lundi 10 mars 2025

CEYLON au Chaland qui Passe à Binic, le 9 mars 2025

 CEYLON au Chaland qui Passe à Binic, le 9 mars 2025

michel

Si Ceylan, c'est pas rapide, Ceylon, c'est long, comme  la taille de leurs compositions.

Prends les Dead Kennedys, par exemple, en moins de trois minutes ils sont complètement bourrés et dans l'incapacité de baiser , ' New Rose' de The Damned ( paix à Brian James) fait 2'45, chez Ceylon , certaines compositions flirtent  allègrement avec le quart-d'heure ( français, américain ou anglais).

Cette brève préface pour t'annoncer qu'en une heure de set , le groupe n'a pas interprété dix titres!

 Ceylon, des Singhalais?

Ni Singhalais, ni gringalets, à l'origine du groupe, tu as  Louise Holt (enfant de la balle,  chanteuse et danseuse) et Tristan Chevalier ( guitariste, chanteur) .

C'est lors du Festival d'Avignon qu'ils font connaissance.

 Eh, mec, tu me suis à Toulouse?

O K, on forme, un groupe?

Pourquoi pas! 

Ils recrutent Lucas (guitare / oud), Pierre-Jean (basse) et Sacha (batterie), on est en 2017!

Il faut attendre 2019 pour voir un premier enregistrement, un EP cinq-titres, baptisé 'Ceylon', sur lequel déjà les morceaux sont plus longs que les 3'  radiophoniques réglementaires.

Il est question de psychédélisme, de transe,  d'influences orientales.

Petit rappel: sur scène  Fleetwood Mac, du temps de Peter Green, balançait une version de plus de 16 minutes de ' The Green Manalishi'.

Revenons au groupe du Sud-Ouest: d'autres disques voient le jour, ( deux albums et un EP) et la formation mue, en cette fin-d'après-midi, le bar le plus in de Binic accueille la femme serpent , Louise Holt ( chant, shakers, et  danses félines, salement   suggestives ) ,  Tristan Chevalier  ( guitare, chant) , Pierre-Jean Meric ( basse), toujours fidèle au poste ( il a également fait parte du groupe toulousain Temper), Christopher Tsen-Tao à la seconde guitare ( membre du backing band de Charlotte Adrien) et Sacha Cantié ( drums), toujours présent, il est aussi annoncé comme   membre du groupe Le Barda.

Le concert débute avec un léger retard, Arnaud le patron du zinc et ingénieur son , devant s'absenter pour quelques instants.

On patiente tout en devisant et en éclusant une Tuborg , quand, sans prévenir, un larsen infect vient agresser nos chastes oreilles, on fait quoi, doc?

Débranche, suggère France Gall!

Heureusement tout rentre dans l'ordre et le quintet  peut entamer son set normalement!

Tandis qu'une guitare fignole une broderie fine, que la basse ronfle comme une tondeuse  à gazon bien entretenue, Louise d'une voix canaille entame le texte byzantin '  On ne dit pas' ,  très vite la palette sonore s'enrichit pour associer poussées psychédéliques, lave prog   et  conjonctures tribales.

Bref, de quoi être désarçonné et ensorcelé dès l'entame. 

Des points de repères?

Pas évident, les amstellodamois de My Baby  peut-être , en pensant à leur chanteuse Cato Van Dijck.

'Maraiées mortes' date de leur premier EP.

Louise, d'une voix neutre, récite ' Marées mortes' , un énoncé théâtral que les copains enrobent d'un magma ( merci Chritian Vander) psychédélique  et jazzy  du meilleur effet.

Tristan écrase la pédale wah wah, la guitare aboie, Sacha jongle avec ses baguettes, Christopher, caché,  ajoute de fines pointes incisives et la basse de Pierre-Jean  scelle  le tout, tandis que la chanteuse  ( en mode Sandie Shaw, ....ai laissé mes pompes au vestiaire) divague au gré des vagues mortes, en poussant, de temps en temps, de petits cris ou en se transformant en poisson volant.

Déjà une seconde claque ( zappaienne)  magistrale! 

Un minime problème technique, câble déficient pour la basse, retarde la mise à feu de 'Il va falloir' , un downtempo mélodieux, qui n'empêche nullement Louise de reprendre ses exercices d'aerobics,, nettement plus nerveux que ceux de Jane Fonda.  

Cette longue plage, toute en arabesques et onomatopées, part en jam sinueuse, Tristan, concentré,  assure  des choeurs  mélancoliques  en égrenant des riffs précis.

