samedi 13 mars 2021

Album- Jean-Paul Daroux project - Change ør nø Change

 Album- Jean-Paul Daroux project  - Change ør nø Change

 

 Plaza Mayor Company Ltd

Avant de mettre le cap vers le Var et de devenir professeur de piano et, accessoirement, directeur de l'école de musique, Jean-Paul Daroux use ses fonds de culotte sur les bancs d'une école élémentaire dans les Hauts-de-Seine, il nous le rappelle sur l'album 'La Légende des sept Sages', il est né à  Gennevilliers.

Dans un coin du salon familial siégeait un piano,  à l’Ecole Normale de Musique de Paris, ce ne sont pas les compositions de Jerry Lee Lewis qui sont enseignées, mais les grands maîtres.

L'histoire dit que Erik Satie et Claude Debussy étaient ses compositeurs de prédilection.

Oui, mais ses copains et les gamines ne juraient que par le rock, il bifurque dans ce sens, pour la petite histoire le 45 tours du groupe Récidive (Jean Paul Daroux (claviers) Charlie Brusset (batterie) Jean Luc Fontaine (basse et chant) et Richard Atlani (guitare et voix) )  , 'Mina' - 'Où Sont' , de 1983  est très recherché.

Trop pop pour J P, il passe  à King Crimson, Soft Machine ou Magma, le jazz fusion, la Canterbury Scene, et joue, e a ,  avec le guitariste Jean-Philippe Winter ou le saxophoniste Fabien Chouraki  dans diverses formations plus pointues.

Quelques CD's voient le jour.

2001, adieu Paris et sa banlieue, direction Cavalaire où il forme le Jean-Paul Daroux Quartet.

2006, un premier album, quasi introuvable, ' No Mad Land', puis en 2010, 'Prelude for a New World'  avec Louis Petrucciani à la contrebasse et François Schiavone à la batterie, 'Déambulations' suit en 2015, Samy Thiébault fait partie de l'équipage,  2018 « La légende des 7 sages », en trio avec Jean-Christophe Gautier (contrebasse), Luca Scalambrino (batterie) et enfin, tout frais pondu, 'Change ør nø Change' , avec les mêmes protagonistes.

Le Sicilien Luca Scalambrino joue notamment  avec le Cascino Trio, The Flamingo Quartet,  Outside the Box, Liza l’occitane, L'Amina Lotta  ou  Temenik Electrik.

 Jean-Christophe Gautier, s'amuse au sein de différentes formations, dont le trio Sudameris, le Véronique Mula Trio, Clémentine Coppolani et l'Alfa Trio ou le Dan Roth Quartet.

 Change ør nø Change: tracklist!

 1. Rencontre avec le petit peuple de la forêt (3:55) - 2. Les ours polaires ne regardent plus les aurores boréales (5:44) - 3. Change or no Change (6:01) - 4. Le sacre du Pangolin (6:07) - 5. Un indicible bonheur (4:14) - 6. Le corridor sans fin (4:01) - 7. Un matin de canicule sur Oxford street (4:38) - 8. La trépidante odyssée d’un bébé tortue (4:20) - 9. Escapade sous la lune rousse (4:23) - 10. Le ballet des méduses (3:40).

La pochette offre une esthétique ECM  Nordic Jazz, avec ces pins, photographiés au crépuscule, reflétés dans les eaux quasi  lisses d'un lac paisible, qui pourrait servir de source d'inspiration pour une pièce symphonique imaginée par Jean Sibelius.

 

Tu connais  Eleanor Fortescue-Brickdale?

Non, peintre, surnommée "the last Pre-Raphaelite", et illustratrice ( elle a notamment enluminé plusieurs recueil de poèmes de Tennyson  ou de Robert Browning), on lui doit l'aquarelle 'Rencontre avec le Petit Peuple de la Forêt' ( in English 'The Introduction') brossant une jeune fille songeuse ( elle aurait plu à David Hamilton) assise  sur un tronc à l'orée de la forêt  et discutant avec des lutins.

Quel rapport, questionnes-tu!

La plage ouvrant le recueil du pianiste s'intitule 'Rencontre avec le petit peuple de la forêt', et si le style du trio n'est pas foncièrement à comparer aux toiles de Dante Gabriel Rossetti ou d' Edward Burne-Jones, la plage  dégage néanmoins une grande force de suggestion.

