Album - Amor Fati – Shape Of Water
Eclipse Records
NoPo
SHAPE of WATER Amor fati 2022
J'ai écouté les Lotus Eaters en 83/84 ... Rox Capriotti et Luca De Falco
ne les ont pas mangés et s'en sont tenus à The LOTUS, en position, dans
leur Italie natale à San Benedetto del Tronto.
En 2015, ils vont chercher l'inspiration à Manchester (y faisant
référence sur le nouvel album avec le titre 'A Ghost In Manchester') et
finissent par former ce qui n'a pas de forme 'Shape of water', ça coule
de source ... jusqu'à Guillermo del Toro... Olé!.
Pour ceux qui connaissent Ultravox, la reprise de 'Dancing with tears in
my eyes', comme carte de visite en 2018, apporte un bon indice quant au
style du duo.
Suit 'Great Illusions' en 2020, un très bon premier album produit par
Paul Reeve, artisan du son de Muse notamment... deuxième piste.
Effectivement, Shape of Water s'amuse à mélanger puissance,
grandiloquence, préciosité et savoir faire mélodique. De là à 'dancing'
Queen, il n'y a qu'un pas!!
Ils enchainent par un EP, début 2021, intitulé 'Lockdown On Mars',
répondant à la question de Bowie 'Life on Mars?' puis enregistrent un
livestream.
Ce second semestre, ils nous livrent 'Amor Fati' encore un thème
métaphysique au sujet de l'amour du destin selon Nietzsche... illusion
ou réalité? Vous avez 4 heures!
La tête en arrière dans un mouvement flou, un personnage (féminin
semble-t-il), à la peau asséchée et craquelée, telle la terre agonisante
où subsistent quelques bribes de verdure, tient dans ses bras un bébé en
pleine santé.
Présentations équilibrées dans le cadre, un liseré blanc traverse la
police graissée de noir 'SHAPE OF WATER'. 'AMOR FATI' moins épais, est
centré juste en dessous, le tout sur un fond gris délavé.
Donc ce qui devait arriver, arriva avec ce disque ...
Appui léger sur les touches d'un clavier, au son en bulles de xylophone.
Voix très aériennes. Des craquements électroniques chelous et autres
effets percussifs ventilent un air glacé dans le dos.
Accentuation du chant qui s'épaissit sur des accords de guitares à peine
audibles. Le clavier tourbillonne et la grosse caisse électro marque le
coup.
Le clavier pousse son souffle dans une trompette derrière des frappes au
bruit de porte qui claque. La mélodie mélancolique reprend jusqu'à une
courte pause.
Retour du clavier tourbillonnant mais cette fois, avec une batterie
puissante et une guitare électrique fiévreuse qui dynamise le morceau.
Les vocaux partent en choeur jusqu'un pic astronomique où le vaisseau se
pose.
Quel emphase dans ce voyage sci-fi à la 'Starmen'! sauf que 'Starchild'
rappelle Muse mais c'est tellement beau! 'We're just cluster data,
quantum flesh' une façon de décrire la fatalité!
'Falling' aussi, aurait pu figurer dans le répertoire des anglais. Il
baigne dans une harmonie impétueuse et excitante. Rox ne s'envole pas
autant, il gère avec grâce et force.
Puis c'est la distribution, le piano égrène, la guitare sème. On chute
inexorablement dans ce morceau pourtant enthousiaste et au rythme franc.
'The snoot' s'installe à part. Rox : 'Le Snoot parle littéralement
d'abuser de certaines substances et de ne pas trouver d'issue'.
Musicalement, il s'agit de la seule composition à ce point rock et
nerveuse.
Malgré une couche discrète de synthé, la guitare musculeuse mène la
danse sur un rythme simple mais pêchu. Le pont, plus calme, à
mi-morceau, sert de rampe de lancement au solo de gratte.
Un stop nous piège, il annonçait une brève conclusion effervescente.
Une grosse caisse associée à des percussions légères, comprenant des
finger snaps, déroulés sur nappages au piano et synthé, constituent
l'instrumentation principale de 'Don't Leave Me In The Dark'.
Un clip, décalé, fait preuve d'humour 'un gode chantant seul la chanson
dans sa chambre, priant pour ne pas 'être laissé dans le noir'.
Le titre, répété par une voix tranquille sur le refrain, se plait sur un
mid-tempo immuable. Les paroles prennent directement la suite de 'The
snoot'.
Seuls quelques bruits électros (des inspirations 'stingers' à la John
Carpenter précisent les musiciens) distraient un peu la mélodie
profonde.