C'est lui qui se charge des lead vocals sur  'Whatever' , un titre évoquant les New-Yorkais  de The Rapture  ou le Tom Tom Club de Tina Weymouth et Chris Frantz.

Sur disque, la plage affiche plus de sept minutes, sur scène on dépasse carrément les dix minutes,  tu t'enfonces dans un marais de  funk blanc , de percussions tribales, de tchik tchik tchik  à faire pâlir les gens de chez !!! , pourtant habitués aux mélanges post punk/funk.

' Pink City' a été composé en hommage à Toulouse.

Un savant mélange de rose, pas frigide, de rythmes urbains vibrants,  virant  soudain jungle, de secousses telluriques, de divagations à la  King Gizzard & the Lizard Wizard et  de voix, tantôt à l'unisson, tantôt se répondant.

On nous dit qu'un jour, Ceylon et   Altın Gün étaient à la même affiche, ce devait être dément!

Après une intro lyrico-ethnique, Louise attaque 'La montée des marches ' ( 9'20") , le titre le plus bluesy du répertoire.

Du blues, mais pas du Robert Johnson, on pense plutôt aux Doors et on ajoute leurs voisins Jefferson Airplane, pour le côté acide.

La slide de Tristan  lèche les cordes, Louise, en gymnaste à la fois vocale et physique,  attire tous les regards, et on ne peut passer sous silence le travail méticuleux de la basse et  de Sacha à la batterie, tandis qu' à l'arrière, en pointillé, Christopher distille des saillies subtiles.

Après  la  conférence  basse/batterie, tout le monde pensait que le morceau allait s'achever, mais non, il repart de plus belle comme une jam du Grateful Dead.

En fait , en fondu enchaîné, ils ont embrayé sur 'Le 5  ( 9'32") , une incantation obsédante et  aussi profonde que certains titres de Dead Chic.

La  jambe de Louise s'élève plus haut que la tête du guitariste, à la chevelure de Cochise ,  soudain elle bondit, telle une tigresse, car la voix de Tristan devient colérique, pour le calmer, elle minaude et nous, le public,  en transe , depuis plus de dix minutes,  on suit leur périple cosmique en écoutant le conseil de Tristan ...

Listen to that with your heartDon't forget who you areI call the rain!...
Quoique, en Bretagne, la pluie, on peut  s'en passer!
 
Merci, Binic, c'est la dernière, désolé,  pas trop  le temps d' échanger un mot avec vous, on nous attend à Paris, ce soir, voici ' Mon ami' à l'amorce slidée et au chant récité, qui aura refilé pas mal de frissons aux clients du Chaland.
 
On n'avait pas consommé de substances hallucinogènes, on n'était donc, ni stoned, ni complètement  beurrés, et pourtant pendant plus d'une heure on a eu l'impression de vivre ailleurs, dans un monde parallèle, obnubilés par la prestation charismatique de Louise et par le brio de ses compagnons.
 
Déjà un des concerts d'exception de 2025!

 

 

 

 



samedi 8 mars 2025

Album - Cher Rêve - Miss Tess

  Album - Cher Rêve  -  Miss Tess

Miss Tess Music

 classic country , honky-tonk, southern rhythm & blues, New Orleans jazz and swing, swamp pop and early rock n' roll!

michel 

Mes amis m'ont surnommée Miss Tess car my  real name ( Theresa Reitz)  “does not flow”!

Dans le Maryland, d'où je viens, pour m'aider à trouver le sommeil, maman et papa me chantaient de douces chansons folk/pop ( style Lesley Gore,  Peter, Paul & Mary, Lynn Anderson, The Cascades...) , j'ai pris des cours de piano, plus tard je me suis mis à gratter une guitare et à chanter , le blues et le jazz furent mes premières amours. 

Après un passage par Baltimore, Boston et Brooklyn, elle migre vers Nashville, où elle réside toujours.

Un premier album sous son nom ' When tomorrow comes' paraît en 2007, il contient deux originaux et une série de jazz classics.

Pendant  sa période Boston/ Brooklyn elle dirige son propre band,   Miss Tess and the Bon Ton Parade et grave les albums ' Modern Vintage' et  ' Darling, oh Darling', suivi par des   enregistrements live car c'est dans les clubs que le  dixieland,le swing, ou le zydeco  pratiqué par le groupe fait sensation. 

