lundi 10 mars 2025

CEYLON au Chaland qui Passe à Binic, le 9 mars 2025

 CEYLON au Chaland qui Passe à Binic, le 9 mars 2025

michel

Si Ceylan, c'est pas rapide, Ceylon, c'est long, comme  la taille de leurs compositions.

Prends les Dead Kennedys, par exemple, en moins de trois minutes ils sont complètement bourrés et dans l'incapacité de baiser , ' New Rose' de The Damned ( paix à Brian James) fait 2'45, chez Ceylon , certaines compositions flirtent  allègrement avec le quart-d'heure ( français, américain ou anglais).

Cette brève préface pour t'annoncer qu'en une heure de set , le groupe n'a pas interprété dix titres!

 Ceylon, des Singhalais?

Ni Singhalais, ni gringalets, à l'origine du groupe, tu as  Louise Holt (enfant de la balle,  chanteuse et danseuse) et Tristan Chevalier ( guitariste, chanteur) .

C'est lors du Festival d'Avignon qu'ils font connaissance.

 Eh, mec, tu me suis à Toulouse?

O K, on forme, un groupe?

Pourquoi pas! 

Ils recrutent Lucas (guitare / oud), Pierre-Jean (basse) et Sacha (batterie), on est en 2017!

Il faut attendre 2019 pour voir un premier enregistrement, un EP cinq-titres, baptisé 'Ceylon', sur lequel déjà les morceaux sont plus longs que les 3'  radiophoniques réglementaires.

Il est question de psychédélisme, de transe,  d'influences orientales.

Petit rappel: sur scène  Fleetwood Mac, du temps de Peter Green, balançait une version de plus de 16 minutes de ' The Green Manalishi'.

Revenons au groupe du Sud-Ouest: d'autres disques voient le jour, ( deux albums et un EP) et la formation mue, en cette fin-d'après-midi, le bar le plus in de Binic accueille la femme serpent , Louise Holt ( chant, shakers, et  danses félines, salement   suggestives ) ,  Tristan Chevalier  ( guitare, chant) , Pierre-Jean Meric ( basse), toujours fidèle au poste ( il a également fait parte du groupe toulousain Temper), Christopher Tsen-Tao à la seconde guitare ( membre du backing band de Charlotte Adrien) et Sacha Cantié ( drums), toujours présent, il est aussi annoncé comme   membre du groupe Le Barda.

Le concert débute avec un léger retard, Arnaud le patron du zinc et ingénieur son , devant s'absenter pour quelques instants.

On patiente tout en devisant et en éclusant une Tuborg , quand, sans prévenir, un larsen infect vient agresser nos chastes oreilles, on fait quoi, doc?

Débranche, suggère France Gall!

Heureusement tout rentre dans l'ordre et le quintet  peut entamer son set normalement!

Tandis qu'une guitare fignole une broderie fine, que la basse ronfle comme une tondeuse  à gazon bien entretenue, Louise d'une voix canaille entame le texte byzantin '  On ne dit pas' ,  très vite la palette sonore s'enrichit pour associer poussées psychédéliques, lave prog   et  conjonctures tribales.

Bref, de quoi être désarçonné et ensorcelé dès l'entame. 

Des points de repères?

Pas évident, les amstellodamois de My Baby  peut-être , en pensant à leur chanteuse Cato Van Dijck.

'Maraiées mortes' date de leur premier EP.

Louise, d'une voix neutre, récite ' Marées mortes' , un énoncé théâtral que les copains enrobent d'un magma ( merci Chritian Vander) psychédélique  et jazzy  du meilleur effet.

Tristan écrase la pédale wah wah, la guitare aboie, Sacha jongle avec ses baguettes, Christopher, caché,  ajoute de fines pointes incisives et la basse de Pierre-Jean  scelle  le tout, tandis que la chanteuse  ( en mode Sandie Shaw, ....ai laissé mes pompes au vestiaire) divague au gré des vagues mortes, en poussant, de temps en temps, de petits cris ou en se transformant en poisson volant.

Déjà une seconde claque ( zappaienne)  magistrale! 

Un minime problème technique, câble déficient pour la basse, retarde la mise à feu de 'Il va falloir' , un downtempo mélodieux, qui n'empêche nullement Louise de reprendre ses exercices d'aerobics,, nettement plus nerveux que ceux de Jane Fonda.  

Cette longue plage, toute en arabesques et onomatopées, part en jam sinueuse, Tristan, concentré,  assure  des choeurs  mélancoliques  en égrenant des riffs précis.

C'est lui qui se charge des lead vocals sur  'Whatever' , un titre évoquant les New-Yorkais  de The Rapture  ou le Tom Tom Club de Tina Weymouth et Chris Frantz.

Sur disque, la plage affiche plus de sept minutes, sur scène on dépasse carrément les dix minutes,  tu t'enfonces dans un marais de  funk blanc , de percussions tribales, de tchik tchik tchik  à faire pâlir les gens de chez !!! , pourtant habitués aux mélanges post punk/funk.

' Pink City' a été composé en hommage à Toulouse.

Un savant mélange de rose, pas frigide, de rythmes urbains vibrants,  virant  soudain jungle, de secousses telluriques, de divagations à la  King Gizzard & the Lizard Wizard et  de voix, tantôt à l'unisson, tantôt se répondant.

On nous dit qu'un jour, Ceylon et   Altın Gün étaient à la même affiche, ce devait être dément!

Après une intro lyrico-ethnique, Louise attaque 'La montée des marches ' ( 9'20") , le titre le plus bluesy du répertoire.