'When All This Is Over', indique le clap de fin de l'aventure
précédente. Une fine couche de claviers enveloppe une voix toujours
aussi émouvante en esquisse d'une ritournelle envoutante.
La batterie n'apparait qu'à mi-morceau, sans rupture de rythme.
L'orchestration s'enrichit d'une guitare puis de choeurs angéliques,
s'achevant dans une douceur divine.
C'est un synthé électronique qui griffonne une esquisse mélodique, de
suite, marquée par une batterie martiale et précisée par une voix
décidée.
On revient au thème principal par une écriture rappelant la clameur du
prisonnier 'I'm not a number, I'm just a free man!'. Ici, on passe de
'Realising, I've become a number' à 'Realising, I've become free'.
Cette voix, enveloppée d'un choeur au son électronique, se gonfle
d'emphase pendant que les frappes durcissent sur cymbales et caisses.
'Numbers' ne s'en laisse pas compter et défend, avec ardeur, ses harmonies euphoriques avec des traversées de moments célestes.
Progressivement, on se laisse griser et finalement le compte est bon... Une baguette porte les 4 coups finaux, c'est malin!
"A Ghost In Manchester" s'appuie d'abord sur une touche... la bonne? La
mélopée traine son abattement, invitant même une trompette puis un
ensemble de cuivres déprimant et même une cloche d'enterrement.
Plus funeste, tu meurs! Les choeurs en clin d'oeil à Queen nous prennent au dépourvu.
Le thème? 'L'acceptation des fantômes de notre passé comme faisant partie de nous-mêmes' précise Rox.
Tout ça pour atteindre l'abattement de Calimero 'I'm just a poor ghost Nobody loves me'! Surprenant!
'Everybody's Gone' ne remonte pas plus le moral malgré une trame musicale pleine de variations carrément emballantes.
Une petite pluie de piano accueille le chant avant une batterie
martiale. La voix d'abord basse s'élève, titillée par une fine guitare
et ce qui ressemble à un violon électrique celtique sur un rythme élevé
(mais pas de corne Muse, cette fois!).
Progressivement, la mayonnaise monte avec une guitare beaucoup plus
virulente et des frappes énervées sans que le violon ne lâche l'affaire.
L'élégant et bref solo de guitare aurait plu à Brian May (Queen). Le final vibre sur des saccades aux senteurs slaves.
C'est un délicieux clavier galactique qui ouvre 'Terraformer'. Le
morceau pourrait servir d'enluminures à des tapisseries d'étoiles et
planètes.
'Aim higher Planet finder dig deeper Terraformer' aboutit à un nouvel
élan psychologique 'I feel new lifeblood inside, I will look for new
stars...'.
Les choeurs électros et quelques voix trafiquées confirment un côté un
peu sci-fi et pourtant, soudain un saxophone, tellement chaud, tranche
dans le vif.
Le solo de guitare, à la suite, rappelle Pink Floyd. Sacrée belle surprise!
On garde le même état d'esprit musical pour 'Words In Eternity' avec un
mélange clavier/guitare en intro. Néanmoins, les mots ressemblent aux
dernières volontés de son auteur.
Dès l'arrivée du chant, on se sent flottant dans l'espace 'The dust we are made of slips away in the wind'.
Le mid-tempo, frappé régulièrement, laisse une grande place à la guitare parfois grattée, parfois pincée, toujours délicate.
A nouveau les choeurs enveloppent la voix euphorique et perchée de Rox. L'effet Muse demeure pour notre plus grand bonheur.
L'osmose claviers/guitare agit tellement qu'on ne peut pas toujours
garantir quel instrument joue. Le registre étendu des voix ajoute à la
grandiloquence assumée.
J'avais perdu ma Muse en route, je la retrouve dans sa forme initiale si
chatoyante. Loin de moi la mauvaise critique, j'aime ce son, ces
arrangements et la beauté des mélodies.
1-Starchild 5:09
2-Falling 2:53
3-The Snoot 4:07
4-Don't Leave Me In The Dark 2:58
5-When All This Is Over 3:33
6-Numbers 3:30
7-A Ghost In Manchester 3:29
8-Everybody's Gone 4:45
9-Terraformer 4:48
10-Words In Eternity 4:29
Shape Of Water discography
Amor Fati (LP) - 2022
A Ghost In Manchester / Mr. Sandman (single) - 2021
Livestream from Mars (LP) - 2021
Lockdown On Mars (EP) - 2021
Great Illusions (LP) - 2020
Shape Of Water lineup
Rox Capriotti (vocals, keyboards, bass guitar, arrangements), Luca De Falco (guitars, backing vocals, artworks)