dimanche 2 février 2025

Animal Triste et Ne rangez pas les jardins à La Grande Ourse , Saint-Agathon, le 1er février 2025

 Animal Triste et  Ne rangez pas les jardins    à La Grande Ourse , Saint-Agathon, le 1er février 2025

Samedi, le 1 février: premier ( double) concert 2025 à La Grande Ourse: du rock normand, guitares en avant, avec Animal Triste et du freak folk/ psychedelic art rock  vert costarmoricain,  avec  Ne rangez pas les jardins.

Début des hostilités annoncé à 21h, pas de bol pour les retardataires, le trio emmené par la demoiselle de Loc-Envel investit la scène à  20:53.

D'emblée une surprise attend les initiés,  un nouveau paysagiste a été engagé en lien et place de Swann Yde,  il a cédé ses baguettes à  Franck Richard, qui n'est  pas un  jeune homme associé à Didier Bourdon, Bernard Campan et Pascal Légitimus, par contre,   tu l'as déjà croisé dans bon nombre de formations gravitant du côté de Saint-Brieuc ( SBRBS, Dewaere, Yelle  ou Primates).

A gauche, Léa Digois, longue robe damier, sa basse et un archet, à droite  Louis Hamon, sans rosaire mais avec guitare et claviers, à l'arrière, en position centrale, Franck Richard et son équipement.

C'est a capella que débute le concert, Léa,  très disciplinée et grave, entame 'Denez', les convoyeurs ( pour les colombophiles) attendent.

Franck est le premier à réagir suivi de près par Louis, sa guitare prenant des tonalités menaçantes, Léa ramasse sa basse,  le son gonfle, on retrouve d'emblée le cachet spécifique de cette formation à nulle autre pareille.

Gilbert s'approche, te susurre à l'oreille: c'est drôlement bien, dis donc.

Blasé, tu rétorques, je sais, je les ai déjà vus, accroche-toi, ce n'est que le début!

Ils enchaînent sur ' Bretonne' ( c'est ce que dit la feuille dactylographiée), il te semble qu' il est arrivé à Léa de baptiser ce morceau renversant ' 100 fois' à d'autres occasions.

Les baguettes de Franck dansent le charleston, la guitare gémit, la basse arrondit les angles, imperceptiblement , la plage s'exalte, l'araignée a tissé sa toile, tu te sens comme la mouche prise dans ses fils, et puis soudain,la fin, abrupte, imprévisible!

Du grand  art!

Un avant- propos pour annoncer ' Bizarre' , quel rôle a bien pu jouer la machine agricole, ayant rasé l'arbre, pour réussir à faire capoter un morceau et lui donner une autre direction.

L'oiseau ne chante plus, la rivière ne coule plus, l'arbre est mort... cette plage tragique démarre en mode larghissimo avant d'exploser une première fois.

Bis repetita placent, on bisse le mouvement initial, avec une véhémence décuplée, au loin le rossignol chante, il a le coeur gai, comment  va-t-il  endurer le final noisy?

Tellement nerveux cet épilogue, que Louis en claque une corde!

Bon, je passe derrière les touches, décide-t - il,  avant d'entendre  Léa entamer ' Du vent dans les os' en caressant sa basse d'un archet, le texte baudelairien, interpelle .

 Louis, dont la voix transformée au vocoder, faisant  écho au chant ténébreux de Miss Digois, refont la plage en marche funèbre obsédante.

Tremblez, tremblez, tremblez... 

Bref temps mort pour rafistoler sa guitare, Léa en profite pour proposer ' Une maison vide' en solitaire ( basse/voix).

Non, ce n'était pas la même bâtisse  que celle que chantait Michel Polnareff.

'Bird', un titre bilingue,  offre plusieurs aspects, tu passes du folk aérien ( Maria Taylor, Azure Ray, Tomberlin...)  au rock déchirant, comme peut si bien le faire Shannon Wright.

La suivante sera encore plus brutale ( 'Post punk' est indiqué sur le papier) et effectivement il ne s'agit pas d'une bluette romantique ... à coups de silence le soleil se sédimente... et Léa, contrariée, entame une harangue percutante  sur fond de guitare bourrée d'effets et de drumming carnassier.

Vont-ils se calmer après cette forte poussée d'adrénaline?