Tu l'entends grouiller le peuple de la forêt, cela fourmille partout sur l'humus, remue sous les frondaisons, voltige sous les feuilles, un pic épeiche martèle au loin, c'est le signal,  la batterie amorce le départ , le piano gambade gaiement sur des sentes oubliées,  Jean-Christophe fait déraper un  archet  sur sa contrebasse, ça grince et sautille de plus belle, la forêt vit!

Du jazz, oui, mais truffé d'éléments symbolistes, propices à la rêverie.

Tu l'as lu comme nous:  Tonje Folkestad: « Les ours polaires feront partie de l'Histoire, et nos petits-enfants n'en entendront parler que dans les livres. »

Toujours dans la presse: Un iceberg de la taille des agglomérations de Paris s’est détaché de l’Antarctique..

OK, mangeons français, mais faisons fi du chauvinisme: A massive iceberg – larger than New York City – breaks off Antarctica!

Le réchauffement climatique n'a pas échappé au pianiste du Midi, la pièce, d'abord lyrique, puis  mouvementée, 'Les ours polaires ne regardent plus les aurores boréales' y fait allusion!

Force évocatrice aussi puissante que celle d'Emilie Simon sur la B O de 'La Marche De L'Empereur'. 

Seul morceau à consonance anglo-saxonne, 'Change or no Change' offre plusieurs coloris, une entrée en matière vive, presque agressive, suivie d'une méditation au piano, dans le plus pur style Brad Mehldau, puis un solo de batterie expressif, pas question de s'ennuyer, d'autant plus que Jean-Christophe a ressorti son archet pour la dernière phase vigoureuse.

Quoi, le titre, une explication?

Demande à DiCaprio, celui que Fiat a soudoyé pour la pub de sa 500 électrique. 

' Le sacre du Pangolin':  avant la pandémie, personne en Europe ne parlait de ce  mammifère pholidote, pas con, J P, d'introduire le pangolin dans ton bestiaire.

Après l'amorce orientalisante, le piano rapplique, la batterie, en embuscade, imprime un tempo soutenu, l'animal s'emballe et cavale à la vitesse d'un chacal entraîné pour se mesurer à un lévrier greyhound à l'Owlerton Stadium à Sheffield.

Il fallait une romance, la voilà, ' Un indicible bonheur'.

J'ai très peur du bonheur béat, clamait Bashung, pas de panique, Alain, il s'agit d'une griserie ( sans abus d'alcool)  sur fond musical bondissant.

Après la félicité, les tourments, 'Le corridor sans fin', ou comment traduire un cauchemar en musique.

Drumming martial, piano austère, archet grinçant, du jazz virant noise, tout est possible avec ces Pieds Nickelés, ils ont plus d'un tour dans le sac à malices, quelle merveille!

Que faire par 'Un matin de canicule sur Oxford Street'.... trop chaud pour un Earl Grey , pourquoi pas une O' Hara's Irish Stout en écoutant un petit air de jazz fringant.

Vendu!

Ils emboîtent sur un nouveau documentaire animalier,  'La trépidante odyssée d’un bébé tortue'. 

On l'a vu à la télé avec les petits-enfants, Jojo et Manon, n'en sont pas encore revenus. ... Seule une tortue sur dix mille survivra au périlleux voyage ..., c'est vrai, Papy?

Oui, les enfants!

C'est pas juste!

 La vie n'est jamais juste, kids! 

Et sinon, musicalement?

Rien à voir avec Flo & Eddie, les ex-Turtles copains de Frank Zappa, mais une tranche de jazz  impressionniste, décorée d'un nouveau solo de batterie, bien tortueux!

Avec 'Escapade sous la lune rousse' ,  l'auditeur  hérite d'une digression en roue libre, proche des compositions  les plus alertes du grand Michel Legrand.

Epilogue en forme de rondo marin, 'Le ballet des méduses',  un titre qui forcément ravive en toi l'image de Caroline Cellier, disparue il y a quelques mois, mais aussi celle de la méchante Valérie Kaprisky qui avait joué un bien vilain tour à Bernard Giraudeau.

Jean-Paul Daroux a peut-être songé à ' L'Année des Méduses', tourné dans sa région ( Ramatuelle, Saint Tropez, Gassin) quand il a composé l'ultime plage d'un album qui constitue une belle carte de visite et devrait permettre au trio de se produire sur les scènes jazz quand Roselyne Bachelot et le petit Manu auront décidé de laisser vivre la culture sans que la Capitaine Marleau soit obligée de se foutre à poil.