Gil Riot et Broken Waltz au Chaland Qui Passe à Binic, le 8 août 2021
Durant tout l'été, Le Chaland qui Passe, le bar le plus branché de Binic, programme des concerts pointus.
En ce dimanche d'août où la cité balnéaire du Goëlo fait le plein ( pas évident de caser ton tas de ferraille) malgré une météo grincheuse, deux noms se retrouvent à l'affiche: Gil Riot et Broken Waltz!
C'est démasqué et armé d'une Coreff que tu te colles au pare-vent délimitant la terrasse du zinc en attendant le bon vouloir du Gilles de Rio.
Gil Riot, c'est un grand cru millésimé, qui a bien vieilli. Il a traîné sa bosse au sein de différentes formations, la plus récente étant Crocodile Boogie, fondée par le boss de chez Beast Records, sinon on retrouve sa trace chez Casse Pipe, le Rio Cinema Orchestra, Scenic Railways, Swing Bazar, Dizzie Roméo, Orville Brody & Goodfellas, Tim Bewlay, Holy Dust, Pete Ross etc...
Quoi, non, pas Mireille Mathieu, c'est un certain Gilles Proust, ma chère, qui reprend du Mireille.
Deux albums à son nom disponible chez Beast, le thérapeutique 'Whisky on your wounds' ( label au choix, pas de glaçon, svp ) et 'Felicity Road'.
En cette fin d'après-midi, Gil, bien rôdé, fringué d'un seyant gilet noir et d'une liquette sortie de la garde- robe 1965 d'Antoine, s'accompagne d'une acoustique, quelque fois d'un harmonica, et se base sur un calepin, où les caractères sont écrits en grand, pour le choix de son répertoire.
Après un faux départ, le roadie, inexistant, ayant omis d'insérer un instrument dans le porte-harmonica, Gil attaque ' I Can't Help but Wonder Where I'm Bound' le folk track composé par Tom Paxton, un morceau que Johnny Cash avait emboîté dans son catalogue.
Avoue qu' il y a pire comme entrée en matière!
La voix mature et le jeu sobre enrobent brillamment un texte écrit en 1964.
If I take care of you, I just take care of me...ainsi débute le midtempo suivant ( 'Felicity Road') toujours interprété d'une voix de crooner ayant vécu , un timbre profond, mature mais aussi tourmenté, à la croisée d'un Delbert McLinton ou de Rodney Crowell.
Quelle drôle d'idée, demander à sa copine d'être enterré avec les chaussures qu'il portait lors de son mariage, sans oublier de glisser tous ses péchés dans le cercueil ( My proud way to hell) , c'est à Lee Clayton que tu penses en l'entendant psalmodier sa prière, et en ajoutant baby, please don't cry...
Tu as vu deux ou trois oiseaux noirs voltiger à côté des mouettes et des goélands, les habitués du port.
Mon groupe est resté sur le paquebot qui mouille au large de Saint-Malo ou d'Osaka, je confonds tout, sorrry, d'où ce voyage en solitaire, confie-t-il en piochant dans le recueil traînant à ses côtés, avant d'entamer la suivante, nostalgique. Sillonner le monde d'est en ouest, c'est bien beau mais quand tu vieillis, trouver un endroit you may call home c'est pas plus mal!
Même sans le violon plaintif, 'There's some words', extrait de son dernier enregistrement, frappe juste, tu pouvais le sentir son désespoir de brokenhearted man, quand tout à coup, au moment où il terminait sa complainte, le serveur se prend une pelle laissant un amas de verre brisé sur la chaussée.
Plus de peur que de mal, tu n'avais pas passé commande!
Toujours sur l'album de 2019, voici ' Bad Moon' , c'est sûr, ce n'est pas la vie en rose, il n'y a pas de quoi pavoiser: des attentats, la pollution, la pandémie, les prédictions catastrophiques du GIEC, on n'est pas qu'un petit peu dans la merde!
Seconde cover, 'I'd be a legend in my time' de Don Gibson.
Binic goes country, tandis qu'un chapeau passe, les artistes aussi ont soif.
Retour de l'harmonica pour 'Born in September', un folk automnal suivi par 'un galop énervé, ' A horse to Ride', un cheval que tu peux jouer placé à Longchamp.
Ladies and gents, le groupe qui suit a comme devise 'Fuck the guitar players', faut que je me grouille pour placer ma dernière tirade, tout aussi remuante que la précédente, 'Let it go', car ... my heart is a ball of fire!
Un set apprécié par la clientèle du troquet et par les nombreux curieux flânant sur les quais qui, souvent, ont fait une halte pour écouter le musicien.
Broken Waltz
Tu les as connus Buck en sortie de résidence à Bonjour Minuit, c'était avant toutes les restrictions, ils t'avaient impressionné. 2020, Buck a vécu, Xavier Soulabail, Clément Palant et leurs sbires opèrent désormais sous l'appellation contrôlée Broken Waltz.
