Festival Aérolithes avec Kapteyn Gaïa et Nadoz à Bonjour Minuit • musiques actuelles à Saint-Brieuc, le 30 janvier 2025
michel
La quatrième édition du Festival Aérolithes se déroule du 17 janvier au 9 février 2025 dans le pays de Saint-Brieuc.
Quatre structures artistiques bretonnes (Le Logelloù 3 Centre de création musicale, l’Ensemble Sillages, l’Ensemble Nautilis et la Cie des Musiques Têtues) ont décidé de promouvoir les musiques de création qui fleurissent en pays breton.
Le 30 janvier, Bonjour Minuit reçoit deux formations répondant aux critères du festival: Kapteyn Gaïa et Nadoz!
20:30', Nadoz, qui fait partie de l'écurie les Musiques Têtues, implantée à Rostrenen, ouvre les débats.
Pas besoin de retourner la botte de foin, Nadoz, qui signifie aiguille, ne s'est pas caché dans le champ, Christelle Séry, guitare, voix et Étienne Cabaret, clarinette basse et colifichets percussifs, se présentent face à un public relativement maigre ( il y aura plus de monde en fin de set) après une courte introduction d'une responsable du festival.
La première fait aussi partie d' Ortie Brûlante et du Moger Orchestra, l'homme à la clarinette s'ébat avec le Moger Orchestra, joue en duo avec Christophe Rocher ( qu'on verra plus tard) , il anime les fest-noz avec ARN ou Dièse 3.
Un silence inaugural sévère nous indique que le duo est concentré, Christelle égrène quelques notes éparses, une lugubre clarinette la rejoint, on sautille consciencieusement ' D'une roche à l'autre' .
Au bout d'un moment, Etienne abandonne l'instrument à vent pour secouer des grelots, puis, tout en soufflant de manière méthodique, il engouffre son chapelet dans une trompe, effets biscornus garantis.
Un bref moment apaisé est interrompu par une guitare grinçante, la composition prend un caractère obsédant , quelques dérapages free jazz l'emmènent à son terme.
Le voyage proposé s'adresse davantage à l'intellect qu'aux tripes.
'La rivière jaune' suit des méandres tortueux , il est question de musique improvisée, donc, les incongruités sont autorisées, par exemple utiliser des archets pour caresser des tiges métalliques ramassées sur un chantier de construction.
En amplifiant ces sonorités, on obtient un effet similaire au crissement de la craie sur le tableau noir.
Tandis que le garçon martyrise les barres, la fille récite un texte abstrait, faisant passer les écrits de Hegel pour un conte pour enfants.
Quand tu baptises une création ' Foggy notes' tu ne dois pas d'attendre à une composition lumineuse: bruitages divers, constellation de notes clairsemées, les adeptes de la musique concrète, fans de Pierre Schaeffer ou de la ' Music for Elevators' de Brian Eno sont à la fête, les mordus de disco, un peu moins!
'Faufilons', et son texte destiné aux couturières, est décoré d'envolées Steve Coleman à la clarinette basse, à tes côtés Frank Zappa, qui s'est échappé de l'Eden, te souffle: interesting!
Apparition d'en ebow sur ' La lumière' , une mélopée plus ténébreuse que radieuse.
Le morceau prend des teintes jazz fusion avant l'extinction des feux.
'Dindan Douar' ( = sous la terre) , a été inspiré par un trajet en métro.
La clarinette en mode tchouk tchouk et la guitare d'inspiration andalouse, se moquent pas mal des resquilleurs, le poinçonneur des lilas a quitté la rame à hauteur de la porte de Bagnolet.
A l'arrière, tu avises un carnet mentionnant 7 comme titre suivant, tu revoyais quelques scènes du film de David Fincher, tandis qu' Etienne a commencé à effleurer des ossements avec une baguette, avant de gratter une cymbale, et puis de secouer une minuscule clochette, Christelle, à la slide, fait couiner ses cordes, soudain la terre tremble!
De manière surprenante la composition chaotique vire gavotte jazzy pour fest noz improvisé.
Il en reste une, annonce la guitariste: ' La blanchisseuse' , une lavandière, qui décrasse petit linge, chemises et draps dans une eau claire sur fond rock.
Une performance étonnante demandant au public de laisser les oeillères au vestiaire.
Kapteyn Gaïa.
James Lovelock, tu connais?
Oui, c'est lui l'initiateur de l'hypothèse Gaïa.
Selon ce scientifique, Gaïa ( la terre) est capable de s'autoréguler, le sociologue/philosophe Bruno Latour , conscient d'une catastrophe écologique imminente, a affiné le travail du savant britannique et en Bretagne , quelques musiciens décident d'associer Gaïa à l'étoile de Kapteyn, supposée habitable , pour se produire et composer sous le label Kapteyn Gaïa.