Du blues, mais pas du Robert Johnson, on pense plutôt aux Doors et on ajoute leurs voisins Jefferson Airplane, pour le côté acide.

La slide de Tristan  lèche les cordes, Louise, en gymnaste à la fois vocale et physique,  attire tous les regards, et on ne peut passer sous silence le travail méticuleux de la basse et  de Sacha à la batterie, tandis qu' à l'arrière, en pointillé, Christopher distille des saillies subtiles.

Après  la  conférence  basse/batterie, tout le monde pensait que le morceau allait s'achever, mais non, il repart de plus belle comme une jam du Grateful Dead.

En fait , en fondu enchaîné, ils ont embrayé sur 'Le 5  ( 9'32") , une incantation obsédante et  aussi profonde que certains titres de Dead Chic.

La  jambe de Louise s'élève plus haut que la tête du guitariste, à la chevelure de Cochise ,  soudain elle bondit, telle une tigresse, car la voix de Tristan devient colérique, pour le calmer, elle minaude et nous, le public,  en transe , depuis plus de dix minutes,  on suit leur périple cosmique en écoutant le conseil de Tristan ...

Listen to that with your heartDon't forget who you areI call the rain!...
Quoique, en Bretagne, la pluie, on peut  s'en passer!
 
Merci, Binic, c'est la dernière, désolé,  pas trop  le temps d' échanger un mot avec vous, on nous attend à Paris, ce soir, voici ' Mon ami' à l'amorce slidée et au chant récité, qui aura refilé pas mal de frissons aux clients du Chaland.
 
On n'avait pas consommé de substances hallucinogènes, on n'était donc, ni stoned, ni complètement  beurrés, et pourtant pendant plus d'une heure on a eu l'impression de vivre ailleurs, dans un monde parallèle, obnubilés par la prestation charismatique de Louise et par le brio de ses compagnons.
 
Déjà un des concerts d'exception de 2025!

 

 

 

 



samedi 8 mars 2025

Album - Cher Rêve - Miss Tess

  Album - Cher Rêve  -  Miss Tess

Miss Tess Music

 classic country , honky-tonk, southern rhythm & blues, New Orleans jazz and swing, swamp pop and early rock n' roll!

michel 

Mes amis m'ont surnommée Miss Tess car my  real name ( Theresa Reitz)  “does not flow”!

Dans le Maryland, d'où je viens, pour m'aider à trouver le sommeil, maman et papa me chantaient de douces chansons folk/pop ( style Lesley Gore,  Peter, Paul & Mary, Lynn Anderson, The Cascades...) , j'ai pris des cours de piano, plus tard je me suis mis à gratter une guitare et à chanter , le blues et le jazz furent mes premières amours. 

Après un passage par Baltimore, Boston et Brooklyn, elle migre vers Nashville, où elle réside toujours.

Un premier album sous son nom ' When tomorrow comes' paraît en 2007, il contient deux originaux et une série de jazz classics.

Pendant  sa période Boston/ Brooklyn elle dirige son propre band,   Miss Tess and the Bon Ton Parade et grave les albums ' Modern Vintage' et  ' Darling, oh Darling', suivi par des   enregistrements live car c'est dans les clubs que le  dixieland,le swing, ou le zydeco  pratiqué par le groupe fait sensation. 

Après le mini album ' The waltz set'  contenant 5 valses de sa plume et une reprise magnifique de 'End of the world' de Skleeter Davis, elle reprogramme son répertoire et son groupe et se produit désormais sous l'étiquette Miss Tess & The Talkbacks. 

Deux  albums (  Sweet Talk et The love I have for you)  et un deux titres paraissent, le son varie du rockabilly  à la country style Patsy Cline, le groupe écume les bars et les festivals du Tennessee where they  regularly steal the show !

2016, un nouvel album  'Baby, we all know'   voit le jour, si les gars accompagnant Miss Tess sont toujours les Talkbacks, l'album est crédité Miss Tess alone.

La madame ne chôme pas, les enregistrements se succèdent, des covers sur 'Doucet' , un condensé de rhythm'n' blues sur 'The moon is an ashtray', un live (Parlor Sounds),  après l'épisode covid, vient le single 'Real Change' et enfin, frais pondu, voici 'Cher Rêve'.


Tracklist:

 1 Louisiana
3:55
2 Ride That Train
3:28
3 Nobody Wins
3:27
4 Lord, I Need Somebody Bad Tonight
4:07
5 La Lune C'est Un Cendrier
3:22
6 Learning Not to Care
4:22
7 Take It Easy
3:49
8 Tennessee Blues
3:59
9 La valse d'asteur
3:39

Credits:

 Miss Tess – vocals, acoustic and electric guitar 

 Blake Miller – accordion
Brittany Haas – fiddle on 5
Chas Justus – electric guitar on 7, acoustic guitar on 9
Chris Stafford – Wurlitzer
Kelli Jones – harmony vocals
Joel Savoy – fiddle on 1, 2, 9
Matt Combs – fiddle on 3, 8
Matty Meyer – drums, triangle 

Paul “Bird” Edwards – washboard
Tim McFatter – sax on 4
Thomas Bryan Eaton – electric, acoustic & nylon string guitars, pedal steel, piano, organ, synthesizer, tambourine, pants, harmony vocals
Trey Boudreaux – electric & upright bass 

Produced by Thomas Bryan Eaton

Cover art by Gina Leslie ( elle -même singer-songwriter)
Cover photo by Joseph Vidrine ( a freelance photographer, musician, cook, and cultural broker)
Une pochette où on voit Miss Tess prendre la pose sur une toile placée au  beau milieu d'un champ roussi par un soleil ardent. 
 
