Wheobe au Barbe à Plouha, le 14 mars 2025
michel
20:00 au Barbe, Yann ne se montre guère optimiste, peu de réservations pour le concert de la soirée, effectivement une audience réduite ( euphémisme) s'accoude au comptoir.
Heureusement, vers 20:30, le nombre des clients a passablement grimpé !
Si Wheobe fait la une de la rubrique culture à Lons-le-Saunier, leur renommée dans le Goëlo est inexistante, ce qui devrait changer après la fantastique prestation des Jurassiens dans le zinc tenu par un panda perdu.
Au sortir du jardin d'enfants, quatre bambins, Swann Foucher (chanteur, claviériste et parolier), Matthias Joannon (bassiste), Matthieu Mercky (batteur) et Ivanoé Tissot (guitariste), décident de monter un groupe de rock.
Du rock sans étiquette, car leurs influences sont multiples, moi j'aime le gangsta rap, nous, on carbure au jazz , enfin, le chanteur a été nourri à Portishead, Morcheeba, Massive Attack, Tricky ou Zero 7.
Du coup leur fond de commerce est fécond, pour faire court on lâche ' alternative', là-dedans tu trouves :du prog, de l'art rock, du trip hop, du shoegaze, de l'expérimental, du baroque, de la chamber pop et même du stoner.
Un cocktail hallucinant.
Un premier concert dans leurs terres se déroule fin 2019, 2020 sera calme ( pas à dessein, pas besoin de dessin ).
2021, le groupe ramasse les lauriers lors de la finale d'Imagine, ce qui leur donne le droit d'aller admirer Manneken Pis, du coup ils partent saluer les Rosbifs et les porteurs de kilt et continuent à tourner, essentiellement, en Auvergne-Rhône-Alpes.
Un premier EP (' Lifedrop') paraît en 2022, suivi par "collapse; relapse" qui sent encore le talc!
Matthieu: je commence?
Vas-y, ... après un boum, boum, boum méthodique ... 'Counterclockwise' démarre dans le sens des aiguilles.
Le chevalier; qui a laissé son épée chez sa fiancée Rebecca, déjà place quelques accords aiguisés, puis Swann, qui a lu Proust, saisit le micro et d'un falsetto proche de celui de Thom Yorke habille habilement la composition alors que la basse de Matthias, à l'affût, gonfle le son.
D'emblée, le côté théâtral et la dramaturgie gestuelle expressive du chanteur interpellent.
La composition, complexe, développe un mouvement apaisé après une amorce nerveuse, puis reprend du poil de la bête lorsque le chanteur passe derrière l'orgue.
L'étiquette prog rock prend tout son sens, car si le chant évoque Radiohead, les arabesques symphoniques se rapprochent de l'école de Canterbury, illustrée par des groupes tels que Caravan ou le Khan de Steve Hillage.
Dans ses bagages, Ivanoé a emmené un cintre, comme il n'a trouvé ni d'ebow, ni de bottle neck, il utilise l'objet pour frictionner les cordes de sa guitare, ce qui donne au titre ' Sinking' un grain noise bien cintré.
Le tempo est soutenu, le chant agité, basse et batterie entament un dialogue courtois puis la chose s'active et gagne en fougue.
Une crise d'épilepsie collective a gagné les musiciens, Swann, habité, nous la joue Grégory Frateur , le chanteur ravagé de Dez Mona.
Cette seconde claque précède 'Laska' au chant lyrique qui te renvoie vers le magnifique combo de Scarborough, The Irrepressibles !
Sur le nouvel EP, 'The World Can Wait' démarre par un chant chaste sur drumming martial, guitare et basse jouent en retenue.
Ivanhoé ajoute sa voix à celle du chanteur et le midtempo harmonieux s'étire sans se soucier des préoccupations mercantiles d'un monde courant à sa perte.
Je me sens bien sur mon île déserte!
Un avertissement: bien chers auditeurs, la suivante dure dix minutes!
'Me and the tide' est fait de flux, reflux, de remous pas mous, de brisures angoissantes, d'éclats asphyxiants pour finir en post rock explosif.
La présence scénique de Swann s'approchant de celle de Peter Gabriel du temps de 'The Knife' ( Genesis Live, quelle claque!).
A l'issue de cette pièce épique, Hubert, pointilleux, pointe : j'ai chronométré, à peine 9' 12"!
Le grand retour du cintre pour ' To you all' une sorte de valse incantatoire, le chef de la tribu implore le ciel ... I pray for the rain... !
Pas un Breton sensé n'adresserait cette prière à Tlaloc!
Deux ou trois accords jazzy amorcent ' A Smoke-fed Crackle', une pièce au premier mouvement flegmatique, qui soudain gronde pour exploser tel un volcan effusif contrarié par une activité humaine mesquine.
Avec 'Sore' , ce sont à nouveau des relents Radiohead qui embaument l'air , le chant viscéral et le fond sonore en forme de rollercoaster déjanté ont donné le tournis aux clients qui applaudiront à tout rompre à l'issue de cette composition torturée.
Le petit tambour d'Arcole entame la dernière plage de la soirée, ' Fangs' , une guitare fluide le rejoint avant d'entendre une voix émerger des marais.
Quelques gimmicks spongieux s'immiscent dans la composition, la basse gronde, Swann gémit, la guitare se fait pointilliste, le ton monte vers un climax fiévreux.
La bête vit ses derniers instants, faits de soubresauts et de râles frénétiques elle rend l'âme lors d'un final cataclysmique.
Subjugué par tant de prouesses, le public, conscient d'avoir assisté à un set époustouflant, a mis du temps avant d'applaudir à tout rompre.
Retiens ce nom : WHEOBE et si ta route passe par Paris, assiste à leur concert à la Mécanique Ondulatoire le 20 mars!