Deadwood au Chaland qui Passe, Binic, le 14 août 2025
michel
Deadwood, la série se déroulant dans le Dakota ?
Non!
Deadwood, du death metal canadien?
Non!
Ceux de Reims, alors?
Nullement, et ne viens pas avec le morceau de Garbage, Deadwood, c'est de l'electro blues, un brin indus, teinté de hip hop tendance techno, qui profite d'un Breizh Tour pour s'arrêter à Binic.
Le projet naît dans le cerveau de Jérémy Manche, un garçon ayant fait des études de musicologie, ayant tâté du cirque ( comme créateur sonore) , et ayant traîné à Bruxelles.
Deadwood c'est son enfant, mais il décide de s'associer avec Violette Legrand, qui comme lui a fait partie du collectif La Grosse B. et, plus tard, le duo soudoie Axel Manche pour pousser la chansonnette avec eux et éventuellement secouer des shakers ou souffler dans un harmonica.
Pour être moins laconique, on ajoutera que la formation se produit parfois en formule cuivrée, comptant près de 10 éléments, sous l'étiquette Deadwood Brass Band.
Une équipe impossible à caser dans l'espace réduit du Chaland qui Passe.
Tu te pointes en plein soundcheck, Arnaud a refilé sa tablette à l'ingé son du groupe, tu avises le matos: une guitare, un keyboard, un theremin, quelques engins à secouer, un ordi, une souris, un portable, et surtout une impressionnante panoplie de pédales à effets ( looper, overdrive, delay, reverb, phaser...) + toujours à même le sol, un sequencer.
Axel, se contente de peu, un micro, un harmonica, un tambourin et quelques grelots, Violette, chante, tapote le synthé, frôle le theremin , ébranle un truc ressemblant à un guiro ou agite un kayamb, la guitare est dans les doigts du frangin d'Axel qui chante aussi et se charge de l'élément électronique .
Un détail insignifiant, ils ont abandonné leurs espadrilles en rue.
Avant d'entamer le set, le trio imagine une mise en condition, légèrement moins sauvage que le haka des All Blacks, faite d'embrassades et de cris primitifs.
Jérémy ouvre le bal en solitaire, en triturant ses pédales il produit un souffle aux caractéristiques doom, traité au drone industriel, le blues gothique ( probablement une version trafiquée de 'Way down in the hole' de Tom Waits) est chanté d'un timbre rauque évoquant à la fois le brave Tom, Captain Beefheart et Clément Palant de Broken Waltz.
Violette le rejoint aux claviers puis Axel, la casquette, vient apporter son timbre, peu angélique, en support.
Le Chaland vient de comprendre que ce soir le programme va vachement s'écarter de la variété mesquine pour suivre des sentiers mystiques et boueux.
Si au détour d'une sente, tu crois apercevoir un zombie ou le fantôme d' un serial killer, ce n'est pas une hallucination.
Violette entame la partie chantée de ' Deep Down' et quand les garçons débouchent, c'est à trois que le texte allumé est scandé... Deep down the water I 'm looking at your face... un visage déformé, qui a pris les formes du scream mask.
Le trio a entamé une chorégraphie empruntée aux Cherokees en plein Pow Wow.
'Staying at the corner' agrémenté de lignes d'harmonica sudistes par un Alex, dont les mimiques faciales effrayantes ont réussi à faire grogner un des chiens de la maison, est tout aussi poisseux.
Quand il abandonne le mouth harp, le garçon part en flow hip hop, que tu compares à celui de Bruce Ellison de PPZ 30, le groupe bruxellois connu pour sa reaka-rocka-funky-dirty music.
Les bandes préenregistrées distillent un fond sonore sorti en droite ligne de catacombes désaffectées, tandis que Jérémy tire des lignes saturées de sa guitare.
A l'écoute du cocktail sonore proposé par Deadwood, tu finis par comparer toute la discographie de David Eugene Edwards à des bluettes pour nymphettes nunuches.