'Louisiana', un classic country tune,  a été composé  pendant la pandémie, la plage, inspirée par Lafayette, une des villes les plus Frenchy de Louisiane,  serpente paisiblement au rythme d'un violon engourdi, alors que le Wurtlitzer (Chris Stafford, décédé depuis)   bien soutenu par les guitares et les percussions expriment toute la mélancolie  que Miss Tess  ressent en ranimant d'anciennes visions de jours heureux, où elle et ses compagnons jouaient de la musique sous les pins.
Elle associe l ' Acadanie à un premier amour toujours vivant dans son coeur... nostalgie, quand tu nous tiens!
Le morceau entre dans ton top  three des  titres consacrés à la Louisiane avec 'Louisiana 1927 de Randy Newman et 'Oh Louisiana' de Chuck Berry.
 
Faut sauter dans le wagon  sans se faire  remarquer, comme quand Woody Guthrie parcourait l'Amérique à bord d'un freight train.
Miss Tess avait déjà gravé 'Ride that train'  en version acoustique sur l'album 'Baby, we all know'  , la version de 2025, en mode upbeat,  comprend un violon affolant,  une pedal steel nerveuse et un accordéon Tex Mex, aux fortes senteurs Flaco Jimenez.
Une fois  arrivé en gare, t'iras danser sur le plancher saupoudré de sciure de la grange voisine. 
 
Miss Tess n'est pas la première à reprendre la romance ' Nobody wins', composée par le regretté Kris Kristofferson, Brenda Lee, Lynn Anderson, Frank Sinatra  ou Rita Coolidge sont quelques noms à l'avoir précédée.
Avec moins de trémolos  que chez Brenda, pas de crooning comme chez Ol Blue Eyes non plus, le ' Nobody wins' de Miss Tess conserve le cachet country que tu peux entendre dans tous les honky tonk juke boxes,  qui refusent la synth pop, le rap, la French touch ou le hardcore metal dans leur catalogue. 
 
Une seconde romance, à faire pleurer les ménagères en bigoudis,  succède au morceau de Kris,' Lord, I Need Somebody Bad Tonight' , un classique qu'on doit à Ben Peters ( un monsieur ayant obtenu dix fois la première place dans les country charts, notamment avec l'imparable "Before the Next Teardrop Falls") .
Si tu ne craques pas pour le sax de Tim McFatter , tu dois être béotien.
Tu danses, a demandé, madame , t'as fait la sourde oreille, mais ce truc vaut tous les slows pondus par Garth Brooks, Shania Twain ou Buck Owens ( ton chat a pleuré à l'écoute de 'Only you can break my heart ').
 
Tu veux une berceuse in French,, un peu moins niaise que 'Au clair de la lune', elle te sert  'La lune c'est un cendrier', tu vas adorer son accent, lune devenant loun, tu vas raffoler des accords ciselés à la guitare sèche , le violon va t'enchanter, la voix et les choeurs vont réduire ton stress et amener les enfants à faire de beaux rêves .
Il reste à espérer qu'Elon Musk ne vienne pas tout polluer! 
 
Pour éviter de consulter un psy, écoute  “Learning Not To Care.”,  un midtempo country rock  allègre,  agrémenté d'un solo de guitare fabuleux ( son compagnon et producteur,  Thomas Bryan Eaton) .
 
OK, les Eagles ont connu leur premier tube avec ' Take it easy' de Jackson Browne, le titre composé par Tess, si tu peux le cataloguer de roots music, dégage d'intenses effluves cajun , l'accordéon de Blake Miller s'en donne à coeur joie, basse et batterie assurent un rythme effréné, la voix caracole éperdument et quand Blake se calme, c'est la guitare qui attaque sous la ceinture.
Comment veux-tu rester relax, baby?
Mission impossible! 

Bobby Charles est un autre figure légendaire de la Louisiane, on lui doit 'See you later alligator', mais aussi 'Tennessee Blues' , un baume pour les coeurs blessés,  sous forme de valse country,   portée par une pedal steel magique, qui fait tanguer l'embarcation,  et un violon aussi pudique qu'efficace.
Et Miss Tess,?
On lui souhaite de pouvoir oublier ce Tennessee blues qui la mine, mais qu'elle chante si bien!
 
Pour terminer la lecture de la plaque, Miss Tess nous propose ' La valse d'asteur', une plage cajun  évoquant  Kate & Anna McGarrigle ( on verse une larme à la mémoire de Kate) ou Zachary Richard, un gars qui n'aime pas travailler. 

Avec ' Cher Rêve', un album sonnant vintage, mais assurément pas ringard,  Miss Tess paye un tribu  respectueux à toutes les musiques de la  Louisiane.
 
 
 Un jour elle a déclaré:  I'd like to go to Europe and play sometime soon. ... 
 
Ben, Miss,  tu peux venir  en France ou en Belgique,  tu seras  la bienvenue!

 

 

jeudi 6 mars 2025

Eva Hélia lors de la journée de partage et de rencontres avec les habitants des quartiers de Guingamp , Stade du Roudourou, le 5 mars 2025

 Eva Hélia lors de la journée de partage et de rencontres avec les habitants des quartiers de Guingamp , Stade du Roudourou, le 5 mars 2025

 

michel 

Dès 14h, les habitants de Guingamp sont invités au stade d' En avant Guingamp pour échanger et réfléchir ensemble sur les projets de la ville, des ateliers et deux concerts sont proposés: Romy Lwiz  et Eva Hélia.

