mardi 18 octobre 2022

Bob Dylan “The Rough and Rowdy Ways World Tour” à Forest National, Bruxelles, le 15 octobre 2022

 Bob Dylan “The Rough and Rowdy Ways World Tour”  à Forest National, Bruxelles, le 15 octobre 2022

 Mitch ZoSo Duterck

 

 

BOB DYLAN: “ROUGH AND ROWDY WAYS” – TOUR 2022 – Forest National, Brussels 2022.10.15
Set List:
01.Watching the River Flow. [Single – 1971]
02.Most Likely You Go Your Way and I'll Go Mine. [Before The Flood - 1974]
03.I Contain Multitudes. [Rough And Rowdy Ways - 2020]
04.False Prophet. [Rough And Rowdy Ways - 2020]
05.When I Paint My Masterpiece. [Cahoots – 1971)
06.Black Rider. [Rough And Rowdy Ways - 2020]
07.My Own Version of You. [Rough And Rowdy Ways - 2020]
08.I'll Be Your Baby Tonight. [John Wesley Harding - 1967]
09.Crossing the Rubicon. [Rough And Rowdy Ways - 2020]
10.To Be Alone with You. [Nashville Skyline - 1969]
11.Key West (Philosopher Pirate). [Rough And Rowdy Ways - 2020]
12.Gotta Serve Somebody. [Slow Train Coming - 1979]
13.I've Made Up My Mind to Give Myself to You. [Rough And Rowdy Ways - 2020]
14.That Old Black Magic (Johnny Mercer cover). [Fallen Angels – 2016]
15.Mother of Muses. [Rough And Rowdy Ways - 2020]
16.Goodbye Jimmy Reed. [Rough And Rowdy Ways - 2020]
17.Every Grain of Sand. [Shot Of Love - 1981]
Depuis la sortie de son premier album le 19 mars 1962, personne n’a plus jamais douté que l’Amérique tenait en la personne de Robert Allen Zimmerman un véritable génie qui continue à influencer le monde artistique et ce, depuis trois générations. Du haut de ses 169cm, le natif de Duluth dans le Minnesota est à la fois auteur-compositeur-interprète, musicien, peintre, sculpteur, cinéaste et poète. Agé de 81 ans depuis le 24 mai 2022, Il se permet de refuser dans un premier temps d’aller chercher le prix Nobel qui lui a été décerné pour l’ensemble de son œuvre. Après deux semaines de silence total et de réflexion, il daignera tout de même assister à la prestigieuse cérémonie qui a lieu à Stockholm. Dylan ne suit pas la mode sinon la sienne, celle qu’il crée, à ses risques et périls. A vous d’adhérer ou pas.
On a encore tous en tête les menaces de mort qu’il reçoit par dizaines lorsque ses fans de la première heure l’accusent de trahir la musique folk en osant sortir un album « électrique ». L’homme ne renoncera pas pour autant, rien ne le fera changer de voie. Dylan, c’est un personnage, un vrai, capable du meilleur comme du pire, peu importe son interlocuteur, s’il n’est pas d’humeur, Bob peut vous casser comme ça, d’une phrase assassine. J’ai encore une anecdote en mémoire que je vous livre gratuitement, je suis comme ça moi, le cœur sur la main. Nous sommes au début des seventies, Peter Grant le sulfureux manager de Led Zeppelin auquel personne n’ose se frotter dans le milieu du spectacle approche ses 130 kgs pour une taille flirtant avec le mètre 95, de la table à laquelle Dylan boit un verre avec Ron Wood, guitariste des Rolling Stones. Le colosse tend respectueusement la main à Bob : « Bonsoir, je suis Peter Grant, le manager de Led Zeppelin ». Dylan ne serre même pas la main de Grant. Au lieu de cela, il répond : « Et alors ? est-ce-que je vous emmerde avec mes problèmes moi ? » Fin de la discussion…
Malgré ma discographie très fournie de l’artiste (85 albums) je n’avais jamais franchi le pas d’aller le voir en concert tant les commentaires incendiaires le concernant étaient légion. Ça allait de: « il se fout de tout », « il ne chante aucune chanson connue », « il chante faux », « on ne comprend rien de ce qu’il dit », il ne communique pas avec public, c’est soporifique… » j’en passe et des meilleures. N’ayant aucun point de comparaison auquel me référer, je me suis donc rendu au concert en compagnie de mon pote Cédric qui, comme moi allait découvrir l’artiste en live et se faire une opinion. Concept très particulier, le concert se déroule sans aucun portable qu’il faut placer dans une pochette opaque et scellée dès l’entrée