Album- Harakiri For The Sky - Mære
AOP Records
Par NoPo
HARAKIRI FOR THE SKY ‘MAERE’ 2020
Harakiri for the Sky vient de la région des valses et de Sissi
l'impératrice mais le groupe ne semble pas avoir le mal du pays car,
musicalement, la Scandinavie l'emporte.
Les Autrichiens peignent un profond blackgaze à la fois dépressif
(harakiri n'est pas une ferme où les chevaux s'amusent!), atmosphérique
et mélodique.
9 ans après leur (mal)formation, sort leur 5è album 'Maere', ville qui
était l'un des principaux centres religieux de Norvège, adepte du
sacrifice.
Bienvenu au Black métal givré, spécialité norvégienne (comme l'omelette qui ne l'est pas d'ailleurs!)
La pochette présente un dessin monochrome de loup sur fond bordeaux.
Deux mains écartent fermement sa peau sur le museau pour dévoiler une
mâchoire de loup garou. Deux os croisés en 'X' séparent les initiales du
patronyme 'H' en haut, 'F' à gauche 'T' à droite et 'S' en bas et le
nom 'MAERE' en dessous.
En les écoutant, on perçoit des vagues d'Agalloch, l’américain mais il
n'est pas interdit de sentir les suédois de Soilwork et surtout nos
compatriotes Alcest dont on va reparler.
Le chant hurlé (inflexion screamo), les blast beat dans un débit élevé
et les guitares tendues en filets arachnéens caractérisent leur musique à
haute tension.
A part le dernier, tous les titres s'allongent entre 7 et 11 minutes de quoi s'exprimer librement.
'I, Pallbearer' en guise d'apéro, offre une bière au porteur de cercueil
qui démarre par un riff poignant, soutenu par une 2è guitare,
l'ensemble, giflé au milieu des cymbales.
La batterie monte ensuite d'un ton sur les toms pendant qu'une 6 cordes délivre quelques harmoniques aguichantes.
On entre alors dans le corps de la (dé)composition saturée par le chant
aigu, extirpé du fond de la gorge, et des frappes à 500 BPM cependant la
guitare trace la voie.
Le morceau se termine dans une minute de recueillement sur un piano mélancolique.
'Sing for the damage we've done' introduit d'abord des accords de
guitare, mêlés aux notes d'un piano, martelés par des coups puissants.
L'effet séduisant contraste avec la suite (jouée à la vitesse de
l’éclair comme le morceau précédent) entrecoupée de courts passages
planants et parfois des chœurs angéliques. Neige (Alcest) y ajoute une
couche de cris douloureux. Des instants d'amertume parfument ce titre
qui reste prenant jusqu'à son arrêt brutal.
'Us againts December skies' maintient la température glaciale et
angoissante de Décembre dans la durée. Peu de respiration, en effet,
dans cette valse désespérée à la relance continuelle (sauf une petite
minute de répit qui s'évapore vite).
On suffoque dans la tempête de neige et les chutes de congères mais on avance sur un chemin musical bien balisé.
Un riff à la Paradise Lost lance 'I'm all about the dusk' plus lent et
lourd au départ. Ici, l'éternité dure 11 minutes. On se sent transi dans
un froid crépusculaire et secoué par des vagues imposantes après un
naufrage. Des passages vers la 3è minute et surtout la 10è font espérer
le sauvetage en mer mais on finit par sombrer dans un abime profond.
'Three empty words' part sur les chapeaux de roue et se stabilise
rapidement dans une accalmie puis s'installe sur un rythme élevé mais
régulier. La trame torturée, en incantations, bouleverse. Puis, un
répit, une nouvelle fois de courte durée, annonce une fin dans un chaos
organisé.
'Once upon a winter' commence par une menace sur un riff tendu et
répétitif puis on pourrait presque croire à une berceuse, un peu
énervée, certes, mais ce serait une ballade selon Harakiri que je ne
serais pas surpris.
Mais l'hiver est long (10'26), il faut bien se réchauffer alors ça finit quand même par accélérer.
Toutefois, un ralentissement gracieux et bienvenu, un peu avant la 9è
minute, illumine la compo qui se termine dans un temps lancinant à la
Evergrey.
'And oceans between us' fait monter des vagues d'émotions. Si ce n'est
la voix hurlée, l'ambiance générale épique, alterne creux et bosses,
bosses et plaies, de nouveau en souvenirs d'Evergrey. La mélodie
puissante portée par la guitare ne nous lâche pas le cerveau d'un
neurone.
'Silver needle-Golden dawn' accueille le chanteur masqué du groupe portugais Gaerea.
Un piano aux accords mineurs entraine une guitare dans un torrent
musical. A nouveau la mélodie met notre système sensoriel à rude
épreuve. On aimerait crier de joie, par moments, mais, après une
respiration à 5'30, c'est le déchirement qui s'empare finalement de
nous.
'Time is a ghost' nous piège d'abord à contre-corde par sa guitare sèche
en arpèges, cependant la douceur ne fait pas long feu (36 secondes)
avant que tout s'embrase. Un magma de braises étouffantes envahit
l’atmosphère et, à nouveau, des éruptions volcaniques crachent leur sève
brûlante.
Dans une dernière phase à 6'45, un son de guitare acoustique, accompagné
d'une autre guitare au timbre de violon, annonce une fin
progressivement violente.
Surprise (ou pas) l'album s’achève par la reprise de 'Song to say
goodbye' de PLACEBO (album 'Meds' 2006) dont la musique possède aussi ce
côté mélancolique qui sied si bien à HFTS.
Le thème joué principalement au piano se marie parfaitement au climat
général de l'album en crève-coeur. La compo originale, défigurée, ne se
reconnaît que par son gimmick au piano et un duo clavier guitare de
quelques secondes.
"Maere" impose un bloc monolithique et pourtant l'émotion suinte sur la matière scintillante.
Sous pression, l'expression de la douleur, comme un éclatement, fait office de purification.
Le cri viscéral, craché, porte l'angoisse, l'instrumentation la tension, le tout capte l'attention.
Sous sa couverture de métal extrême, la musique de Harakiri for the Sky
se veut bien plus sensible qu'il n'y parait; elle mérite de profonds
plongeons dans sa triste matrice.
LINE UP
M.S. - guitar, bass, songwriting
J.J. - vocals, lyrics
batteur de session Kerim « Krimh » Lechner (Septic flesh)
Track-listing :
01. I, Pallbearer
02. Sing For The Damage We've Done
03. Us Against December Skies
04. I'm All About The Dusk
05. Three Empty Words
06. Once Upon A Winter
07. And Oceans Between Us
08. Silver Needle // Golden Dawn
09. Time Is A Ghost
10. Song To Say Goodbye