Pas pour les mêmes raisons que l'oncle Ben's devenu Ben's Original, pour quon ne le confonde plus avec la case de l'Oncle Tom, ni même dans l'optique Lotus Speculoos, devenu Biscoff pour faire plaisir aux Yankees, Papous et Chinetoques, non, Broken Waltz, d'après le bassiste, est un emballage convenant mieux au produit proposé, Tom Waits a bien composé une valse pour Cinny ou repris le traditionnel Waltzing Matilda, quand il ne tournoie sur une mesure 3/4 temps avec la dénommée Alice.
Broken Waltz est sur le point de sortir un second album chez Beast ( ...And Disasters), il doit succéder à 'A mysterious land of Happiness' de 2020.
Line-up:
Xavier Soulabail ( basses et backings), Clément Palant ( chant, batterie, colifichets voodoo, orgue), les racines de Buck, auxquels s'ajoutent les cuivres, l'élégant barbu, Pierrot Rault au saxophone et le mètre 93, Vincent Paulic, au trombone, parfois à l'orgue.
Les ingrédients utilisés pour leur recette n'ont pas vraiment changé, leur cuisine demeure spicy et colorée, tu aimes le Spicy Boiled Crawfish, le chicken and sausage gumbo ou les New Orleans Stuffed Bell Peppers, tu vas te régaler.
C'est Xavier qui met le feu aux poudres en malmenant sa basse à la slide, Clément le rejoint et, de sa voix caractéristique , cassée, éraillée et salement rugueuse, arborant des senteurs Dr John/Tom Waits/ Henry Rollins, entame un gospel:blues hanté, 'Come down of the cross'.
Après quelques minutes, Clément passe derrière ses fûts, ce qui ne le calme pas, la plage, hypnotique, mue en mode voodoo tandis que sax et trombone viennent ajouter une croustillante note brass band, à la tirade.
Virage boogie crasseux avec la suivante, ' Deep in the Mud'.
Tu te demandes comment tu vas te sortir de ce merdier, les alligators se sont mis à chalouper dans le marais, du coup, une baleine égarée au large, déjà étonnée par l'ampleur du chantier éolien dans la baie de Saint-Brieuxc se dit que le monde tourne mal, ce que confirme Axelle Red.
Sur l'estrade, Xavier poursuit son travail de sape, la quatre cordes boit le calice jusqu'à la lie, les cuivres pilonnent sec et le jeu métronomique de l'Iroquois breton assure un tempo infernal, ...break the walls... lance-t-il d'une voix à faire passer Screamin Jay Hawkins pour un castrat.
Avec 'Facedown in the Dust', Broken Waltz propose un blues/punk/garage ravagé.
Imagine l'enfant bâtard né des amours tumultueuses de Poison Ivy et de Frank Zappa pour te faire une idée, quelques pointes de punk/free jazz à la Lounge Lizards agrémentent la salve.
T'étais sur le point de sortir l'aspirateur quand Clément nous promet ein deutsches Lied, du coup tu t'attendais à une version La Grande Vadrouille de "Hi Lili Hi Lili Hi Lo",. Eins Zwei Drei qu'il dit pour entamer un ' Christmas Boiler Suit' qui exhale des fumets Nina Hagen, là où certains espéraient Marlene Dietrich.
Ils nous ont eus par surprise et ont bien l'intention de continuer à nous bousculer ( comme on est légèrement maso, on aime ça), voici 'Long Live the Bride', une chanson d'amour en mode cabaret tango/waltz.
Kurt Weill a apprécié le côté théâtral de la pièce, tu as réfléchi quand le chef a questionné...do you know about my Rosie?
Celle de Cabrel ou d'AC/DC... sinon je me souviens de Rosy Varte!
Fondu enchaîné sur un blues râpeux, baptisé ' He fell down' , qui commence comme il se doit par When I woke up this morning... Clément se sentant des fourmis dans les jambes se paye une petite balade dominicale avant de reprendre du service avec ses baguettes.
Le convulsif ' White Gown' est poussé par un sax poisseux tandis que Xavier a repris le bottleneck pour le faire glisser rageusement sur la basse initiale.
Une boîte à rythme amorce 'A Dream Worth Living For'.
Repos pour l'armada cuivrée.
Une basse saturée et un chanteur à l'orgue, style Question Mark and the Mysterians, engagent ce garage frelaté, le sax rapplique et vient faire la cour à Clément Palant, pour le coup tu revois le délirant et regretté Steve Mackay dans un de ses soli endiablés.
La fin du voyage est en vue, le quartet nous balance un nouveau boogie gluant, 'The Devil Has a Bigger Heart than Men', à rendre malade le Canned Heat, John Lee Hooker et leurs copains.
L'outro envoyée, les clients ont droit à un salut indien mais ils savent qu'en insistant un peu, il y aura un bis.
On vous refait une valse viennoise légèrement trafiquée sous forme de boogie et on vous promet un feu d'artifices final.
Ce qui eut lieu!
Le 8 octobre à Bonjour Minuit en compagnie de Crocodile Boogie , il reste des tickets!