Bianca Casady and The C.i.A perform 'Porno Thietor' à l'Orangerie du Botanique, Bruxelles, le 13 novembre 2015
En rentrant chez toi après l'insolite et captivante performance donnée par Bianca Casady et sa troupe rien ne laissait prévoir qu'au lieu de te remémorer certaines images du show, imprégnées dans ton cerveau, elles allaient aussitôt être balayées par un immense sentiment de dégoût et de désespoir, la folie meurtrière des fous de Dieu devait à nouveau frapper Paris.
Plus tard, ( le lendemain), à l'heure du bilan, tu apprends que le nombre des victimes se chiffre à 130, désormais, plus jamais tu n'entreras dans une salle de spectacle sans penser au Bataclan.
Pas question de s'épancher sur les réseaux sociaux, d'autres s'en chargent. Face à l'atrocité chacun se retrouve isolé, avec sa conscience, ses questions et ses angoisses.
Comme tu fais partie du troisième âge, tu ne peux toutefois refouler cette idée nostalgique teintée d'esprit hippie ou Golden Sixties: c'était mieux avant!
Il est 20:10', sur la scène de l'Orangerie les instruments sont cachés par une lourde draperie opaque, à gauche l'attirail de Bianca Casady est visible.
Un gars t'avais prévenu à l'entrée, ne t'imagine pas assister à un concert de la plus jeune des soeurs du duo CocoRosie, ce soir la carte propose ein Musik-Performance-Projekt mit einem Tänzer, einem Videokünstler und Musikern. Bianca chante, récite, maltraite un violon, s'évente, tripote des bidules électroniques et tripatouille constamment des nippes semblant l'incommoder.
Le premier à se présenter sur scène est l'incroyable Biño Sauitzvy, un danseur, mime, clown, acrobate, butoh performer, qui, tout au long de la soirée, se transformera en ballerine souple, Elvira Lollipop effrayante, vamp hideuse et autres personnages marginaux, issus de l'imagination fertile de Miss Casady.
Il apparaît à gauche, puis à droite sans piper mot, des visuels défilent sur la toile derrière laquelle on devine voir arriver les musiciens en smoking, sans doute, Takuya Nakamura à la basse et trompette - Doug Wieselman ( Antony and the Johnsons) à la guitare, clarinette, clarinetto basso et saxophone- Jean-Marc Ruellan au piano et Michal Skoda, sans tuxedo, aux drums.
Lærke Grøntved ( backing vocals, pas de danse, roadie Charlie Chaplin) étant la dernière protagoniste de cette représentation freakcabaret.
Bianca sort de coulisse, coiffée d'un melon cachant son bonnet à la Charlotte Coudray, elle entame un chant récitatif d'une voix frelatée ( 'Secret name') , les titres sont fournis avec toutes les réserves d'usage, l'album 'Oscar Hock' ne sortira pas avant 2016, aucune setlist n'était visible.
Une atmosphère cabaret, glauque, mixant Tom Waits, Frank Zappa, Bertolt Brecht, avant-garde jazz et images d'Isadora Duncan, la musa de la danza libre.
Il te faut dix minutes pour entrer dans l'univers étrange de l'artiste, après ce laps de temps tu es, comme 90% des spectateurs, subjugué par la performance.
Un regret, collé au podium, tu n'as aucune vue d'ensemble et tu ne peux visionner tout ce qui se déroule sur scène, la pièce est à voir assis dans un théâtre et non debout, comme pour assister à un concert.
Bruitages, piano désaccordé, soufflerie, murmures enfantins, numéro de funambule, fond jazz incroyable, le spectacle déconcertant fascine et tient en haleine, Bianca/ Louise Brooks émeut, émerveille, inquiète, magnétise....
Les titres défilent ( ? Moth ball, The empty room), Biño se mue en épouvantail, quelques corbeaux nous frôlent, le mime s'écroule, se relève pour se rejeter sur le sol, tu souffres à sa place, en arrière-plan un vacarme surréaliste, le calme revient, la trompette et le sax amorcent la pièce suivante, que vient faire Cendrillon dans cette fable baroque?
Haylorfs - Dog in a Yard - Roadkill - Poor deal, ont sans doute passé la revue, souvent interprétés d'un timbre diphonique, nasal, proche du chant des geishas.
Tu dis, Bianca?
I don't need no nic-nacs, le ton monte, devient agressif, une véritable cacophonie en bruit de fond, elle termine le titre par une question ' who's your daddy, now?'.
Pour embrayer sur une valse discordante te rappelant certains Tuxedo Moon, la voix criarde couine et transforme la berceuse en cauchemar.
Profitant d'un numéro de Félicien Marceau, la belle enfant s'éclipse pour se libérer de son vêtement monacal et revenir en top, short taille XXXL, elle a gardé son melon et a déniché une grosse chaîne au grenier, après un interlude free jazz elle passe au hip hop.
Pour ta gouverne, une liste d'intitulés datant d'un show précédent: Baby Fox/Left Shoe - Porno Thietor - Daisy Chain, ça ne sert pas à grand chose, les chansons se suivent sans blancs, ni applaudissements!
Après une séquence film d'horreur, elle nous invite à une comédie musicale désuète sur fond de fanfare.
Le conte s'achève avec 'Lordess moon' et 'The dead season', puis vientla présentation des saltimbanques, accueillie par une salve d'applaudissements.
Tu t'attendais au générique de fin mais ils n'étaient que dix à avoir quitté l'Orangerie, les autres espéraient un rappel et, c'était assez inattendu, ils ont été exaucés, Bianca et sa clique rejouent une plage, 'Daisy Chain' probablement.
Un spectacle original, magique et pertinent!