CEYLON au Chaland qui Passe à Binic, le 9 mars 2025
michel
Si Ceylan, c'est pas rapide, Ceylon, c'est long, comme la taille de leurs compositions.
Prends les Dead Kennedys, par exemple, en moins de trois minutes ils sont complètement bourrés et dans l'incapacité de baiser , ' New Rose' de The Damned ( paix à Brian James) fait 2'45, chez Ceylon , certaines compositions flirtent allègrement avec le quart-d'heure ( français, américain ou anglais).
Cette brève préface pour t'annoncer qu'en une heure de set , le groupe n'a pas interprété dix titres!
Ceylon, des Singhalais?
Ni Singhalais, ni gringalets, à l'origine du groupe, tu as Louise Holt (enfant de la balle, chanteuse et danseuse) et Tristan Chevalier ( guitariste, chanteur) .
C'est lors du Festival d'Avignon qu'ils font connaissance.
Eh, mec, tu me suis à Toulouse?
O K, on forme, un groupe?
Pourquoi pas!
Ils recrutent Lucas (guitare / oud), Pierre-Jean (basse) et Sacha (batterie), on est en 2017!
Il faut attendre 2019 pour voir un premier enregistrement, un EP cinq-titres, baptisé 'Ceylon', sur lequel déjà les morceaux sont plus longs que les 3' radiophoniques réglementaires.
Il est question de psychédélisme, de transe, d'influences orientales.
Petit rappel: sur scène Fleetwood Mac, du temps de Peter Green, balançait une version de plus de 16 minutes de ' The Green Manalishi'.
Revenons au groupe du Sud-Ouest: d'autres disques voient le jour, ( deux albums et un EP) et la formation mue, en cette fin-d'après-midi, le bar le plus in de Binic accueille la femme serpent , Louise Holt ( chant, shakers, et danses félines, salement suggestives ) , Tristan Chevalier ( guitare, chant) , Pierre-Jean Meric ( basse), toujours fidèle au poste ( il a également fait parte du groupe toulousain Temper), Christopher Tsen-Tao à la seconde guitare ( membre du backing band de Charlotte Adrien) et Sacha Cantié ( drums), toujours présent, il est aussi annoncé comme membre du groupe Le Barda.
Le concert débute avec un léger retard, Arnaud le patron du zinc et ingénieur son , devant s'absenter pour quelques instants.
On patiente tout en devisant et en éclusant une Tuborg , quand, sans prévenir, un larsen infect vient agresser nos chastes oreilles, on fait quoi, doc?
Débranche, suggère France Gall!
Heureusement tout rentre dans l'ordre et le quintet peut entamer son set normalement!
Tandis qu'une guitare fignole une broderie fine, que la basse ronfle comme une tondeuse à gazon bien entretenue, Louise d'une voix canaille entame le texte byzantin ' On ne dit pas' , très vite la palette sonore s'enrichit pour associer poussées psychédéliques, lave prog et conjonctures tribales.
Bref, de quoi être désarçonné et ensorcelé dès l'entame.
Des points de repères?
Pas évident, les amstellodamois de My Baby peut-être , en pensant à leur chanteuse Cato Van Dijck.
'Maraiées mortes' date de leur premier EP.
Louise, d'une voix neutre, récite ' Marées mortes' , un énoncé théâtral que les copains enrobent d'un magma ( merci Chritian Vander) psychédélique et jazzy du meilleur effet.
Tristan écrase la pédale wah wah, la guitare aboie, Sacha jongle avec ses baguettes, Christopher, caché, ajoute de fines pointes incisives et la basse de Pierre-Jean scelle le tout, tandis que la chanteuse ( en mode Sandie Shaw, ....ai laissé mes pompes au vestiaire) divague au gré des vagues mortes, en poussant, de temps en temps, de petits cris ou en se transformant en poisson volant.
Déjà une seconde claque ( zappaienne) magistrale!
Un minime problème technique, câble déficient pour la basse, retarde la mise à feu de 'Il va falloir' , un downtempo mélodieux, qui n'empêche nullement Louise de reprendre ses exercices d'aerobics,, nettement plus nerveux que ceux de Jane Fonda.
Cette longue plage, toute en arabesques et onomatopées, part en jam sinueuse, Tristan, concentré, assure des choeurs mélancoliques en égrenant des riffs précis.
C'est lui qui se charge des lead vocals sur 'Whatever' , un titre évoquant les New-Yorkais de The Rapture ou le Tom Tom Club de Tina Weymouth et Chris Frantz.
Sur disque, la plage affiche plus de sept minutes, sur scène on dépasse carrément les dix minutes, tu t'enfonces dans un marais de funk blanc , de percussions tribales, de tchik tchik tchik à faire pâlir les gens de chez !!! , pourtant habitués aux mélanges post punk/funk.
' Pink City' a été composé en hommage à Toulouse.
Un savant mélange de rose, pas frigide, de rythmes urbains vibrants, virant soudain jungle, de secousses telluriques, de divagations à la King Gizzard & the Lizard Wizard et de voix, tantôt à l'unisson, tantôt se répondant.
On nous dit qu'un jour, Ceylon et Altın Gün étaient à la même affiche, ce devait être dément!
Après une intro lyrico-ethnique, Louise attaque 'La montée des marches ' ( 9'20") , le titre le plus bluesy du répertoire.
Du blues, mais pas du Robert Johnson, on pense plutôt aux Doors et on ajoute leurs voisins Jefferson Airplane, pour le côté acide.
La slide de Tristan lèche les cordes, Louise, en gymnaste à la fois vocale et physique, attire tous les regards, et on ne peut passer sous silence le travail méticuleux de la basse et de Sacha à la batterie, tandis qu' à l'arrière, en pointillé, Christopher distille des saillies subtiles.
Après la conférence basse/batterie, tout le monde pensait que le morceau allait s'achever, mais non, il repart de plus belle comme une jam du Grateful Dead.
En fait , en fondu enchaîné, ils ont embrayé sur 'Le 5 ( 9'32") , une incantation obsédante et aussi profonde que certains titres de Dead Chic.
La jambe de Louise s'élève plus haut que la tête du guitariste, à la chevelure de Cochise , soudain elle bondit, telle une tigresse, car la voix de Tristan devient colérique, pour le calmer, elle minaude et nous, le public, en transe , depuis plus de dix minutes, on suit leur périple cosmique en écoutant le conseil de Tristan ...