Tu peux te libérer pour le second,  t'abandonnes ton véhicule sur le parking visiteurs, il est 16 55, ouf, à temps pour le récital d'Eva.

Oui, mais, non, caca, prout, boudin, Eva vient d'entamer son homélie, tu entendras 'Timidité' d'une oreille distraite, en prenant place sur un siège au rang 2. 

Eva Hélia, originaire de Morlaix, compose, chante et se produit seule sur scène, en s'accompagnant aux claviers et machines (boîte à rythmes, séquenceur) .

A son actif: deux EP's, ' Echo' en 2019 et 'Douleur douceur' en 2024 ( album co-produit par le magicien Eric Cervera) . 

Sur scène, un éclairage rouge vif, les couleurs du club de foot, et une accorte jeune personne à la coiffure bouclée, vêtue  de noir pour donner raison à  Jeanne Mas. D'emblée la voix captivante, qu'elle module habilement, et la gestuelle expressive,  attirent l'attention,  pas étonnant, donc,  qu'Alfred de Vigny lui a consacré quelques vers galants.

Elle enchaîne sur ' Nuit blanche'  , une plage  électro pop  Frenchy but Chic, sur fond de nocturne à la John Field, version dépoussiérée.

'Visage' n'est pas dédié à Midge Ure, même si l'amorce symphonique et les percussions électroniques étouffées,  peuvent  évoquer un autre de ses groupes, Ultravox et l'incroyable 'Vienna',  il s'agit d'une lovesong  au texte poétique, des choeurs  aériens et un piano romantique  relaient  les beats typiquement EDM qui refont surface en fin de morceau.

Un chouette titre  précédant une reprise décalée de 'L'amour à la plage'.

Une bonne idée, cette belle journée annonce l'été et les effluves trip hop proposées par Eva ont le mérite de s'éloigner de l'original.

'On ne s'aime plus'  , oublie Salut les Copains et Patricia Carli, le registre est différent, le tempo plus  cadencé, mais le constat reste le même ... on ne se reverra plus... fin de l'histoire!

Twitter est mort pas le ' Hashtag' ... Facebook, Instagram, YouTube,Tik Tok, BlueSky, Mastodon... l'utilisent à outrance.

A son tour, Eva s'attaque à la vacuité des réseaux sociaux.... aux sourires en plastique, aux gens qui confondent like et bonheur...  les percussions font clic clic clic, le piano se traîne avant de partir en petite musique synthétique sautillante. 

On quitte Guingamp pour Paris, on descend dans le métro, la ' Ligne 10' .

Sur tapis scratchy,  tu respires les odeurs asphyxiantes du bitume, tu croises des zombies livides , fonçant vers un nowhere land abject.

Ce sont Ionesco et  Samuel Beckett qui se profilent...  ta vie, c'est le théâtre de l'absurde, c'est la notion de Verfremdung chère à Bertolt Brecht , c'est du Roland Dubillard, puissance 10

La Morlaisienne accompagne son propos ironique  par une gestuelle de diva, qui  accentue  le côté théâtral du rendu.

Elle peut aussi chanter en anglais comme dans la confession  ' That's why' , suivie par une seconde reprise , l'émouvant  'Louis' de Barbara Pravi.

Eva nous livre une version bouleversante.

Mélodie glacée et voix implorante, le symphonique 'Je t'ai vu'  interpelle avec son  choeur  lyrique pré-enregistré et son enrobé  mélancolique.

'Douleur douceur' , une dichotomie qui  donne son titre à l'EP le plus récent, entre force et fragilité, la voix d'Eva ouvre les battants  de son âme , et quand  soudain sonne le glas, le piano et le synthé se sauvent ventre à terre.

Un second titre en anglais, 'If you try' , sous forme de flamenco electro prône le lâcher prise.

Une anecdote: aujourd'hui je joue au stade de Guingamp, étudiante, c'est près du stade de Rennes que je passais mes nuits.

'Reine Rennes' retrace  les frasques d'une vie estudiantine débridée, ses fantasmes, ses excès, ses errances.

En se souvenant de ces années pas si éloignées, Eva esquisse un pas de danse  glamour.

... je veux que tu terrorises toutes mes nuits... chante-t-elle sur le titre virevoltant  ' Intempérie'   avant de ralentir le tempo sur ' Et si l'aube'  qui la  voit transformée en catwoman intrigante.

 ' Narcisse'  t'invite à danser avec l'écho et ton égo et enfin, on arrive au dernier titre du récital, ' Nuit noire' , une valse électro avec effets de voix ténébreux.


Elle termine ce nocturne, évoquant Barbara,  allongée à même le sol  en attendant les applaudissements d'un public conquis. 


Eva Helia sera en concert à La Carène ( Brest) le 2 avril!

 

 

 

 

 

lundi 3 mars 2025

Tregor Blues Band au Bar des Sports de Pléhédel, le 1 mars 2025

 Tregor Blues Band au Bar des Sports de Pléhédel, le 1 mars 2025

 

michel

Une annonce:  Samedi 1er mars, rendez-vous au Bar des Sports pour  vibrer au rythme du groupe, Tregor Blues Band et laissez-vous emporter par la soirée cocktail.

 

Les ainés se pointent pour le concert, la jeunesse pour la picole!

