir pour le titre ' Songe en forme de fougère', une ballade décorée d'une flûte celtique, accolée à 'Songe en forme de palmier' une plage ornée de vocalises moins vertes et jouée en mode Marrakech Express, devenu TGV.
David Crosby et ses copains n'en reviennent pas encore.
La Belgique est mise à contribution pour amorcer 'Fleurette égyptienne' que Sophie Alour a composé en hommage à Duke Ellington, l'auteur de 'Fleurette africaine' , après le solo racé de Philippe Aerts, le sax s'immisce dans la plage sous forme de souffle d'agonisant, le piano rapplique, bricole en douce, le saz fignole, le ton est à la méditation, Duke, ravi, se dit, j'irais bien lui raconter fleurette à cette fille, qui termine ce morceau génial sur un dernier soupir.
Tous les projecteurs sont braqués sur Donald Kontomanou qui nous livre un solo magistral.
Il a fait dire à Manu Katché, assis derrière toi, il est bien ce petit, tu rigoles ajoute John Scofield, c'est une bête!
T'as failli te lever et gueuler Yeah, mais tu t'es souvenu que c'était pas un concert rock et que tes voisins te regardaient déjà méchamment car tu battais le sol du talon.
' For foot and spirit' indique la saxophoniste, avant d'attaquer une improvisation jazzy chaude et fluide, plus concise que les thèmes qui ont précédé.
Attaque en force pour la suivante, ' Un ciel plus grand', le piano entame une digression noble, il est rejoint par la contrebasse et les drums et c'est parti comme au bon vieux temps de Bill Evans, McCoy Tyner ou Keith Jarrett.
Et attendez-moi, dit le saz et la plage vire arabo-andalou, Abdallah, en pleine tempête de sable, chantonne une mélopée songeuse, au signal du capitaine, la troupe esquisse un nouveau mouvement ultra rapide qui nous conduit au terminus.
Complexité structurelle ne rime pas forcément avec vacuité, avec surprise peut-être, mais aussi avec joie intense!
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Je peux vous proposer la ballade 'Hydrate et adoucit les moeurs', elle soigne les bobos du coeur!
On arrive au terme de ce beau voyage, le guide a décidé de nous dérider en plaçant quelques traits d'humour moins gras que ceux de Bigard et attaque une dernière tirade, punchy en diable.
'Joy' vise à mettre en évidence les talents de chaque protagoniste, c'est d'ailleurs un des grands mérites de Sophie Alour, elle laisse une liberté inconditionnelle à ses comparses qui ont tout le loisir d'improviser à leur guise.
Le public ne s'y est pas trompé, il a conscience d'avoir assisté à un grand concert et rappelle la clique qui clôture la soirée par une pièce new age baptisée 'Sous tous les toits du monde', terminée par un solo de flûte construit sur un battement de huit mains..
C'est en souriant comme un enfant que tu regagnes ton toit, et ta reine!
Sophie Alour en trio le 25 novembre à Paris!