Après le mini album ' The waltz set'  contenant 5 valses de sa plume et une reprise magnifique de 'End of the world' de Skleeter Davis, elle reprogramme son répertoire et son groupe et se produit désormais sous l'étiquette Miss Tess & The Talkbacks. 

Deux  albums (  Sweet Talk et The love I have for you)  et un deux titres paraissent, le son varie du rockabilly  à la country style Patsy Cline, le groupe écume les bars et les festivals du Tennessee where they  regularly steal the show !

2016, un nouvel album  'Baby, we all know'   voit le jour, si les gars accompagnant Miss Tess sont toujours les Talkbacks, l'album est crédité Miss Tess alone.

La madame ne chôme pas, les enregistrements se succèdent, des covers sur 'Doucet' , un condensé de rhythm'n' blues sur 'The moon is an ashtray', un live (Parlor Sounds),  après l'épisode covid, vient le single 'Real Change' et enfin, frais pondu, voici 'Cher Rêve'.


Tracklist:

 1 Louisiana
3:55
2 Ride That Train
3:28
3 Nobody Wins
3:27
4 Lord, I Need Somebody Bad Tonight
4:07
5 La Lune C'est Un Cendrier
3:22
6 Learning Not to Care
4:22
7 Take It Easy
3:49
8 Tennessee Blues
3:59
9 La valse d'asteur
3:39

Credits:

 Miss Tess – vocals, acoustic and electric guitar 

 Blake Miller – accordion
Brittany Haas – fiddle on 5
Chas Justus – electric guitar on 7, acoustic guitar on 9
Chris Stafford – Wurlitzer
Kelli Jones – harmony vocals
Joel Savoy – fiddle on 1, 2, 9
Matt Combs – fiddle on 3, 8
Matty Meyer – drums, triangle 

Paul “Bird” Edwards – washboard
Tim McFatter – sax on 4
Thomas Bryan Eaton – electric, acoustic & nylon string guitars, pedal steel, piano, organ, synthesizer, tambourine, pants, harmony vocals
Trey Boudreaux – electric & upright bass 

Produced by Thomas Bryan Eaton

Cover art by Gina Leslie ( elle -même singer-songwriter)
Cover photo by Joseph Vidrine ( a freelance photographer, musician, cook, and cultural broker)
Une pochette où on voit Miss Tess prendre la pose sur une toile placée au  beau milieu d'un champ roussi par un soleil ardent. 
 
'Louisiana', un classic country tune,  a été composé  pendant la pandémie, la plage, inspirée par Lafayette, une des villes les plus Frenchy de Louisiane,  serpente paisiblement au rythme d'un violon engourdi, alors que le Wurtlitzer (Chris Stafford, décédé depuis)   bien soutenu par les guitares et les percussions expriment toute la mélancolie  que Miss Tess  ressent en ranimant d'anciennes visions de jours heureux, où elle et ses compagnons jouaient de la musique sous les pins.
Elle associe l ' Acadanie à un premier amour toujours vivant dans son coeur... nostalgie, quand tu nous tiens!
Le morceau entre dans ton top  three des  titres consacrés à la Louisiane avec 'Louisiana 1927 de Randy Newman et 'Oh Louisiana' de Chuck Berry.
 
Faut sauter dans le wagon  sans se faire  remarquer, comme quand Woody Guthrie parcourait l'Amérique à bord d'un freight train.
Miss Tess avait déjà gravé 'Ride that train'  en version acoustique sur l'album 'Baby, we all know'  , la version de 2025, en mode upbeat,  comprend un violon affolant,  une pedal steel nerveuse et un accordéon Tex Mex, aux fortes senteurs Flaco Jimenez.
Une fois  arrivé en gare, t'iras danser sur le plancher saupoudré de sciure de la grange voisine. 
 
Miss Tess n'est pas la première à reprendre la romance ' Nobody wins', composée par le regretté Kris Kristofferson, Brenda Lee, Lynn Anderson, Frank Sinatra  ou Rita Coolidge sont quelques noms à l'avoir précédée.
Avec moins de trémolos  que chez Brenda, pas de crooning comme chez Ol Blue Eyes non plus, le ' Nobody wins' de Miss Tess conserve le cachet country que tu peux entendre dans tous les honky tonk juke boxes,  qui refusent la synth pop, le rap, la French touch ou le hardcore metal dans leur catalogue. 
 