Ils sont cinq: Christophe Rocher ( clarinettes , une clarinette basse et deux petites clarinettes, dont on ignore si elles sont en ut , en mi, en ré ou en la), Nicolas Pointard ( batterie), Ngnima Sarr, alias T.I.E. ,au chant, beatmaking, samples, Mike Ladd au chand, beatmaking, machines et, en principe, Frédéric B.Briet à la contrebasse.
Ce dernier, absent, est remplacé au pied levé par Etienne Callac à la basse électrique, un monsieur qui a des lettres ( Brigitte Fontaine, Moustaki, un projet avec Pip Pyle, et des tas de formations de jazz).
T.I.E. , d'origine sénégalaise, a fait partie de Black Octopus ou de Tie and the love Process, elle est non seulement rappeuse mais aussi artiste visuelle et poétesse et, vu sa dégaine à la Skye Edwards, tu la verrais bien se promener sur le catwalk.
Nicolas Pointard a intégré pas mal de formations jazz ( Moger, le Third Coast Ensemble, Faustine ( moins jazz) ou le Kami Octet, pour n'en citer que quelques uns).
Mike Ladd, from Boston, a sorti un vingtaine d'albums sous son nom et ses guest appearances sont considérables ( Coldcut, Dr John, Roberto Fonseca, Daedelus, etc...)
Enfin, le porte parole du projet, Christophe Rocher, est fondateur et directeur artistique de l'ensemble Nautilis, ses collaborations sont si nombreuses qu'il faudrait dix pages pour les citer. Un nom pour te faire plaisir: Steve Coleman.
Préface: aucune trace de setlist et pas de clips sur YouTube, on travaille à l'ancienne!
Une clarinette basse fluide amorce le set, puis la basse gronde, la batterie s'éveille, Ngnima entame un flow limpide , la composition prend des intonations groovy, mixant trip hop, hip hop , acid jazz, drum'n' bass, rap , un peu à la manière de Digable Planets, surtout quand le gars du Massachusetts entre dans la danse.et lâche ... dead already our grandchildren... il est vrai que l'avenir proposé aux enfants craint légèrement.
Une seconde pièce démarre sur des sonorités aquatiques, ' Paris Brest' déménage sec, avec des pointes free jazz mordantes, un jeu de batterie audacieux et une basse imposante, les rappeurs s'élancent, se répondent, s'invectivent,.. le verbe est haut et éloquent.
C'est d'un niveau élevé, semblable aux productions de Guru's Jazzmatazz.
Le numéro 3 est ébauché par des ronflements électro, avant l'entrée en piste des instruments traditionnels, les chanteurs, à tour de rôle, en spoken -word pour l'Américain, placent leurs tirades, sur fond sonore entêtant nous rappelant The Roots, De La Soul et autres grands interprètes de hip hop dérivé du jazz.
Après un démarrage en pointillé et quelques glou glou glou bruissants, la suivante jaillit, sur un tempo toujours aussi saccadé .
Petit à petit le ton monte, les chanteurs répètent ... get down, get down... d'un ton n'autorisant pas la contradiction, les vagues déferlent, Mike mime un combat de boxe sans punching ball, T.I.E. se meut avec élégance , basse et drums, en retrait, impriment un rythme bourré de vibes noires tandis que la clarinette folâtre impunément.
Christophe, sous l'insistance de Mike, présentent les protagonistes avant d'indiquer le signal de départ de la suivante, une mélopée, sur laquelle il a décidé de jouer de deux clarinettes en même temps, tandis que T.I.E murmure un texte en français .
Soudain ' Hooker' s'énerve et adopte un rythme TGV permettant à Etienne de se mettre en évidence, c'est inouï de voir un remplaçant s'impliquer dans l'ensemble avec autant d'aisance, Mike, en retrait, assure des backings pas putes.
Encore un morceau imparable, suivi par une pièce mariant sonorités orientales et electro avant d'entendre le flow hip hop du Ricain qui nous parle de nazi fuckers, de surgeons, tout en introduisant, dans son flow pour rire, quelques bribes du 'American Pie' de Don McLean, T.I.E; prend le relais pour chanter dans un vocable non reconnu , du wolof ou du sérère, puis la basse et la batterie entament une joute impressionnante, chacun poussant l'autre dans ses derniers retranchements jusqu'au final.
Voilà, il en reste une .. here we are, the last Martini with a razorblade... it's a little too beautiful tonight..
Ben oui, c'est génial quand Saint-Brieuc prend les couleurs de Harlem!
The night was ooh so special...
Oh, what a night, répondent, en écho, Frankie Valli avec ses Four Seasons