CD- Fragments - Mindivide
NoPo
MINDIVIDE Fragments 2022
Les fragments s'assemblent fin 2020 à Munich avec la chanteuse Rosanna
Taormina, les guitaristes Stephano Mancarella et Vito Taormina.
'MOLD' à vie pas prévu, les trois italiens laissent filer leur troupe
précédente (qui faisait dans le progressif stoner) pour un autre état
d'esprit.
J'ai entendu, pour la première fois, le mot 'Taormina' dans une
pizzéria. Quel inculte! Taormina décore la côte sicilienne de ses
falaises et de son théâtre antique.
Deux autres compatriotes, Romina et Toti Denaro les rejoignent respectivement à la basse et à la batterie début 2021.
Pas très allemand tout ça... aussi c'est finalement Marcus
Kollmannsberger et Alex Schulz qui les remplacent en juin pour remettre,
un peu, l'église au milieu d'un village teuton.
Leurs références? Le dossier de presse indique une direction batave vers Within Temptation, Delain et Vuur.
J'apprécie les deux premiers, cependant le nom de Vuur (l'une des
nombreuses formations de la sublime chanteuse Anneke van Giersbergen),
me semble particulièrement pertinent!
Leur personnalité marquée mélangeait douceur et dureté dans des
créations musicales vraiment recherchées. Et bien Mindivide s'en
rapproche effectivement par son architecture progressive.
Je viens de m'extasier sur l'artwork de Mediterraneo d'Even Flow, que dire de celui de Fragments?
Deux têtes, bêches, identiques s'enchevêtrent par des cheveux frisés.
Les visages, imberbes, aux bouches et yeux clos, sont marqués
d'aspérités de couleurs variables, allant du rouge au violet en passant
par le rose et le bleu, colorant aussi les boucles.
Sur un fond noir, ces teintes éclatent littéralement pendant que les
intitulés du groupe et du disque apparaissent droites, en blanc. Chapeau
Mattia Stancioiu!
Quelques bruits de tambours, survolés d'un arpège à cordes, ouvre
l'album par 'Fragment 28'. Dans ce bouillon, le chant mijote doucement,
dessous, on entend à peine, un filet de voix, cuit à choeurs.
Bien vite, le ton se durcit avec deux guitares virulentes et des frappes lourdes que la basse amplifie.
La voix de Rosanna accapare l'attention par sa puissance et sa justesse.
Toujours le cap elle garde tandis que les guitares divaguent et tirent
la quintessence avec virtuosité.
Le plat de résistance aurait-il été servi d'entrée?
Félines et d'abord ronronnantes, les grattes (g)riffent en variétés,
parfois retenues, parfois relâchées tout au long de 'Skull'.
Lorsque le chant boule tout, on s'envole avec pour un voyage plein de frissons. L'ombre d'Anneke plane...
Percussions orientalisantes puis, Rosanna (au plus haut des cieux!)
s'élance, un moment, sur des vocalises religieuses qu'on écoute ...
religieusement.
Voici une seconde divine recette!
Sautillant, l'arpège cristallin distille une liqueur délicieuse dès la première gorgée de 'At your whim'. Un trou normand?
La batterie reste d'abord discrète avec des coups sur le cercle puis
devient carrée et s'emporte en roulements dès que la première guitare
impose son riff vicieusement marqué.
Parfois lourds et graves, parfois légers, les vocaux s'insèrent avec prestance.
La seconde guitare tire une sinusoïde reptile. La combinaison des
cordes, travaillées par Stefano et Vito, crache un venin et nous
paralyse de bonheur.
Mais on s'en extrait, sans combattre, en tapant du pied et en dodelinant de la tête. Grisé je reste!
Diantre, un bien bel arpège triste amorce 'D.I.D' isn't it? Yes yes font
les cymbales'. En face, les vocaux demeurent fermes... et presque
définitifs.
Progressivement, le son vicieux des grattes peut rappeler 'Paradise Lost', surtout sur le simili solo faisant du gringue au chant de
Rosanna.
Lorsque les deux instruments se mêlent, liés par une basse épaisse, on sombre dans ce vin corsé.
Pas plus d'allégresse sur 'Reign of mediocrity'. Vous me direz 'avec un titre pareil!'...
Le rythme plombe mais les voix allègent l'une féminine funambule, l'autre, masculine, l'enveloppe.
Une accélération, au riff vif, à mi-morceau, s'emploie à deux voix
accolées mais l'ambiance reprend vite son ton solennel et froid.
Les chemins parallèles des 2 grattes apportent beaucoup de richesse à 'Children Of Nonsense'.
Parfois à contresens, la voix de Rosanna alterne des accents très bas et des montées vertigineuses.
Saccades de guitares redressées par une rythmique basse/batterie
implacable, précèdent un passage, où le chant se pose, en ange fragile,
sur un filet de guitare menaçante.
'Timeless Spaces', le bien nommé, flotte dans un espace intersidéral
parcouru de guitares aériennes, arachnéennes, cristallines (comme de
l'eau de là-haut), quand elles ne se fâchent pas en (dés)accords
profonds.
La progression lente se fait en mouvements ralentis. Après un passage
quasi parlé, la matière se désagrège en gaz explosif expulsé par des
guitares forgées en parpaings.
Un roulement annonce 'Beauty insane' introduit par deux arpèges croisés,
soulignée par une batterie aérée. La basse, musicale, s'inscrit
superbement dans les espaces. Le fromage a du caractère!
Les vocaux, ponctués par des roulements à la batterie, flirtent avec le
timbre de David Surkamp (oui, le chanteur de Pavlov's Dog) et atteignent
des crêtes insensées. Oui, 'Beauty insane'!
Friedrich W. Kopp vient growler en contrepoint et parfois en même temps.
La voix féminine doit se dédoubler pour l'emporter. Emportement aussi
dans les frappes pourtant précises.
La phrase musicale finale, tellement puissante, laisse couler, plutôt qu'une larme, une lave émotionnelle.
'Home' ou retour aux sources? En théorie, on s'attend au dessert.
A nouveau des guitares en parallèle et une voix dédoublée caractérisent ce dernier morceau chaotique, fort de café...
Un accord menaçant ouvre un couloir funeste aux murs de guitares que la
batterie défonce puis retour à la mélodie finale qui régale.
Loin d'un coup d'essai, Mindivide marque les esprits et il ne manque pas
grand-chose pour transformer l'oeuvre en chef dans un restaurant
musical à trois étoiles.
Entre mélancolie et déprime, l'atmosphère prend à la gorge. Pas de longs
solos de guitares, ancrées dans les mélodies, elles sont force majeure.
Pareille à une cantatrice, Rosanna, Rosanna (chantait TOTO), par sa voix
puissante autant que touchante, disperse des fragments de beauté.
Complexe mais fascinant!
Tracklist :
1- Fragment 28
2- Skull
3- At Your Whim
4- D.I.D.
5- Reign Of Mediocrity
6- Children Of Nonsense
7- Timeless Spaces
8- Beauty Insane
9- Home
Mixé par Alessandro Caneva, masterisé par Andréa De Bernardi
Vito et Rosanna composent quasiment tout sauf 'At you whim' et 'Beauty insane' composé par Stef.
ROSANNA TAORMINA: Vocals
STEFANO MANCARELLA: Guitar
VITO TAORMINA: Guitar
MARKUS KOLLMANNSBERGER: Bass
ALEX SCHULZ: Drums
Other musicians on “Fragments“:
ROMINA DENARO: Bass (all songs except: At Your Whim, D.I.D.)
TOTI DENARO: Drums
FRIEDRICH W. KOPP: Growls (on Beauty Insane)