Dès 18h était affiché à l'entrée, tu te pointes vers 18:40, un bon plan, tu déniches un tabouret au comptoir juste en face de la scène ( tu comprends le mur au fond du zinc).

T'as même pas eu le temps d'écluser une première mousse que le blues band  du Trégor entame l'angélus.

Pour ta troisième expérience avec le TBB, après  la Fête du Port à Lézardrieux en 2018 et l'avant programme de Steve Guyger à La Grande Ourse en 2019, tu notes un changement de casting.

Pas de Dorothée Pinsard ( présente au comptoir), pas de  Marc Ennaji, mais d'autres artificiers ce soir: Philippe Paleczny ( un gars du Tennessee aimant Johnny) à la basse et Olivier Personnic à la Gibson et autre instrument comptant six cordes.

Sont toujours dans le coup:   Little Houd ( Johan Houdard), qui dort depuis trente ans avec la même casquette, ce qui lui permet de ne pas être reconnu par la police de Mons, le fief d'un ex-premier ministre du plat pays, il chante toujours de son timbre éraillé,  collectionne les harmonicas, on en a dénombré plus de cinq et, de temps en temps,  il  fait   glisser un bottleneck sur une guitare.  Le chef, le brave Lionel André, se décarcasse toujours derrière les fûts. 

Pas mal de leurs copains, qui comme eux se produisent sur les scènes des Côtes-d'Armor,  sont venus les encourager et accessoirement goûter aux cocktails imaginés par le patron du zinc: des Naposteurs voisins ( Aude et Colin Le Moigne, Napo, Pascal Méance) +  Dorothée, déjà citée, et Manu Rivière.

Coup d'envoi à 18:55,  Lionel en mode jazzy donne le signal,  O P place quelques accords pas ringards, les doigts de P P viennent chatouiller la basse, Little Houd s'y met à son tour, ' I got something' est désormais sur les rails.

Après une première digression fluide d'Olivier, le petit  Wallon sort un harmonica de sa manche, et comme il n'est pas manchot, un  jus sirupeux  dégouline  sans retenue. 

Après ce titre, en mode laidback, vient le funky ' If you love me like you say' , un morceau de Little Johnny Taylor ( 1964), repris par quelques géants dont Albert Collins, Tab Benoit, Guy King ou Deborah Coleman.

Colin, tiens je te refile mes baguettes, c'est un shuffle de Sonny Boy Williamson, ' Help me'!

Le temps d'ajuster tabouret et cymbales,  car Colin, s' il   mesure un peu moins que Victor Wembanyama, ne fait pas partie des sept nains.

Une version très propre, illustrée par un solo  de guitare délié et des lignes d'harmonica saccadées.

Lionel récupère ses bâtons, le quartet s'attaque au ' Killing floor' de Howlin Wolf, pas le  loup   aperçu à Hénon,  non, il s'agit de Chester Burnett , un gars du Mississippi  dont la pointure indiquait 53 fillette.

Depuis 20', t'essayes de capturer le visage de Johan sur  ta caméra  de marque  brol ( merci, Angèle) , mission impossible,  la casquette lui donne un  look de rabatteur,  ne tenant pas être filmé par les caméras de surveillance.

Ce n'est pas le cas aujourd'hui, (un miracle), mais  le slow blues ' The sky is crying'  à ne pas confondre avec le faux cuir est en mauvais état ( un humoriste né, Robin Houd) ,   a arraché quelques larmes à  la brave Madame Ducarme,  assise derrière toi.

Chapeau bas pour Olivier, un gars qui réfute le cinéma mais dont le doigté et le feeling sont hors du commun. 

On dédie la suivante à tous ceux qui travaillent, à Jimmy Reed ,  au Colonel Parker,  mais pas aux patrons sans scrupules:' Big Boss Man' !

 You talk too much, honey, t'as beau enfiler tes chaussettes noires,  boucle la, tu me rends fou:

Voilà le propos de ' Honey hush' , un West Coast Blues , peu apprécié par les féministes.

Si t'as jamais entendu ' Got my mojo working' interprété au kazoo , tu ne connais rien au blues made in Trégor.

Donc, pas besoin d'aller à Lourdes pour assister à un miracle, va voir le TBB, d'ailleurs grâce à la Vierge, Little Houd a réussi à se redresser  pour entamer un pas de danse...  lève -toi et danse, qu'elle a dit!

'Milk cow blues' n'est ni une pub pour Milka, ni la plainte d'un agriculteur à la fin du salon de Paris, il s'agit d'un blues bovin qui a vu Houd , non pas traire Marguerite, mais frotter les cordes d'une guitare à la slide, du coup le lait a tourné!

 

Pause lactel,  avant le set 2!

Johan à la guitare open G  comme Son House, Olivier à la guitare close z comme celle de ta petite soeur, voici ' I can't be satisfied'  une composition de Muddy Waters pour laquelle Lionel  a sorti les balais ( pas roses).

Eh, Houd, refile moi ta gratte,   supplie Mr Personnic,!

Pas l'abîmer, j'ai encore 6 traites à payer.

Vais la traiter comme la femme du voisin, t'inquiète!

On avait déjà eu les vaches, on passe dans la basse-cour pour ' Little red rooster' ,  un petit coq paresseux!

Un rhythm'n'blues, ça vous dit, les copains?

Tout le monde connaît la version de Wilson Pickett de ' Mustang Sally' , il était soutenu par les merveilleuses Sweet Inspirations.

