lundi 30 août 2021

Jazz ô Château, Foehn Trio et Alula sextet au Château de Pommorio, Tréveneuc, le 28 août 2021

 Jazz ô Château, Foehn Trio et Alula sextet  au Château de Pommorio, Tréveneuc, le 28 août 2021 


Après l'apéro Lipazz Trio, les convives sont invités sous le chapiteau pour le dernier volet du samedi, sont attendus le Foehn Trio et Alula sextet!

Toujours un léger retard avant le début des échanges, le président tient son rôle et convie le Foehn Trio. 

Le vent chaud sévissant en Rhône-Alpes a l'intention d'ébouriffer les chevelures, d'envoyer zinguer les perruques et de caresser le crâne des dégarnis.


Christophe Waldner (piano et claviers Nord, + loop station cachée), Cyril Billot (contrebasse et synthé basse) et Kevin Borqué (batterie, drumpad et effets) se sont rencontrés et aimés il y a quelques années et en 2016, forment le Foehn Trio.

Très vite, ces enfants du Sahara font impression et récoltent moult lauriers, après un premier album 'Magnésie', ils enfantent d'un second ouvrage baptisé   “Highlines”.

Comment qualifier votre musique, leur a demandé une brave dame?

Du jazz actuel, on n'a pas trouvé mieux, sorry!

Car contemporain, leur jazz l'est assurément, il peut attrister tous les détracteurs  d'éléments électroniques dans la Blue Note, mais l'esprit jazz reste  là, improvisations, virtuosité, groove et audace.

Le 'Grand Ferrand' (2 758 m) est le second plus haut sommet du massif du Dévoluy, c'est lui qui donne son nom à la plage inaugurale, au jeu heurté sur les touches du Yamaha, une contrebasse et un drumming tout aussi saccadés, succède un second mouvement voyant Christophe pianoter de la main gauche sur le Yamaha classique tandis que la droite effleure un Nord Stage moins fluide.

La composition s'affole, les alpinistes risquent la dégringolade, heureusement tout s'assagit et ils peuvent regagner le refuge sans casse.

La suivante est un hommage à la vallée des loups, d'où 'Wolves' .

Le canis lupus s'éveille, s'étire, se dirige nonchalamment vers le petit ru alpestre, lape l'eau limpide puis  entame ses exercices physiques matinaux, Kevin Costner qui passait par là, lui propose un pas de danse, du coup l'arrière-plan sonore gagne en grâce et en majesté.  

Les sonorités fluctuantes du Nord amorcent ' Danse pour Gaïa' , pas de flûte comme sur l'album, pas de panique on dispose de samples. Pour accentuer l'effet tampon, Kevin tapote le drumpad, la contrebasse tisse ses arabesques et le piano batifole, c'est beau comme un documentaire sur les fonds marins et enivrant comme  un vin pétillant.

Grosse claque avec leur version presque iconoclaste de la ' Gnossienne n°1' d'Erik Satie, qui n'est pas Breton, ni satyre.

Si l'amorce respecte  la composition du maître de Honfleur, un second mouvement électro vient bousculer l'oeuvre impressionniste.

Craquements, ronflements,  flop flop caoutchouteux,  drumming acrobatique, nappes de synthé célestes, on est plus proche du Portico Quartet ou de Jaga Jazzist  que de Chopin.

Le final du  romantique 'Camera Obscura' aura décontenancé plus d'un auditeur , 'Rainbows' qui lui succède, tel un kaléidoscope, nous fait voir un météore multicolore, le fond sonore échevelé  a enflammé le public, un voisin électrisé vient de lâcher un dixième wééé admiratif, malgré un coup de coude dans les côtes envoyé par sa compagne qui a horreur de l'exhibitionnisme.

Comme lady Chatterley, Madame Carle a eu un amant, en l'apprenant son mari, souvent absent, la supprime d'une manière digne d'une série télévisée made in France, mais le fantôme de la  morte  veille, voilà l'intrigue de ' La vengeance de Madame Carle', un soundtrack escarpé.

'Romy' dit la playlist, après un démarrage impressionniste , Romy vire techno, tout s'ébranle, l'effervescence gagne le public lui-même pris dans un tourbillon tumultueux.

L'enthousiasme est à son comble, le trio va tirer une dernière cartouche,' Old Ocean' , tout aussi trépidante.

Ovation dantesque de plusieurs minutes.