C'est la dernière, nous dit la demoiselle, 'Ne rangez pas les jardins' , ou l'évangile selon Sainte Léa aux climats multiples , un   titre qui vient nous secouer une dernière fois  et, là,  on se dit que ce groupe a encore gagné en maturité ( c'est presque insolent).   Une question se pose  à quand une reconnaissance internationale?


Une bande Century Fox annonce l'arrivée d'Animal Triste, un sextet de Rouen qui a lu Monika Maron.

La formation a vu le jour avant le confinement et regroupe un clan de  chevronnés:  Yannick Marais (chanteur de La Maison Tellier), Sebastien Miel,  guitare, (La Maison Tellier), Mathieu Pigné  aux drums (Radiosofa, Darko mais aussi,Julien Doré, Grand Corps Malade ou encore Marc Lavoine. ), Fabien Senay ,  guitare ( Radiosofa), David Faisques ,  guitare, keys ( Darko,  et lui aussi, Marc Lavoine et Julien Doré) et Cedrick Kerbache ,  basse (  Dallas).

Le groupe annonce un troisième album ' Jericho' (sortie en mars), il doit succéder à 'Animal Triste' de 2020 et 'Night of the loving dead' de 2022.

Il se dit influencé par Nick Cave ou Black Rebel Motorcycle Club,  on décèle aussi des effluves Eagles of Death Metal ou The Heatbreakers, le groupe de Tom Petty.

Une  attaque   haineuse d'un des trois guitaristes lance 'Love Crimes' les partners in crime embrayent, trois guitares canonnant en même temps ça fait mal.

 La basse et la batterie rappliquent, Yannick collé près du micro joue à la sentinelle, mains dans le dos, sans prendre la position garde-à-vous, après un instant son chant expressif , couché sur les nappes de guitares, se fait entendre.

Les Vikings,  venus du Cotentin, du Calvados ou des rives de la Seine , s'extasient et ce n'est que le début.

Prévu pour ' Jericho', ' Rearview mirror ' dessine les mêmes contours: des guitares brutes, une basse inébranlable, un drumming sec et un chant habité.

Un des guitaristes ( pas Goliath) et Cedric sont fans de  Skippy the Bush Kangaroo, ils  bondissent en mesure.

David abandonne sa gratte pour prendre place derrière l'orgue, et, oh surprise, c'est 'Dancing in the dark' du Boss qui  jaillit. 

Puis vient ' Tell me how bad I am' à retrouver sur l'album de 2022 avec Peter Hayes comme guest.

Un coup de vibrato par ci, par là, ce midtempo sent bon l'ouest américain et aussi  l'univers hanté  de Nick Cave.

'Sky is something new'  et son orgue larmoyant présente quelques tonalités Celtic Rock,  voire heroïc rock à la U2., tu penses encore aux magnifiques The Church , des Australiens hautement recommandables.

Comme les guitaristes ont pillé le magasin  Music Melody à Rouen, ils disposent d'une belle panoplie d'instruments, le temps d'aller se servir au râtelier et c'est ' With Every Bird' qui déboule, un midtempo  mélodique, qui sur l'album accueillait  encore le gars de chez Black Rebel Motorcycle Club.

C'est quoi le rock?

Des bagnoles et des filles!

Mise en pratique de l' axiome avec 'Vapoline', un titre qui voit Saint-Agathon battre des mains et exprimer son enthousiasme, tandis que Yannick chante en soupirant, histoire de  draguer la nana.

Prévu pour le  futur 'album, ' River of lies' a reçu l' appui d'  Alain Johannes ( Queens of the Stone Age, Them Crooked Vultures...) ,  ce  midtempo, âpre et  entêtant, voyant la mise en évidence de la basse,  navigue sans problèmes sur  le fleuve, il ne  risque pas de  sombrer même si des tonnes de mensonges alourdissent les soutes.

On passe à la louange caricaturale   de la Vierge avec le mystique  ' Mary, full of grace ', suivi par un 'Montevideo'   où il est question de booze, c'est vache, après la prière!

Leur dernier single ' Ave Satan' termine ce  set  vigoureux  par un  sérieux coup  de poing en pleine poire.


Lucien: "ils vont revenir, ils restent deux titres sur la playlist".

Lucien est devin, le tonique  et dramatique  'Afterlife'  et le hit des débuts 'Darkette' , en mode dark wave  nous mènent  jusqu'au terminus.


Bilan: Animal Triste aura fait preuve d'efficience, de savoir-faire et d'intensité, l'élément de surprise manquait peut-être à l'appel!