Panique pas, Houd, on peut faire mieux que ces nanas, Aude et Dorothée, en choristes de luxe,  ont ajouté une touche   sexy  au refrain ' Ride, Sally ride'  repris par tous ceux qui n'étaient pas encore entièrement beurrés.

En vue du terme  Philippe Paleczny a placé un solo de basse pas mesquin.

And now ladies and gentlemen, une rumba au programme!

Congolaise, cubaine, tchèque?

Non, chic, ' Who's been talking?' , une triste histoire  d'un mec dont la nana s'est tirée avec le premier train.

On enchaîne sur B B King, ' The thrill is gone'.

 Je t'aimais, je t'aime, je t'aimerai, ça c'est du Cabrel, B B lui  est soulagé, car enfin, I'm free from  your spell!

Colin, à toi, je vais vider une bière,.

Le soul blues  'I'll play the blues for you'   demeure un titre imparable.

Avant la version unplugged  d'Eric Clapton, Bo Diddley avait déjà placé  le twelve-bar blues  ' Before you accuse me'   dans les blues charts .

Un intermède technico ubuesque précède  la dernière  secousse de la soirée.

Braves gens, à l'issue de  ' Blues before sunrise' (Elmore James à  la slide, c'était pas n'importe quoi! ), vous pouvez rentrer chez vous et regarder Ze Voice sur le petit écran.


 

Mission remplie, le Tregor Blues Band, fidèle à sa réputation, a livré une prestation juteuse,    appréciée aussi bien par les vétérans encore fringants,  que par  une jeunesse  qui n'a jamais entendu parler de Litttle Walter, T-Bone Walker, Bobby Bland , R L Burnside, Hound Dog Taylor et qui imagine que Johnny Winter est le papa d'Ophélie ou que le blues a été inventé par Florent Pagny.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

dimanche 2 mars 2025

Françoiz Breut au Centre Culturel de La Ville Robert, Pordic, le 28 février 2025

 Françoiz Breut au Centre Culturel de La Ville Robert, Pordic, le 28 février 2025

 

michel

Depuis le premier février  Françoiz Breut  est sur la route pour interpréter ses concerts intitulés  "de l’asphalte au vert organique" , basés, e a,  sur son dernier recueil, baptisé ' Vif'.

Pour terminer ce second mois du calendrier grégorien, la dame de Normandie, Bruxelloise depuis des lustres, s'arrête à La Ville Robert, le magnifique complexe culturel de Pordic.

Si le fascicule annonçait:  

Chant Francoiz Breut
Claviers Marc Mélia
Guitare, basse François Schultz
Batterie Roméo Poirier

c'est finalement, un trio qui, après une brève allocution de  Marie Casagranda,  se présente face à un public discipliné.

Pour ton  quatrième rendez-vous avec l'artiste pluridisciplinaire ( chanson, arts graphiques tendance Dada,  vidéos, photographie, théâtre) , les trois premiers à Bruxelles en 2012/2013 ( deux Botanique et une Maison des Musiques ), tu revois avec plaisir  deux musiciens fabuleux  que tu avais croisés,  l'un avec Lonely Drifter Karen (  Marc Melià Sobrevias.), l'autre avec Hoquets ( François Schultz).

Marc a bien sûr emmené son fameux  Prophet-5 et un autre clavier, et, si on annonce des guitares et une basse ( pas vue) pour François, il dispose également d'un mini drum kit, muni d'un pad et d'éléments acoustiques, Françoiz, chante, non seulement divinement, mais elle se meut  gracieusement, telle une danseuse Apsara , échappée d'un temple khmer, et, de temps en temps, vient aider François en tambourinant le drumpad, quand elle n'agite pas un shaker, du type maracas.

Un orgue solennel sur lequel se greffe de discrètes percussions  amorce 'Hors sol' , au texte sécrétant des relents de mousse, de lichen, de limon et d'autres éléments organiques tentant désespérément de percer la couche de bitume recouvrant la chaussée, la voix, sensuelle,  ensorcelle à la manière des titres les plus terriens de Jean-Louis Murat.

En cinq minutes, Françoiz Breut et ses musiciens ont réussi à nous faire quitter notre monde matérialiste pour nous inviter dans un univers  moins conditionné.

Après cette première plage obsédante, vient  ' La nuit repose' ( un extrait de 'Vingt à trente mille jours', un album  de 2000), un morceau    à l'entame du vent dans les branches de sassafras. D'un phrasé distingué, évoquant Jeanne Moreau, Françoiz Breut chuchote  son texte  sur un fond sonore proche des compositions de Calexico.

En 2015, sortait l'album ' Zoo'  sur lequel on retrouve ' La Conquête'  , une sorte d'  éloge à la lenteur,  bourré d'effets sidérants sur drumming tendu, tandis que d'une voix caressante la chanteuse nous promène dans le jardin d'Eden.

Enfile ton casque de spéléologue, on s'enfonce dans les entrailles de  la terre pour une ' Ode aux vers', vers qui grouillent juste sous nos pieds et dansent sur fond de piano, comme   des worms qu'auraient pu diriger l'équipe de Walt Disney.

Le titre se fond dans ' Juste de passage'  évoquant la marche dramatique des migrants, pourchassés par les forces de l'ordre .

Bruits de claquettes et synthé fuyant  s'entendent avant le martèlement des pas désabusés sur la route, menant nulle part.

 Un titre profond,  chanté d'un timbre aérien.

C'est par des sons flottants et des   coups méthodiques sur les cymbales que s 'ébauche ' Ma Colère', un titre des débuts qui a conservé toute sa force de persuasion .