Une seconde romance, à faire pleurer les ménagères en bigoudis,  succède au morceau de Kris,' Lord, I Need Somebody Bad Tonight' , un classique qu'on doit à Ben Peters ( un monsieur ayant obtenu dix fois la première place dans les country charts, notamment avec l'imparable "Before the Next Teardrop Falls") .
Si tu ne craques pas pour le sax de Tim McFatter , tu dois être béotien.
Tu danses, a demandé, madame , t'as fait la sourde oreille, mais ce truc vaut tous les slows pondus par Garth Brooks, Shania Twain ou Buck Owens ( ton chat a pleuré à l'écoute de 'Only you can break my heart ').
 
Tu veux une berceuse in French,, un peu moins niaise que 'Au clair de la lune', elle te sert  'La lune c'est un cendrier', tu vas adorer son accent, lune devenant loun, tu vas raffoler des accords ciselés à la guitare sèche , le violon va t'enchanter, la voix et les choeurs vont réduire ton stress et amener les enfants à faire de beaux rêves .
Il reste à espérer qu'Elon Musk ne vienne pas tout polluer! 
 
Pour éviter de consulter un psy, écoute  “Learning Not To Care.”,  un midtempo country rock  allègre,  agrémenté d'un solo de guitare fabuleux ( son compagnon et producteur,  Thomas Bryan Eaton) .
 
OK, les Eagles ont connu leur premier tube avec ' Take it easy' de Jackson Browne, le titre composé par Tess, si tu peux le cataloguer de roots music, dégage d'intenses effluves cajun , l'accordéon de Blake Miller s'en donne à coeur joie, basse et batterie assurent un rythme effréné, la voix caracole éperdument et quand Blake se calme, c'est la guitare qui attaque sous la ceinture.
Comment veux-tu rester relax, baby?
Mission impossible! 

Bobby Charles est un autre figure légendaire de la Louisiane, on lui doit 'See you later alligator', mais aussi 'Tennessee Blues' , un baume pour les coeurs blessés,  sous forme de valse country,   portée par une pedal steel magique, qui fait tanguer l'embarcation,  et un violon aussi pudique qu'efficace.
Et Miss Tess,?
On lui souhaite de pouvoir oublier ce Tennessee blues qui la mine, mais qu'elle chante si bien!
 
Pour terminer la lecture de la plaque, Miss Tess nous propose ' La valse d'asteur', une plage cajun  évoquant  Kate & Anna McGarrigle ( on verse une larme à la mémoire de Kate) ou Zachary Richard, un gars qui n'aime pas travailler. 

Avec ' Cher Rêve', un album sonnant vintage, mais assurément pas ringard,  Miss Tess paye un tribu  respectueux à toutes les musiques de la  Louisiane.
 
 
 Un jour elle a déclaré:  I'd like to go to Europe and play sometime soon. ... 
 
Ben, Miss,  tu peux venir  en France ou en Belgique,  tu seras  la bienvenue!

 

 

jeudi 6 mars 2025

Eva Hélia lors de la journée de partage et de rencontres avec les habitants des quartiers de Guingamp , Stade du Roudourou, le 5 mars 2025

 Eva Hélia lors de la journée de partage et de rencontres avec les habitants des quartiers de Guingamp , Stade du Roudourou, le 5 mars 2025

 

michel 

Dès 14h, les habitants de Guingamp sont invités au stade d' En avant Guingamp pour échanger et réfléchir ensemble sur les projets de la ville, des ateliers et deux concerts sont proposés: Romy Lwiz  et Eva Hélia.

Tu peux te libérer pour le second,  t'abandonnes ton véhicule sur le parking visiteurs, il est 16 55, ouf, à temps pour le récital d'Eva.

Oui, mais, non, caca, prout, boudin, Eva vient d'entamer son homélie, tu entendras 'Timidité' d'une oreille distraite, en prenant place sur un siège au rang 2. 

Eva Hélia, originaire de Morlaix, compose, chante et se produit seule sur scène, en s'accompagnant aux claviers et machines (boîte à rythmes, séquenceur) .

A son actif: deux EP's, ' Echo' en 2019 et 'Douleur douceur' en 2024 ( album co-produit par le magicien Eric Cervera) . 

Sur scène, un éclairage rouge vif, les couleurs du club de foot, et une accorte jeune personne à la coiffure bouclée, vêtue  de noir pour donner raison à  Jeanne Mas. D'emblée la voix captivante, qu'elle module habilement, et la gestuelle expressive,  attirent l'attention,  pas étonnant, donc,  qu'Alfred de Vigny lui a consacré quelques vers galants.

