Album - Viagra Boys - Welfare Jazz
par NoPo
VIAGRA BOYS Welfare Jazz 2021
Label: YEAR0001
Allez Hop, chassons les idées préconçues, le viagra n'agit pas que sur
les vieux, la preuve! Et ça b... heu ça marche! Justement la bande ne
s'en cache pas!
Ils déboulent leur arty show vigoureux et sans tabous.
Sur scène, la grande classe punk dégouline sur la peau autant que par
terre, mélangée à la bière, où Sebastian Murphy, leader improbable,
n'hésite pas à se rouler.
On l'a vu dans le Vercors (à St Brieuc), sauter à l'élastique d'art
rock. On pourrait penser à Shane MacGowan des Pogues qui aurait flirté
avec Iggy Pop.
La pochette du disque pleine de graffitis, directement en provenance des
toilettes, ressemble à son corps couvert de tatouages et probablement
un peu à son esprit bien en vrac.
Il faut dire que le gars abuse et assume en plus! Natif de San
Francisco, il met les bouts et s'exile dans une rue (principale?) de
Stockholm, où il forme Viagra Boys en 2015, alias les vers de la rue,
sur leur premier LP (Street Worms).
'Welfare jazz' c'est la sécurité sociale du jazz, inventée en Suède pour
aider les 'essentiels' musiciens de ce genre. Les boys espèrent-ils
bénéficier de subventions en intitulant leur album ainsi et en intégrant
cette influence dans leur punk?
13 titres boueux, dont 3 courts intermèdes, remplissent leur demande administrative.
'Ain't nice', un aveu, un cri des entrailles, le single décolle comme un
train à vapeur pataud. La basse vrombit sur le beat associé à un
clavier dérailleur.
La voix puissante éructe du fond de la gorge sur un ton jubilatoire. En
liberté, les synthés peuvent délirer à souhait et inviter le sax free à
se lâcher telle une sirène de bateau... puis l'échauffement continue
dans un interlude en clin d'oeil 'Cold play'.
Le rythme léthargique, à la Velvet Underground, de 'Toad' associant
saxo, guitare et clavier rampe à la manière d'un crapaud dans le
caniveau où se reflèterait la lune.
'I Don't need no woman...' ose Sebastian alors qu'il vient de se faire
plaquer (sans or mais avec perte et fracas). Le morceau répétitif, à
bout de souffle, s'évanouit dans un bruit d'éclaboussures et de
clochettes avant d'enchaîner sur un poème déclamé 'This old dog', un
chien sénile, ancien agent secret!
Des sons chelous soulignent une contrebasse chaloupante. La guitare
distordue annonce 'Into the sun' dans une voix garage posée sur un
rythme à tom (Waits for no-one?).
Ce soleil met surtout en lumière des regrets et son teint blafard éclaire un blues poisseux. Aveuglant!
En contrepied, claque 'Creatures', single sur un synthwave sautillant. Par instants le sax barrit comme un éléphant.
La voix plaintive pleure sur un refrain, pas plus réjouissant que le
précédent, 'We are the creatures down at the bottom' et pourtant... on
se sentirait bien de se défouler sur le dancefloor!
Une fois n'est pas coutume, un riff de guitare entame '6 shooter'
bientôt rejoint par un synthé pointilleux. Basse/batterie régulent au
métronome cet instrumental rock intense.
Alors que le développement se perd dans des bidouillages électros, le
morceau repart de plus belle harangué par un saxo qui trompe énormément.
Excitant!
L'intermède 'Best in show II' semble extrait d'une bande son, couverte par une voix off à la Joe's Garage de Zappa.
'Secret canine agent', ou le retour du vieux chien au pédigrée d'agent
secret, balance 1'45 de rythme répétitif déchiré par un saxo partageant
quelques frasques avec un clavier détraqué. Délirant!
Donna gazouillait 'I feel love', Sebastian chamalose, à la Shane, 'I
feel alive'. Une lente et lourde procession (ou plutôt une sarabande
pour le Viagra) contraste avec quelques notes légères à la flûte et au
piano.
Le refrain aurait plu à Tom Waits avec sa démarche titubante et la voix
éraillée et saturée essayant, ironique, de se convaincre 'Jesus Christ, I
feel alive'. Paralysant!
Encore un barrissement de saxo pour impulser 'Girls and boys' parti dans
un rythme disco binaire et hypnotique avec sa basse à la New Order. La
charley sollicitée provoque la voix qui grommèle des borborygmes.
L'auteur aime les hommes comme les chiens et les femmes comme les
crevettes! Le sax jouit d'une carte blanche sur cette composition sombre
qui finit en pétarades. Electrisant!
'To the country' promène dans une ambiance mélancolique à la Nick Cave, à
la différence que Sebastian, le dérangé, chante une ode à une vie
rangée avec sa chérie, à faire pousser des légumes et s'occuper des
chiens et des poules...
Un rythme simple quasi électronique, accompagné d'une note unique au
piano, prépare des envolées lyriques de cuivres, ponctuées par des
tambours symphoniques. Epoustouflante, la plage aurait mérité de
s'étirer plus longuement!
'In Spite of Ourselves' rend hommage au songwriter américain de
country-folk John Prine, disparu récemment (même si enregistré avant).
Il s'agit d'un duo, assez léger et enfantin, avec Amy Taylor, chanteuse
des punk-rockeurs australiens d’Amyl and the Sniffers.
L’histoire décrit simplement l'amour entre deux personnes ordinaires. La
composition s'allonge, à répétitions, sur un terrain marécageux.
Ce disque sonne incroyablement ... incroyable! Il mixe du jazz country
punk rock dans un mélange explosif de Tom Waits, Idles, Iggy et Nick
Cave.
Ces drôles de musicos, fous et foutraques mais inventifs et libérés,
faut pas (ce n'en est pas un) les mettre en prison, ce serait
l'insurrection instantanée.
La pilule bleue semble difficile à avaler la première fois (toute toute)
sauf que la perception des couleurs, partant du bleu (évidemment) des
coups sur la peau et allant jusqu'au rouge sang, devient rapidement
hallucinogène.
Des gens déjantés ... pas des gentils, mais d'une sacrée trempe!
Line up
Sebastian Murphy
Benjamin Vallé guitare
Oskar Carls saxophone
Elias Jungqvist Claviers
Henrik Höckert basse
Tor Sjödén Batterie
Titres (produits par Matt Sweeney et finalisés en compagnie de Pelle Gunnerfeldt et Daniel Fagerström)
1. Ain't Nice 03:33
2. Cold Play 00:32
3. Toad 03:35
4. This Old Dog 00:37
5. Into The Sun 03:58
6. Creatures 03:33
7. 6 Shooter 04:51
8. Best In Show II 00:47
9. Secret Canine Agent 01:45
10. I Feel Alive 04:29
11. Girls & Boys 04:40
12. To The Country 02:58
13. In Spite Of Ourselves 05:01