L'orgue aux effluves Farfisa interpelle,  tandis que telle une ballerine/marionnette  évasive, la chanteuse  se déplace  sinueusement entre ses deux musiciens.

On passe à l'heure du slow moite ( dixit Françoiz), ' Mes péchés s'accumulent',  avec ses images gainsbouriennes , son orgue  Matthew Fisher et sa guitare americana  ciselée , a effectivement tout  pour t'inviter à tournoyer sous la boule  à facettes.

 

Marc est mis à contribution pour assurer les choeurs sur 'Ectoplasme' ,  une plage dominée par un son de basse bien rond.

Pourquoi, ' Ectoplasme', Françoiz?

J'aimais ce mot, il m'a poussée à lire 'La poupée de Kokoshka' de Hélène Frédérick.

Sans toi...  je suis comme Kokoshka sans Alma Malher!

On ignore, s' il est question de cloportes sur le titre 'Métamorphose' , Kafka n'est plus là pour apporter une réponse.

 Le jeu répétitif et la voix enfantine par contre sont là pour nous transformer en feux follets. 

' Crever l'asphalte' offre un petit côté indus  martial, truffé de gimmicks élastiques, alors que la chanteuse s'essaye à un flow Chagrin d'Amour.

' Dérive urbaine dans la ville cannibale' démarre sur des scratches frémissants, le synthé vibre et Françoiz s'essaye à une gymnastique verbale flexible...   le flux flou de la foule... .

Un manège pour neurasthéniques!  

Sur le plus ancien ' La Certitude' , ce sont à nouveau des arômes Joey Burns/ John Convertino qui se répandent dans la salle.

Le morceau précède le hit indie ' Si tu disais', une valse  qui n'a pas pris une ride. 

Après avoir présenté ses compagnons, elle annonce le dernier titre ' Zoo' , un maelström  mariant poésie aux métaphores aventureuses et ondes musicales allant du trip hop  au tribal. 

Exit la chanteuse, François et Marc achèvent la visite du parc zoologique  avant de prendre le chemin des coulisses à leur tour.

Une ovation méritée précède le retour du trio pour un double bis.

Elle sourit, minaude, j'ai écrit une bossa cucul en 2005, ' La vie devant soi'.

Elle est entamée par la guitare  João Gilberto de François, qui se permet  un dialogue Serge/ Jane avec la séduisante Françoiz.

Le symphonique ' Derrière le grand filtre' , fusionnant ingénieusement  l'hispanisme d'un Joaquín Rodrigo et un tempo plus électrique,  termine un concert  enivrant.

 

 

 

 

mardi 25 février 2025

AGHOGHO - EP ’17’

 AGHOGHO  - EP  ’17’

michel

 

self-released

afropop  

Caro Abutoh vit à Mortsel , dans la périphérie anversoise, papa est nigérien, la carte d'identité de la maman mentionne, belge.

Papa est musicien, il aime Fela Kuti et danser sur l'Afrobeat, à la maison tout le monde chante.

Caro entre au Conservatoire d'Anvers, travaille sa  voix   et  se cherche un son propre.

2024, avec  son tout nouveau band,  elle est conviée  en résidence à la Bosacademie  à Anvers, elle enregistre un premier single, puis un second pour finalement, début 2025,  graver un EP comprenant 5 titres.

Il lui fallait un nom de scène, ce sera Aghogho, qui signifie ' enfant de Dieu'.

Si pendant ses études, Caro a appris à jour du piano, sa préférence va vers la basse, elle  se débrouille aux  drums.

Son groupe -   Simon Pas: drums ( un batteur de jazz ayant monté son propre quintet) , Michiel Los: guitar ( également actif dans le milieu jazz) , Côme Lenseigne:  keys ( s'ébat dans l'ambient music)  et  Julia Warmerdam: trumpet.

Milan Pauwels est aussi mentionné aux drums

Caro plays  bass and sings.

EP 17:  tracklisting

17

She's everywhere

You

I love myself more

Hod me.

L' artwork  est  signé Luna Cortes Osorio,  sur fond noir,  Caro, un  rouge agressif  colorant les   lèvres,   les  yeux  habilement  maquillés, arbore une chevelure afro et te regarde bien en face , en arborant un sourire énigmatique, l'air de dire... listen to my songs!  

A dix - sept , tu n'es plus une enfant, mais tu te cherches encore, sur le titre   '17' Aghogho  note... ..

I remember the world when I was seventeen
Just like a daydream
I didn't care about nothing
I just lived, laughed, loved..
 
Mais quand tu t'éveilles...  My life is not a fairytale... mais bon, un peu de patience, je trouverai ma place dans ce monde!
La voix est fraîche et claire, le décor musical rythmé et groovy.
La basse maniée par Caro donne la mesure dès le  départ, le drumming en cascades, les touches de guitare mousseuses,  en mode jacuzzi , les piques de  claviers  et les backings suaves, tout contribue à donner une impression de joie de vivre et à nous  inviter à tenter  un pas de danse.
On comprend quand Caro  cite Lianne La Havas   comme influence majeure, d'autres artistes telles qu' Arlo Parks ou Laura Mvula  s'ébattent dans les mêmes eaux  soul/pop.
 
La trompette de Julia fait son apparition sur ' 'She's everywhere', un downtempo jazzy  sur lequel   guitare et drums  jouent en mellow tone , tandis qu'une basse  mélodique accompagne le chant évanescent  et soyeux de Caro.
 
