Festival Art Rock 2024 -The Libertines et Luidji - Grande Scène- Saint-Brieuc, le 17 mai 2024
michel
Après avoir quitté la scène B et Zed Yun Pavarotti, tu reprends la direction de la Grande Scène, envahie par des moins de 20 ans, venus assister à la prestation du rappeur, et sans reproches, Favé.
Cette mer déchaînée, où les vagues houleuses déferlaient sans discontinuer, montre bien l'engouement pour un style de musique que les générations plus anciennes ont souvent des difficultés à digérer.
Après les dernières punchlines du gars du 95, tu tentes de t'approcher des premières lignes, mais comme l'artiste qui suit se nomme Luidji et qu'il opère dans le même créneau, tu dois te contenter d'une place au rang 5.
Et c'est là que tu as eu une pensée émue pour les sardines enfermées dans leur tombe métallique , si elles ne baignaient pas déjà dans une huile homologuée par la France, elles seraient mortes étouffées.
Tu crains la promiscuité , ne va pas assister à un concert de Luidji!
Luidji Jordan Alexis connaît Saint-Brieuc pour être passé à Bonjour Minuit en 2021, il en garde un bon souvenir.
Les deux albums et les maxis du gars du Val d'Oise sentent le platine ou l'or, il n'est donc pas anormal que les lycéen(ne)s connaissent les lyrics du chanteur, ayant créé le label Foufoune Palace Records, sur le bout des doigts.
Après une intro sciences- fiction, un gros nuage de fumée enveloppe la scène puis vient un cri énorme, Luidji et ses musiciens émergent de nulle part: c à d, un beatmaker/ un gars, doué, se chargeant des keys, synthés et du programming et un batteur pas malhabile, ah, on oubliait les deux naïades, ornant autrefois la proue d'une caravelle ( c'est un bateau).
Pas besoin d'écran pour lire les paroles du karaoké, 95% du public les connaissent mieux que les premières pages du catéchisme.
Une première suite de titres est proposée, 'Alexis' , 'Téléfoot', 'Néons rouges/Belles chansons', l'interaction avec le public est primordiale, à l'arrière le batteur frappe puissamment et à notre gauche, les claviers et les bandes déroulent un son mettant en évidence le flow fluide du rappeur.
L'énergie n'est pas absente du menu, après une séance de sauts calibrés, il enchaîne sur ' Système' un downtempo aux relents jazzy.
'Joueur 1' le replonge à l'époque de l'école , des années noires où il se posait les questions existentielles.
'Ayida' et son fond africain, pendant lequel le deejay vient jeter des roses rouges dans le public, précède 'Le remède' , une belle ballade s' éloignant des clichés rap.
'Gisèle- part 4', décrit la fille superficielle qui ne vit que pour les caméras, encore un titre plus proche de Stevie Wonder que de Booba.
Les morceaux défilent, la jeunesse est de plus en plus ardente et s'époumone sur 'Sirène', ' 488' , 'Palace mafia' qui a fait exploser le thermomètre avec ses sonorités Jazzmatazz, et 'Pour deux âmes solitaires' 1 et 2, pendant lequel un keytar fait son apparition.
Hip Hop, sonorités tribales, rn'b, nu soul, la palette de Luidji est fertile, tu commences même à accrocher, c'est là que deux mecs, bourrés jusqu'au trognon, s'étant frayés un passage dans les rangs serrés à coups de coude, viennent détériorer l'ambiance., alors qu'une des plus belles plages du set, ' Bahia' est amorcée.
Ouf, ils sont partis cuver plus loin.
Le doux 'Miskine' et la dernière du set, 'Monde', exhibent la facette tendre d'un Luidji , qui est devenu une des têtes de file du rap hexagonal.
Un public différent se presse frontstage pour les Libertines.
Pendant que les techniciens s'affairent à monter l'équipement du combo de Camden Town, un monsieur affublé d'un chapeau de gentleman farmer se pointe en tenant un mioche par la main, Pete Doherty, il est suivi comme son ombre par Gladys, son chien qui ne semble pas contrarier de se retrouver sur scène, face à des milliers de festivaliers. Pendant 5 minutes, Pete et le bébé ont salué un public, amusé par cette apparition.
C'est l'heure, Edith Piaf sur une bande son chante,' Non, je ne regrette rien'. Depuis qu'il niche en Normandie, Pete est devenu un francophile averti.
