vendredi 19 mai 2023

Jontavious Willis à La Grande Ourse, Saint-Agathon, 18 mai 2023

Jontavious Willis à La Grande Ourse,  Saint-Agathon, 18 mai 2023

 

michel

Après un passage ( chahuté)  à Coutances pour le festival Jazz sous les Pommiers, puis  à Rouen,  le  new wonderkid du blues, Jontavious Willis, fait escale à La Grande Ourse, après, il lui restera une date en France, à Paris, ce 20 mai.

Le jeune gars, costaud et souriant, est originaire de Greenville, Georgia, l'état  cher au coeur de Ray Charles.

Particularité: il a remis le country blues à l'honneur, ils sont nombreux à le  considérer comme l'héritier de Taj Mahal.

Avec Eric Bibb et Keb'Mo'  , il est désormais dans le peloton de tête des représentants du blues rural.

Discographie: deux albums, Blue Metamorphosis en 2017 et Spectacular Class en 2019.

A 17:30', le gars qui comme tant d'autres a débuté en chantant du gospel in a Baptist Church, se pointe, un bonnet calé sur son crâne, il ramasse son acoustique, salue le public, puis entame, en picking, un premier blues poussiéreux, devant dater des années 20 ou 30.

Il opère sans setlist et n'annonce pas le titre  de ce cantique archaïque dont on a relevé quelques bribes.... time ain't good here, it's better down below... l'herbe est toujours plus verte ailleurs, sauf dans le Kalahari.

Il n'a pas fallu longtemps à l'assistance pour comprendre que les instrumental skills de Jontavious  sont du genre hors du commun et quand, à l'approche du terme de la première plage, il utilise tout l'avant-bras, au lieu de ses petits doigts, pour forger ses accords de guitare, ta voisine lâche un 'wouah' admiratif. 

I'm from Georgia, précise-t-il, vous savez qu'Atlanta est la capitale de cet Etat  du Sud-Est des States,  pour honorer mon pays, je vous joue 'Atlanta Blues' aussi connu sous la dénomination ' Make Me One Pallet On Your Floor'.

Je vous le fais en mode  Mississippi John Hurt, mais, d'après les puristes, les origines du morceau remontent au 19è siècle.

Jeu subtil et voix chaude, l'authenticité, il n'y a que ça de vrai, pas d'effets inutiles, pas de pédales, pas de freins, pas de gimmicks superflus, dans la salle des talons battent la mesure.

May I tell you a story?

Te gêne pas, étale!

C'est l'histoire d'un gars, non, pas un belge, qui aime très fort sa petite amie, pour lui montrer son amour il décide , oublie Roméo et Juliette, de lui faire une sérénade avec un instrument de musique.

Le sax, ça marche pas, le  violon joue faux, vais essayer la batterie, et ainsi est né 'The drummer boy blues'.

Un titre acrobatique et hautement humoristique. 

Let's do a train song! 

Il sort un harmonica de derrière l'oreille  et va nous narrer et jouer la course infernale  entre le Georgia Central et le Cannonball.

Un grand numéro, exigeant la participation de Saint-Agathon, nous voilà transformés en locomotive  à vapeur  , tchou, tchou, tchou,  and both trains  blow their horns, les turbines chauffent, la sueur coule du front du machiniste, dommage, l'absence de  Jean Gabin!

Après ce cartoon digne des Looney Tunes, il reprend la six cordes pour enchaîner sur ' I'd rather drink muddy water' précédé de la ligne  ...One of these mornings won't be very long... tirée du gospel ' Walk around heaven'.

Je continue avec another tune that has a lot of words,  ce  truc  ressemblait furieusement au ' Jelly roll blues' chanté en mode accéléré.

Le ragtime 'Long winded woman' est de sa plume et s'entend sur 'Spectacular Class'.

Sa madame est du genre bavard, au téléphone elle te raconte sa vie, sans pauses publicitaires, t'as le temps de vider un pack de bière avant le mot FIN. 

Sur le même album, voici ' The world's in a tangle', décrivant l'état, lamentable, du monde suivi par  ' The blues is dead?' , il insiste sur le question mark.

Le blues, mort? 

Il se gratte le crâne, avec des gars comme Jontavious Willis, le blues n'est pas prêt à être enterré, ni  incinéré.

Dextérité, groove  et une pointe d'ironie, on savoure, et sans prévenir il enchaîne sur 'Careless Love' .

Une version moins sensuelle que celle de Madeleine Peyroux,  mais vachement légitime toutefois.

"I'm Gonna Move to the Outskirts of Town", date de 1936, la version originale  a été enregistrée par Casey Bill Weldon, un Piedmond blues musician.

Une des versions les plus connues est celle de Ray Charles.

Pendant le morceau, Jontavious qui a connu quelques mésaventures conjugales, les narre aussi bien verbalement qu'avec sa guitare, peut-être encore plus expressive  que le verbe.

Du grand art!

And now, folks, another train song, mais sans mouth harp,  et ce vieux tortillard, en route vers Washington, trimballe  sa petite amie  aux  yeux  bruns, mais il   ne va  pas la  ramener. 

Le  temps de placer un capodastre et il attaque  la  suivante, encore une pépite originaire d'une autre époque, un temps où les bluesmen te donnaient ce conseil...if you got a good woman, boy,  you gotta treat her  right...

Il enchaîne sur une version bâtarde de ' Sweet Home Chicago' , jouée sur un tempo preste, pour finir en stand-up comedy, guitare désaccordée, car  le virtuose, historien du blues,  ne manque pas d'humour.

Un premier titre à la slide pour suivre, une  version frelatée de ' Mr. Willis's Worried Blues', audible sur son premier album. 

  En mode  Piedmond blues,  cette pièce  déménage sec.

Le terme du show est en vue, il a un conseil à donner, si t'as des soucis  de toutes sortes, t'as perdu ton job,  par exemple, ou ton mec te trompe...well, keep your worries on the dancefloor.

 

That was it, goodnight, Saint Agathon!

 

Le public le rappelle, il revient en se dandinant, sort son harmonica et chantonne , tout en tapant la  mesure du pied...when it's time to go, you have to go,  I hope you have enjoyed the show...   un grand Yeah, répond à sa demande...il ajoute,  if they ask you who composed  this blues, you'll answer it's Jontavious Willis, il sourit et se tire, définitivement!


Ce  prodige sera sur  scène  lors du Duvelblues,  à Puurs,  le 27 mai!