Elle enchaîne sur ' Nuit blanche'  , une plage  électro pop  Frenchy but Chic, sur fond de nocturne à la John Field, version dépoussiérée.

'Visage' n'est pas dédié à Midge Ure, même si l'amorce symphonique et les percussions électroniques étouffées,  peuvent  évoquer un autre de ses groupes, Ultravox et l'incroyable 'Vienna',  il s'agit d'une lovesong  au texte poétique, des choeurs  aériens et un piano romantique  relaient  les beats typiquement EDM qui refont surface en fin de morceau.

Un chouette titre  précédant une reprise décalée de 'L'amour à la plage'.

Une bonne idée, cette belle journée annonce l'été et les effluves trip hop proposées par Eva ont le mérite de s'éloigner de l'original.

'On ne s'aime plus'  , oublie Salut les Copains et Patricia Carli, le registre est différent, le tempo plus  cadencé, mais le constat reste le même ... on ne se reverra plus... fin de l'histoire!

Twitter est mort pas le ' Hashtag' ... Facebook, Instagram, YouTube,Tik Tok, BlueSky, Mastodon... l'utilisent à outrance.

A son tour, Eva s'attaque à la vacuité des réseaux sociaux.... aux sourires en plastique, aux gens qui confondent like et bonheur...  les percussions font clic clic clic, le piano se traîne avant de partir en petite musique synthétique sautillante. 

On quitte Guingamp pour Paris, on descend dans le métro, la ' Ligne 10' .

Sur tapis scratchy,  tu respires les odeurs asphyxiantes du bitume, tu croises des zombies livides , fonçant vers un nowhere land abject.

Ce sont Ionesco et  Samuel Beckett qui se profilent...  ta vie, c'est le théâtre de l'absurde, c'est la notion de Verfremdung chère à Bertolt Brecht , c'est du Roland Dubillard, puissance 10

La Morlaisienne accompagne son propos ironique  par une gestuelle de diva, qui  accentue  le côté théâtral du rendu.

Elle peut aussi chanter en anglais comme dans la confession  ' That's why' , suivie par une seconde reprise , l'émouvant  'Louis' de Barbara Pravi.

Eva nous livre une version bouleversante.

Mélodie glacée et voix implorante, le symphonique 'Je t'ai vu'  interpelle avec son  choeur  lyrique pré-enregistré et son enrobé  mélancolique.

'Douleur douceur' , une dichotomie qui  donne son titre à l'EP le plus récent, entre force et fragilité, la voix d'Eva ouvre les battants  de son âme , et quand  soudain sonne le glas, le piano et le synthé se sauvent ventre à terre.

Un second titre en anglais, 'If you try' , sous forme de flamenco electro prône le lâcher prise.

Une anecdote: aujourd'hui je joue au stade de Guingamp, étudiante, c'est près du stade de Rennes que je passais mes nuits.

'Reine Rennes' retrace  les frasques d'une vie estudiantine débridée, ses fantasmes, ses excès, ses errances.

En se souvenant de ces années pas si éloignées, Eva esquisse un pas de danse  glamour.

... je veux que tu terrorises toutes mes nuits... chante-t-elle sur le titre virevoltant  ' Intempérie'   avant de ralentir le tempo sur ' Et si l'aube'  qui la  voit transformée en catwoman intrigante.

 ' Narcisse'  t'invite à danser avec l'écho et ton égo et enfin, on arrive au dernier titre du récital, ' Nuit noire' , une valse électro avec effets de voix ténébreux.


Elle termine ce nocturne, évoquant Barbara,  allongée à même le sol  en attendant les applaudissements d'un public conquis. 


Eva Helia sera en concert à La Carène ( Brest) le 2 avril!

 

 

 

 

 

lundi 3 mars 2025

Tregor Blues Band au Bar des Sports de Pléhédel, le 1 mars 2025

 Tregor Blues Band au Bar des Sports de Pléhédel, le 1 mars 2025

 

michel

Une annonce:  Samedi 1er mars, rendez-vous au Bar des Sports pour  vibrer au rythme du groupe, Tregor Blues Band et laissez-vous emporter par la soirée cocktail.

 

Les ainés se pointent pour le concert, la jeunesse pour la picole!

Dès 18h était affiché à l'entrée, tu te pointes vers 18:40, un bon plan, tu déniches un tabouret au comptoir juste en face de la scène ( tu comprends le mur au fond du zinc).

T'as même pas eu le temps d'écluser une première mousse que le blues band  du Trégor entame l'angélus.