Ils ne sont pas partis bien loin et ajoutent, on vous a gardé une friandise, 'Same Horizon', un rondo synthétique bourré d'effets spatiaux, de trucages ingénieux et de petits clins d'oeil  à des morceaux pop purulents comme en pondaient Chicory Tip ou d'autres bouffeurs de popcorn!

Un grand concert !  


Préparatifs laborieux avant l'entrée en piste de l'Alula Sextet, l'ingé-son rame!

 Christophe Lehoucq fonde Alula en 1998 avec son copain, saxophoniste comme lui, Philippe Razol!

Leur credo: un world jazz tendance afro.

Plusieurs albums voient le jour:  Finis Terrae (CD Baby 2016), Sikkandi (Aphrodite records 2013), Anémokory (Aphrodite records 2007), Alula (RMP 2002) et, enfin, plus frais, "Héliotropiques" en 2021.

Le line-up a évolué, ce soir Tréveneuc verra et entendra: Christophe Lehoucq : saxophones et compositions/la séduisante  Swala Emati : chant, texte et compositions/  Philippe Razol : saxophones, samples/  Alex Stuart  from Australia: guitare et sanza/Fabricio Nicolas : basse et Gérald Portocallis : batterie.

Ouille, ils ne sont que cinq, tous au garde à vous,  il  manque un élément majeur, Swala, partie enfiler sa tenue de scène.

Elle arrive, grimpe sur la scène pour saisir un gong, le groupe lance une longue intro ethno jazz, tendance fusion, passablement  alambiquée, avant d'entendre la voix mélodieuse de Miss Emati chanter les fourmis dévastatrices, les magnans, décrites comme des fourmis légionnaires mangeant tout sur leur passage. 

La seconde plage, ' Ode à l'enfance' offre de vagues relents Bernard Lavilliers, grâce à sa toile de fond reggae.

La fin de la terre en Bretagne, c'est le Finistère, ' Finis Terrae'  a été composé du côté de l'île de Crozon, en contemplant l'horizon, Christophe a été envahi par une idée d'infini mais aussi par un sentiment de frustration, il n'a pas voulu imiter Icare pour accompagner goélands, cormorans et autres oiseaux marins, mais l'envie y était.

Les saxes suaves, la basse tellurique, un glockenspiel caché, une guitare mandingue et un drumming be-bop,  précèdent l'entrée en action de Swala, le son gonfle, les saxes soliloquent à tour de rôle sur fond brumeux, puis vient la guitare, Gérard lui aussi a son mot à dire, il nous la joue Ginger Baker, on reprend le thème, puis la nuit, noire, tombe!

Eh, Christophe, t'as pas emmanché le bon sample.

Exact, j'efface, on reprend.

Comme  les titres n'ont pas été répertoriés, on t'indique qu'il s'agissait d'une sorte de saudade chantée en espagnol ( peut-être 'Biyadhoo'). Le spleen noir, rehaussé par une guitare Spanish Caravan, laisse des traces et des images de grands disparus viennent te hanter, Jim et Ray, des Doors!

La suivante démarre sur fond de bruitages exotiques, Swala, mains jointes devant la bouche, mime un souffle d' animal,  le batteur fait grincer une cymbale par un frottement de baguette, la jungle s'éveille, le chant, en français, apaise mais il annonce  un mouvement tribal, la tribu est sur le pied de guerre, la composition atteint un crescendo avant le relâchement final.

Comme toutes les pièces précédentes, celle-ci avoisine les dix minutes et passe par différents climats, allant de l'aérien, à l'incisif, du sensuel  au mordant.

Bref, ton esprit voyage sans polluer!  

On avait déjà sillonné une bonne partie de la planète, avec  'Tubbataha', c'est   aux Philippines qu'on aboutit, dans la mer de Sulu où gît un sanctuaire marin.

Le titre, chanté en anglais,  est sinueux comme la nage d'un requin gris. 

Le remuant et chaud 'Resilience' termine le set  sur une note d'espoir en abordant la force de l'amour.

 

Tu aimes Jan Garbarek, Gong, Didier Malherbe ( un de leurs amis), Fela Kuti ou Osibisa, le groupe anglo-ghanéen qui avait popularisé l'Afro Rock au UK dans les seventies , tu vas adorer Alula qui a prévu un bis aux saveurs  tropicales, pour lequel Alex a sorti le minuscule sanza,  avant de quitter la tente.


Jazz ô Château 2021, une réussite magistrale!