Jazz ô Château, Yannic Seddiki Trio et Comète Quintet, au Château de Pommorio, Tréveneuc, le 27 août 2021
Première soirée payante sous le chapiteau installé dans le parc du Château de Pommorio à Tréveneuc, à l'affiche, deux groupes issus de la scène émergente jazz in France:Yannic Seddiki Trio et le Comète Quintet!
Le temps de vérifier les bracelets et d'installer un public venu nombreux et après une oraison opportune du Président de l'association Quand le Jazz est là, le trio lillois fait son apparition sur le podium.
Lorsque Yannic Seddiki entre au Conservatoire à 8 ans, rien ne le disposait à se lancer dans le jazz, médaille d'or de piano au conservatoire de Roubaix en 2008, ce sont Beethoven, Chopin, Ravel , Prokofiev.... qui l'inspirent.
C'est un album d'Avishai Cohen qui lui fait découvrir un autre univers musical, le jazz, il y plonge sans hésiter, du coup sa conception de la musique évolue, ses compositions, désormais, marient classicisme et modernisme.
La musique ne connaît pas de frontières et rejette les oeillères!
Un premier album voit le jour en 2017 : “Opus 1”, quelques singles lui succèdent et, en 2021, il publie un successeur au premier CD, 'E-Life'.
Il aurait dû jouer à Jazz ô Château en 2020, concert annulé pour les raisons connues, le comité organisateur a tenu promesse, tous les groupes programmés en 2020 seront à l'affiche en août 2021.
Content, il était, le grand Yannic.
Pour l'accompagner, un duo de choc: Yoann Bellefont (cb), Dimitri Delporte (dms)!
Yoann, un roi de l'improvisation, a accompagné Ismaël Métis et joué , e a , avec Call of the Trees, le Sparkly Swing Band ou Cardine Franche.
Dimitri, quant à lui, est monté sur scène avec le Libertrio!
Le set démarre par ' Infoxication' ( note bien: info et pas into) qui ouvre le second album, une voix off narre un un récit mettant en évidence le lien humain, derrière le texte, un piano minimaliste, une contrebasse et une batterie métronomiques.
Le monde selon John Cage n'est pas loin!
Un blanc, le batteur lance un nouveau sample pour introduire ' Microwaves', le piano se fait ample puis saccadé, la voix off utilise l'anglais comme véhicule, après un mouvement proche du symbolisme cher à Debussy, la mélodie gagne en intensité, le médecin appelé au secours constate une sérieuse poussée de fièvre.
Tout à son jeu la comtesse aux pieds nus rebondit sur son siège tandis que ses doigts agiles percutent les touches.
Tréveneuc retient son souffle.
Présentation des musiciens avant d'entamer de manière feutrée, à l'archet, une troisième plage de l'album, ' A new day' ( le matin, à l'éveil, l'homme est déconnecté , le portable et le PC sommeillent) ,subrepticement l'araignée tisse sa toile, nous sommes les mouches emprisonnées dans ses fils.
Petit à petit le jeu du pianiste se fait plus physique, la composition s'emballe et nous emballe.
Du grand art!
'Duality' , bruits de foule, flux tourbillonnant, les acolytes se recueillent, Yannic place un solo fait de notes répétitives qui aurait plu à Terry Riley, la contrebasse et la batterie le rejoignent, la mélodie prend corps, la contrebasse brode à la manière de Dave Holland, le pianote sursaute, l'échange devient violent, chacun pousse l'autre dans ses derniers retranchements, qui va rester sur le carreau?
L'archet met un terme à la rixe.
Un blanc, concentration extrême, avant de proposer une ballade intimiste qui sortira en single en septembre.
Le sujet de 'Black or White Hat' est les pirates informatiques, il y a, paraît-il, des bons ( au service de l'état) et des mauvais ( les autres).
T'as envoyé un message à madame, mon ange, peux-tu aller vérifier si le PC a explosé?
Pris dans le maelstrom, l'embarcation a du mal à garder le cap.
Ouf, arrivé à bon port, l'équipage et les passagers applaudissent le capitaine à tout rompre.
Sartre disait 'L'enfer, c'est les autres', Yannic affirme on a besoin des 'Autres'.
Une nouvelle pièce de jazz novateur et clairvoyant, tu verrais bien William Sheller coller un texte sur cette composition.
Le voyage, accidenté, parfois périlleux, prend fin avec ce rondo furieux.
Le public debout décerne une ovation monstre au trio, visiblement heureux.
'Stefan' est proposé comme dessert.
Pause technique!
Comète!
Le groupe se forme à l'instigation de Jack Tual ( guitare) qui rassemble des amis musiciens, issus du centre de musiques Didier Lockwood, une école de jazz et de musique d’improvisation en région parisienne.
Gaëtan Diaz (batterie), Jack Tual (guitariste et compositeur), Pierre Elgrishi (basse), Olivier Gay (trompette) et Auxane Cartigny (clavier Nord Stage) montent sur scène vers 22:45', ils vont nous conter pas moins de ' Seven secrets' ( un extrait de l'EP sorti en 2017), sentant bon le jazz rock, aux relents seventies relevés, le Nord prenant des accents Fender Rhodes trafiqué, nous renvoyant vers des gens aussi illustres que Jan Hammer, Joe Zawinul ou le plus jeune, Jozef Dumoulin.
Est-ce du jazz, de la fusion, du rock progressif...peu importe, cette longue plage à la structure complexe interpelle et les place dans la lignée de Return Forever, Weather Report ou du Nucleus de Ian Carr.
'Liewy' nage dans les mêmes eaux, d'ailleurs le piano électrique glougloute, tour à tour, les musiciens ont droit à une mise en évidence en alignant improvisation aventureuse ou jeu raffiné, le sax expire une brise opportune, l'orgue, toujours saturé, impressionne, la basse ronronne, la guitare se fait McLaughlin et le batteur assure un rythme d'enfer, mais ne croit pas que tout coule de source, les brisures sont nombreuses et il arrive au public d'applaudir à mauvais escient.
'Kepler' offre la complexité d'une tirade de Gentle Giant, sans les vocaux!
La suivante ne va pas faire plaisir à Brigitte.
Macron?
Non, Bardot!
'Good chicken is a dead chicken', la guitare passe du vaporeux aux acrobaties osées, la trompette prend le relais et c'est reparti pour un exercice mixant groove, temps morts, zones d'ombre et envolées furieuses.
Le cocktail est sans doute trop cérébral pour certains, ils s'éclipsent, autre possibilité, il s'agit de regagner la maison de repos avant minuit!
Voici 'Autumn Mood', une ambiance qu'on a connue pendant des semaines, on a même oublié ce qu'était l'été.
Comète continue à brouiller les pistes avec 'Intuitions' et ' La goutte d'or' , des pièces qui arpentent un terrain accidenté .
Un détour par l'espace avec 'Cosmos Child', un bébé prog/funk , ce titre élaboré nous donne envie de placer Comète dans la galaxie Magma!
'Popop' se trouve sur le debut EP , si tout va bien un full album doit paraître en 2022.
Quoi, 'Pop' , non rien à voir avec le synthétique 'Pop Muzik' de M.
Comète et le synth disco ne font pas bon ménage.
Clap de fin!
Les rescapés debout pour acclamer cette performance magnétique, faisant plus appel à ton intellect qu'à tes émotions.
Rappel, Comète revient pour un dernier titre destiné à révéler tous les talents de Gaëtan Diaz.
Une première soirée palpitante avec deux groupes dont on entendra encore parler!