Pour ta troisième expérience avec le TBB, après  la Fête du Port à Lézardrieux en 2018 et l'avant programme de Steve Guyger à La Grande Ourse en 2019, tu notes un changement de casting.

Pas de Dorothée Pinsard ( présente au comptoir), pas de  Marc Ennaji, mais d'autres artificiers ce soir: Philippe Paleczny ( un gars du Tennessee aimant Johnny) à la basse et Olivier Personnic à la Gibson et autre instrument comptant six cordes.

Sont toujours dans le coup:   Little Houd ( Johan Houdard), qui dort depuis trente ans avec la même casquette, ce qui lui permet de ne pas être reconnu par la police de Mons, le fief d'un ex-premier ministre du plat pays, il chante toujours de son timbre éraillé,  collectionne les harmonicas, on en a dénombré plus de cinq et, de temps en temps,  il  fait   glisser un bottleneck sur une guitare.  Le chef, le brave Lionel André, se décarcasse toujours derrière les fûts. 

Pas mal de leurs copains, qui comme eux se produisent sur les scènes des Côtes-d'Armor,  sont venus les encourager et accessoirement goûter aux cocktails imaginés par le patron du zinc: des Naposteurs voisins ( Aude et Colin Le Moigne, Napo, Pascal Méance) +  Dorothée, déjà citée, et Manu Rivière.

Coup d'envoi à 18:55,  Lionel en mode jazzy donne le signal,  O P place quelques accords pas ringards, les doigts de P P viennent chatouiller la basse, Little Houd s'y met à son tour, ' I got something' est désormais sur les rails.

Après une première digression fluide d'Olivier, le petit  Wallon sort un harmonica de sa manche, et comme il n'est pas manchot, un  jus sirupeux  dégouline  sans retenue. 

Après ce titre, en mode laidback, vient le funky ' If you love me like you say' , un morceau de Little Johnny Taylor ( 1964), repris par quelques géants dont Albert Collins, Tab Benoit, Guy King ou Deborah Coleman.

Colin, tiens je te refile mes baguettes, c'est un shuffle de Sonny Boy Williamson, ' Help me'!

Le temps d'ajuster tabouret et cymbales,  car Colin, s' il   mesure un peu moins que Victor Wembanyama, ne fait pas partie des sept nains.

Une version très propre, illustrée par un solo  de guitare délié et des lignes d'harmonica saccadées.

Lionel récupère ses bâtons, le quartet s'attaque au ' Killing floor' de Howlin Wolf, pas le  loup   aperçu à Hénon,  non, il s'agit de Chester Burnett , un gars du Mississippi  dont la pointure indiquait 53 fillette.

Depuis 20', t'essayes de capturer le visage de Johan sur  ta caméra  de marque  brol ( merci, Angèle) , mission impossible,  la casquette lui donne un  look de rabatteur,  ne tenant pas être filmé par les caméras de surveillance.

Ce n'est pas le cas aujourd'hui, (un miracle), mais  le slow blues ' The sky is crying'  à ne pas confondre avec le faux cuir est en mauvais état ( un humoriste né, Robin Houd) ,   a arraché quelques larmes à  la brave Madame Ducarme,  assise derrière toi.

Chapeau bas pour Olivier, un gars qui réfute le cinéma mais dont le doigté et le feeling sont hors du commun. 

On dédie la suivante à tous ceux qui travaillent, à Jimmy Reed ,  au Colonel Parker,  mais pas aux patrons sans scrupules:' Big Boss Man' !

 You talk too much, honey, t'as beau enfiler tes chaussettes noires,  boucle la, tu me rends fou:

Voilà le propos de ' Honey hush' , un West Coast Blues , peu apprécié par les féministes.

Si t'as jamais entendu ' Got my mojo working' interprété au kazoo , tu ne connais rien au blues made in Trégor.

Donc, pas besoin d'aller à Lourdes pour assister à un miracle, va voir le TBB, d'ailleurs grâce à la Vierge, Little Houd a réussi à se redresser  pour entamer un pas de danse...  lève -toi et danse, qu'elle a dit!

'Milk cow blues' n'est ni une pub pour Milka, ni la plainte d'un agriculteur à la fin du salon de Paris, il s'agit d'un blues bovin qui a vu Houd , non pas traire Marguerite, mais frotter les cordes d'une guitare à la slide, du coup le lait a tourné!

 

Pause lactel,  avant le set 2!