La plage semble être arrivée à son terme mais un bruit de fond continu nous fait hésiter, ' Jim, Jack , Joe' est entamé sur un background de marteau piqueur, le theremin frémit, l'angoisse nous gagne, ces gens sont encore plus dingues que les membres du Reverend Peyton's Big Damn Band qui pourtant chantent 'Devils look like Angels'.
Violette d'une voix proche de celle de Janis Joplin a amorcé ' Creepy train', un gospel ferroviaire salement secoué.
Tu ne portes pas la SNCF aux nues, mais ce creepy train te flanque les boules.
Après un final démoniaque vient ' Staring at the moon', un blues lunaire qu'Axel enjolive d'envolées à la John Mayall.
Une accélération fielleuse nous permet de dépasser l'engin spatial piloté par Elon Musk et de lui faire un pied de nez.
Ants directly impact the dead wood environment primarily through nesting in standing dead trees, du coup la suivante se nomme ' 'The ants' et comme Ernest passait par là on imagine entendre 'For Whom the Bell Tolls', c'était pas du Metallica, mais ça grinçait pas mal, surtout lorsqu'une main rase l' éthérophone , inventé par Léon .
La plage vire rondo, puis vient un mouvement en pointillé, avant une course finale furieuse.
On nous propose la visite d'une maison, une aimable flûte traversière sert de guide, yes, but il s'agit d'une ' Haunted House', du coup Herbie Mann goes techno, trois voix scandent un texte glauque, on nous souffle... don't be shy... I'll be your host ... tout en calmant le jeu, cette approche angélique a servi à nous endormir car la bicoque a fini par exploser.
' Dance the boogie man' oublie le funk de KC and the Sunshine Band, le truc teigneux, martelé en hip hop sauvage, arrache et transforme les clients du zinc en pensionnaires de l’hôpital psychiatrique vu dans One Flew Over the Cuckoo's Nest, tous se muent en forcenés épileptiques et entrent en transe.
Jérémy ( merci, monsieur) t'a griffonné une setlist, tu lis ' D Press', depressed paraît plus logique , d'après le texte entendu, il s'agit d'une voisine, victime de déprime.
Pas sûr que la berceuse proposée par Deadwood va l'aider à surmonter ses problèmes, ça cogne toujours, maintenant si la bourgeoise est fan de Cypress Hill, de Public Enemy ou de Everlast, ça peut marcher!
Axel décide d'aller prendre l'air pour contempler le vol des goélands et des souris chauves, le groupe poursuit en formule duo et propose 'Oktober' que U2 n'a pas reconnu, forcément du techno blues c'est pas leur truc.
Violette mime un combat de boxe avec un adversaire invisible, à tes côtés, c'est la furia, une voisine, en plein exercice d'aerobics, t'envoie un coup de coude accidentel, heureusement t'avais enfilé un gilet pare-balles, comme toujours quand t'es de sortie en soirée.
Personne ne peut nous empêcher de jouer une valse.
C'était pas notre intention, leur 'Dead tree waltz' renvoie d'office des images de Tom Waits, mais on n'a pas vu Waltzing Matilda.
Binic n'est plus baigné par l'Ic, c'est le Danube qui se jette dans la Manche.
Tiens, un revenant, Alex vient achever le set avec la famille, 'Dead bus' est sorti d'un garage crado, ... got no time to pray... chante Violette, de toute façon le chaland n'est pas un lieu de culte, le truc tourbillonne frénétiquement, après une fausse fin trompeuse, la machine repart de plus belle pour venir s'écraser dans un râle.
Quoi, un bis avant de prendre congé, Axel, t'es d'accord?
Le trio s'attaque au ' Me and the devil blues' de Robert Johnson pour le transformer en gospel hip hop dément. ( Oui, Arnaud, Soap and Skin a aussi repris ce titre, tout comme Eric Clapton ( normal), Simply Red et quelques autres)
La messe est bien finie, les ministres du culte s'épongent et s'abreuvent avidement.
C'est devenu une routine, les concerts d'exception au Chaland!