dans le bâtiment. Pas d’appareils photo non plus. Après tout, pourquoi pas ? Nous verrons bien. Début du concert à 20h30. Lumières orangées intimistes et un sol fait de grandes  dalles carrées transparentes, éclairées d’un jaune pâle. C’est classe et ça repose les yeux. Il y aura bien une tentative de photo immédiatement avortée, la fauteuse de trouble se voyant prise dans la lumière blanche et crue d’un faisceau concentré entourant sa petite personne d’un mouvement circulaire rapide, lui rappelant les consignes. Le volume sonore est très reposant, il faut juste attendre que les tympans se réhabituent à la sonorité de la salle qui résonne toujours relativement fort. Voilà, on est bien comme ça !
Pour cette tournée, Dylan a mis l’accent sur un blues minimaliste, plus introverti, plus sombre. Des compositions qui flirtent parfois avec le jazz. C’est vrai que si vous ne connaissez pas bien le répertoire, vous allez être bien souvent largués car, fidèle à sa réputation, pas de « best of » en vue, quant à l’accent, il y a intérêt à bien posséder la prononciation à l’américaine, version Bob ! On est à des années lumières de l’enregistreur de nos jeunes années de secondaire et de son « repeat after me » trop beau pour être vrai.
Au départ, le groupe composé de six musiciens et le côté relax de l’ensemble me donnent à penser que c’est le genre de concert qui mériterait un contexte plus intimiste, du style de l’AB plutôt que celui sold-out où presque de Forest National. Et puis tu te rends compte très rapidement que le public est venu pour une chose et une seule: communier avec son idole. Pas une bobonne ne se plaint du prix de la canette de Jupiler, pas un paysan bourré, pendu au comptoir d’où il beugle sur tout, et surtout pour rien. Un public qui réagit aux moindres stimuli venant de la scène. Je ne me souviens plus d’avoir eu de tels frissons depuis la tournée « Raising Sands » de Robert Plant et Alison Kraus. C’est aussi une vérité que Dylan n’est pas le plus grand des communicateurs mais après tout, n’est-ce pas pour l’entendre chanter que nous sommes venus ce soir ? Ça enchaîne très vite et jamais nous n’aurons l’impression de perdre notre temps.
Dylan jouera 9 des 12 titres de “Rough And Rowdy Ways”, son dernier album en date sorti le 8 mai 2020, chez Columbia Records. Tant qu’à faire, il nous aurait bien gratifiés du monumental « Murder Most Full » un texte d’une tension et d’une beauté extrêmes qui s’étend sur 16 minutes avec, comme point de départ, l’assassinat de J.F.K. De façon très intelligente et pour ne pas risquer de perdre un auditoire peut-être moins familiarisé avec son dernier chef d’œuvre, le maître d’un soir épicera de temps à autre d’une petite touche plus populaire son répertoire avec des titres comme « Most Likely You Go Your Way and I'll Go Mine », « When I Paint My Masterpiece » qu’il enregistrera d’abord avec The Band, ou encore « I'll Be Your Baby Tonight ». J’accorderai une mention spéciale à « Key West » pour son texte très fort. Bob à passé tout le concert au piano et on sent quelque part une certaine frustration de la part du public qui aurait souhaité autre chose. C’est comme si le vieux sorcier l’avait senti car lorsque résonnent les premières notes de son légendaire harmonica, reconnaissable entre tous, sur « Every Grain of Sand » une clameur libérée par 8.000 gorges monte à l’unisson, telle un roulement de tonnerre, vers la voûte de Forest National. Le public s’est levé comme un seul homme. C’est de la folie. Et ce n’est certainement pas le tempo blues Boogie de « Goodbye Jimmy Reed » qui va arranger les histoires. A 81 ans, le vieux lion a une fois de plus gagné son combat. Merci Monsieur Dylan de nous avoir offert cette soirée de bonheur intense. Long May You Sing Again.
Mitch « ZoSo » Duterck
 
note:
 

Dylan’s band were:

Tony Garnier – bass
Charley Drayton – drums
Bob Britt – guitar
Doug Lancio – guitar
Donnie Herron – violin, electric mandolin, pedal steel, lap steel