Johan à la guitare open G  comme Son House, Olivier à la guitare close z comme celle de ta petite soeur, voici ' I can't be satisfied'  une composition de Muddy Waters pour laquelle Lionel  a sorti les balais ( pas roses).

Eh, Houd, refile moi ta gratte,   supplie Mr Personnic,!

Pas l'abîmer, j'ai encore 6 traites à payer.

Vais la traiter comme la femme du voisin, t'inquiète!

On avait déjà eu les vaches, on passe dans la basse-cour pour ' Little red rooster' ,  un petit coq paresseux!

Un rhythm'n'blues, ça vous dit, les copains?

Tout le monde connaît la version de Wilson Pickett de ' Mustang Sally' , il était soutenu par les merveilleuses Sweet Inspirations.

Panique pas, Houd, on peut faire mieux que ces nanas, Aude et Dorothée, en choristes de luxe,  ont ajouté une touche   sexy  au refrain ' Ride, Sally ride'  repris par tous ceux qui n'étaient pas encore entièrement beurrés.

En vue du terme  Philippe Paleczny a placé un solo de basse pas mesquin.

And now ladies and gentlemen, une rumba au programme!

Congolaise, cubaine, tchèque?

Non, chic, ' Who's been talking?' , une triste histoire  d'un mec dont la nana s'est tirée avec le premier train.

On enchaîne sur B B King, ' The thrill is gone'.

 Je t'aimais, je t'aime, je t'aimerai, ça c'est du Cabrel, B B lui  est soulagé, car enfin, I'm free from  your spell!

Colin, à toi, je vais vider une bière,.

Le soul blues  'I'll play the blues for you'   demeure un titre imparable.

Avant la version unplugged  d'Eric Clapton, Bo Diddley avait déjà placé  le twelve-bar blues  ' Before you accuse me'   dans les blues charts .

Un intermède technico ubuesque précède  la dernière  secousse de la soirée.

Braves gens, à l'issue de  ' Blues before sunrise' (Elmore James à  la slide, c'était pas n'importe quoi! ), vous pouvez rentrer chez vous et regarder Ze Voice sur le petit écran.


 

Mission remplie, le Tregor Blues Band, fidèle à sa réputation, a livré une prestation juteuse,    appréciée aussi bien par les vétérans encore fringants,  que par  une jeunesse  qui n'a jamais entendu parler de Litttle Walter, T-Bone Walker, Bobby Bland , R L Burnside, Hound Dog Taylor et qui imagine que Johnny Winter est le papa d'Ophélie ou que le blues a été inventé par Florent Pagny.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

dimanche 2 mars 2025

Françoiz Breut au Centre Culturel de La Ville Robert, Pordic, le 28 février 2025

 Françoiz Breut au Centre Culturel de La Ville Robert, Pordic, le 28 février 2025

 

michel

Depuis le premier février  Françoiz Breut  est sur la route pour interpréter ses concerts intitulés  "de l’asphalte au vert organique" , basés, e a,  sur son dernier recueil, baptisé ' Vif'.

Pour terminer ce second mois du calendrier grégorien, la dame de Normandie, Bruxelloise depuis des lustres, s'arrête à La Ville Robert, le magnifique complexe culturel de Pordic.

Si le fascicule annonçait:  

Chant Francoiz Breut
Claviers Marc Mélia
Guitare, basse François Schultz
Batterie Roméo Poirier

c'est finalement, un trio qui, après une brève allocution de  Marie Casagranda,  se présente face à un public discipliné.

Pour ton  quatrième rendez-vous avec l'artiste pluridisciplinaire ( chanson, arts graphiques tendance Dada,  vidéos, photographie, théâtre) , les trois premiers à Bruxelles en 2012/2013 ( deux Botanique et une Maison des Musiques ), tu revois avec plaisir  deux musiciens fabuleux  que tu avais croisés,  l'un avec Lonely Drifter Karen (  Marc Melià Sobrevias.), l'autre avec Hoquets ( François Schultz).

Marc a bien sûr emmené son fameux  Prophet-5 et un autre clavier, et, si on annonce des guitares et une basse ( pas vue) pour François, il dispose également d'un mini drum kit, muni d'un pad et d'éléments acoustiques, Françoiz, chante, non seulement divinement, mais elle se meut  gracieusement, telle une danseuse Apsara , échappée d'un temple khmer, et, de temps en temps, vient aider François en tambourinant le drumpad, quand elle n'agite pas un shaker, du type maracas.