Après leur reformation les Libertines ont pondu deux oeufs, 'Anthems for Doomed Youth' et le tout récent 'All Quiet on the Eastern Esplanade' qui nous vaut cette tournée.
Les leaders, Carl Barât et Pete Doherty ( vocals, guitars, et piano pour Carl), flanqués des formidables John Hassall ( bass) et Gary Powell ( drums) se pointent, Carl et Pete de dos pour le public, font face au batteur.
Avant d'entamer leur litanie, Pete sort un flacon de gnôle de sa pochette de gabardine et s'enfile une bonne rasade pour se donner du coeur à l'ouvrage.
Yes, on peut commencer!
Sur l'écran, une photo représentant la pochette du dernier album, mais c'est avec 'Up the bracket' que les Londoniens ont décidé d'entamer leur show avec Pete au chant, Carl, lui virevolte et nous la joue Pete Townsed à la guitare.
Une entrée en matière brute et crasseuse.
Les prolétaires, bourrés de fric, enchaîne sur 'Vertigo', un truc à donner le vertige à Alfred Hitchcock, après que Pete le plaisantin ait lancé, dans son français châtié, ' Bonswar, place de la Résistance ( personne ne lui a dit qu'elle nichait à 100 mètres du parking) , sa cravate termine sa vie dans le public, Josette la gardera en souvenir.
Les petits soli, secs, font forte impression.
Après l'éloge ( sans doute ironique) des groupes précédents et un rappel We are The Libertines, car certains les confondaient avec Erasure, c'est 'Run run, run' qui déboule à fond la caisse.
Sorti de nulle part , un cinquième élément ( Andy Newlove) se joint aux bad boys, comme Pete, il manie une guitare sèche.
En pensant à Robert Mitchum, voici le countrysant ' Night of the hunter' , une chouette ballade, suivie par le turbulent 'What became of the likey lads'.
Carl disparaît pour un moment, quelques problèmes de gratte, Andy est revenu, dès que Mister Barât se retrouve derrière les claviers, c'est l'émouvant ' Shiver' qui résonne.
Shoop, shoop, shoop, de lang, de lang... le midtempo catchy ' What Katie did' montre une autre face, plus pop, des Libertines.
'Merry old England' aurait pu se retrouver sur un album des Kinks.
A l'époque de 'Up the Brackets' il était de bon ton d'être soit pro-Strokes, soit pro- Libertines, ' Death on the stairs' date de cette époque et secoue salement la baraque.
Gary et John impriment un tempo infernal, tandis que les guitares de Pete et Carl entament un duel sans merci.
Tough crowd tonight, lâche Doherty, avant d'entamer, à l'acoustique, la ballade 'Music when the lights go out' .
Saint-Brieuc se balançait gentiment quand Gary, d'une frappe soutenue donne le signal de l'accélération, le morceau fond dans l'excité ' Horrorshow', après lequel le néo- Normand, très en verve, lance ' Vive les sangliers' .
Si les frontmen n'étaient pas complètement naze, ils devaient tout de même avoir touché à la bouteille, d'où ces plaisanteries de potaches.
'Can't stand me now', ça va les gars, on vous supporte!
Pete ajoute quelques lignes d'harmonica à la tirade avant de jeter l'objet dans la masse.
Revoilà, le clebs qui sent l'écurie, ' Time for heroes' achève le set en beauté , un à un, ils viennent saluer l'assemblée, surprise, car le concert n'a pas duré une heure.
Il a fallu attendre un poil avant leur retour sur scène pour les rappels, au nombre de quatre , qui s'éloignent de la setlist prévue.
'Man with the melody' est amorcé au chant par le bassiste, Gary est passé derrière le piano, qui sonne comme un clavecin et nous rappelle certains titres psyché de Syd Barrett.
'Gunga Din', qui aurait dû clôturer le set normal, arrive et permet à Gary de placer un solo de batterie nerveux.
' The good old days', c'étaient ceux où on cassait tout sur le podium, du coup le pied de micro plonge dans la fosse.
'Don't look back into the sun' et ' Songs they never play on the radio' aux fortes effluves Beatles clôturent la messe.
Pete, pas calmé, largue sa guitare acoustique dans le public, un roadie s'arrache les cheveux, fonce dans la marée humaine pour récupérer la gratte, après bien des palabres.
Les Libertines sont imprévisibles mais on leur pardonne tout!