Un orgue solennel sur lequel se greffe de discrètes percussions  amorce 'Hors sol' , au texte sécrétant des relents de mousse, de lichen, de limon et d'autres éléments organiques tentant désespérément de percer la couche de bitume recouvrant la chaussée, la voix, sensuelle,  ensorcelle à la manière des titres les plus terriens de Jean-Louis Murat.

En cinq minutes, Françoiz Breut et ses musiciens ont réussi à nous faire quitter notre monde matérialiste pour nous inviter dans un univers  moins conditionné.

Après cette première plage obsédante, vient  ' La nuit repose' ( un extrait de 'Vingt à trente mille jours', un album  de 2000), un morceau    à l'entame du vent dans les branches de sassafras. D'un phrasé distingué, évoquant Jeanne Moreau, Françoiz Breut chuchote  son texte  sur un fond sonore proche des compositions de Calexico.

En 2015, sortait l'album ' Zoo'  sur lequel on retrouve ' La Conquête'  , une sorte d'  éloge à la lenteur,  bourré d'effets sidérants sur drumming tendu, tandis que d'une voix caressante la chanteuse nous promène dans le jardin d'Eden.

Enfile ton casque de spéléologue, on s'enfonce dans les entrailles de  la terre pour une ' Ode aux vers', vers qui grouillent juste sous nos pieds et dansent sur fond de piano, comme   des worms qu'auraient pu diriger l'équipe de Walt Disney.

Le titre se fond dans ' Juste de passage'  évoquant la marche dramatique des migrants, pourchassés par les forces de l'ordre .

Bruits de claquettes et synthé fuyant  s'entendent avant le martèlement des pas désabusés sur la route, menant nulle part.

 Un titre profond,  chanté d'un timbre aérien.

C'est par des sons flottants et des   coups méthodiques sur les cymbales que s 'ébauche ' Ma Colère', un titre des débuts qui a conservé toute sa force de persuasion .

L'orgue aux effluves Farfisa interpelle,  tandis que telle une ballerine/marionnette  évasive, la chanteuse  se déplace  sinueusement entre ses deux musiciens.

On passe à l'heure du slow moite ( dixit Françoiz), ' Mes péchés s'accumulent',  avec ses images gainsbouriennes , son orgue  Matthew Fisher et sa guitare americana  ciselée , a effectivement tout  pour t'inviter à tournoyer sous la boule  à facettes.

 

Marc est mis à contribution pour assurer les choeurs sur 'Ectoplasme' ,  une plage dominée par un son de basse bien rond.

Pourquoi, ' Ectoplasme', Françoiz?

J'aimais ce mot, il m'a poussée à lire 'La poupée de Kokoshka' de Hélène Frédérick.

Sans toi...  je suis comme Kokoshka sans Alma Malher!

On ignore, s' il est question de cloportes sur le titre 'Métamorphose' , Kafka n'est plus là pour apporter une réponse.

 Le jeu répétitif et la voix enfantine par contre sont là pour nous transformer en feux follets. 

' Crever l'asphalte' offre un petit côté indus  martial, truffé de gimmicks élastiques, alors que la chanteuse s'essaye à un flow Chagrin d'Amour.

' Dérive urbaine dans la ville cannibale' démarre sur des scratches frémissants, le synthé vibre et Françoiz s'essaye à une gymnastique verbale flexible...   le flux flou de la foule... .

Un manège pour neurasthéniques!  

Sur le plus ancien ' La Certitude' , ce sont à nouveau des arômes Joey Burns/ John Convertino qui se répandent dans la salle.

Le morceau précède le hit indie ' Si tu disais', une valse  qui n'a pas pris une ride. 

Après avoir présenté ses compagnons, elle annonce le dernier titre ' Zoo' , un maelström  mariant poésie aux métaphores aventureuses et ondes musicales allant du trip hop  au tribal. 

Exit la chanteuse, François et Marc achèvent la visite du parc zoologique  avant de prendre le chemin des coulisses à leur tour.

Une ovation méritée précède le retour du trio pour un double bis.

Elle sourit, minaude, j'ai écrit une bossa cucul en 2005, ' La vie devant soi'.

Elle est entamée par la guitare  João Gilberto de François, qui se permet  un dialogue Serge/ Jane avec la séduisante Françoiz.

Le symphonique ' Derrière le grand filtre' , fusionnant ingénieusement  l'hispanisme d'un Joaquín Rodrigo et un tempo plus électrique,  termine un concert  enivrant.