Après cet  afro beat  harmonieux, orné d'un choeur bulles de savon, vient  'You',  porté  à 85¨% par la basse de l'artiste.
 Une nouvelle fois, les harmonies polyphoniques sont prépondérantes et renvoient aussi bien vers Esinam ou d'autres musiques métissées nées en Belgique, celles de Zap Mama ou de Khadja Nin, par exemple.
Après une entrée en matière minimaliste, la plage prend une autre dimension avec l'entrée en piste des percussions et de quelques gimmicks  caoutchouteux.
Tu dis, Stijn?
Mooi nummer!
Inderdaad, man!
 
Retour de la trompette sur le rythmé  ' I love myself more' , Julia doit apprécier le son de Freddie Hubbard sur le fameux ' Watermelon Man' de Herbie Hancock, car son instrument  marié aux percussions et à la basse  groove méchamment.
Caro greffe sa voix sur le tempo saccadé de la composition, passant  sans problème du mode soul aux intonations hip hop.
Et que raconte-telle?
Ben, t'as lu le titre, elle ajoute..I′m feeling so strong, I′m a star in a movie scene, mais si tu prends ma main, on  peut briller ensemble!  

'Hold me' débute par des accords de  guitare  perlés, très discrètement une baguette vient effleurer une cymbale, puis elle  tambourine plus fermement caisses et toms avant d'entendre la voix murmurer .. I see the pain in your eyes... qui annonce l'arrivée d'une trompette réservée, puis c'est la basse qui accentue le rythme.
 Tout devient fluide jusqu'au break, où après un soliloque du guitariste,   un  chant  plaintif se fait entendre   sur drumming  tendu, au bout du terme, la lamentation meurt par un dernier soupir de la trompette.
 
Cinq titres, rien à jeter, Aghogho n'est ni un canular, ni un pigeon,  tu peux miser sur elle...  en 2025,  elle risque  de  rapporter plus qu'un dépôt sur ton  livret d'épargne!
 


 

 

samedi 22 février 2025

Filage de sortie de résidence : Uzi Freyja à Bonjour Minuit - Saint-Brieuc, le 21 février 2025

 Filage de sortie de résidence : Uzi Freyja à Bonjour Minuit - Saint-Brieuc, le 21 février 2025

michel

Pour peaufiner ses prochains show,  Uzi Freyja était en  résidence à  Bonjour Minuit.

Quelques privilégiés ont pu assister au filage de sortie,   prévu le vendredi 21 février à 16h.

Uzi a vu grand, pas un mini-showcase de quelques titres, mais un vrai try- out de plus d'une heure qui a laissé la cinquantaine d'invités baba.  Cette fille, c'est de la dynamite! 

Kelly Rose, en provenance du Cameroun,  arrive en France  à l'âge de 12 ans, si  l'univers musical de papa et maman  était le gospel et la soul, l'adolescente s'intéresse davantage au hip hop et au rap.

Elle s'essaie au freestyle, participe à un open mic à Nantes, fraternise avec  Stuntman5, le duo débauche Tanguy, alias FontonDanger et crée le trio Uzi Freyja.

Uzi pour l'arme à feu, Freyja pour la déesse de l'amour et de la fertilité.

Le trio grave deux EP's ( Stand et Lunacy) mixant gangsta rap, furie punk et sonorités électroniques.

Le mois dernier paraissait un premier full album, 'Bhelize Don't Cry' ( Bhelize était son prénom d'enfance) , Kelly Rose devenue Uzi Freyja est désormais seule aux commandes.

16:02, la salle est plongée dans l'obscurité, une bande brumeuse se fait entendre, des leds aveuglants agressent nos pupilles, deux ( formidables)  musiciennes émergent: à gauche, Amélie Le Roux  ( Ottis Coeur, Pierre de Maere, Noé Preszow, Adé, Jeanne Added...) aux percussions ( électroniques + caisses, fûts et cymbales), à droite, Chiera Piemonte aux machines,  baguettes et backing vocals,  elle est DJ et officie au sein du duo Doppelhandel.

Surgissant  de la nuit, la chanteuse se dévoile au centre de la scène.

Une apparition flashy  étonnante: des cheveux  d'un blond peroxydé, un bustier bariolé et une jupette froufrou.   Sur un flow casse-gueule  elle entame ' I don't love me' , une première salve abrasive, justifiant déjà le choix de l'arme reprise dans son nom,  ce sont des rafales  verbales qui sifflent à nos oreilles alors qu'elle se confesse ... mirror, mirror is my first enemy, I don't love me...  ce n'est pas elle qui jettera un sort à Blanche- Neige, devenue la plus belle fille du royaume.

De gros beats amorcent la suivante, ' Black',  un titre issu de l'EP 'Lunacy'. Sur les sonorités indus de la batterie électronique et des synthés, Kelly envoie ses punchlines  acérées évoquant un certain James Brown ( Say it loud, I'm black and proud), tout en osant un pas de danse à la fois robotique et érotique ( tout est possible).

Quand elle ne chante pas d'un timbre agressif, la voix d'Uzi se fait douce, approchez-vous , les enfants;

Elle lance ' Sale MMH' , un titre revendicatif  et explosif , suivi par le tribal 'Don't disturb me' , au texte bilingue, sur lequel tu peux coller explicit lyrics ... Je n’ai pas besoin d’une invitation  pour venir foutre le bordel dans ton cœur et ton pantalon... 

De la provoc?

Maybe , mais les filles en 2025 ne se laissent plus marcher sur les pieds! 

Un premier downtempo émerge, ' Talk sick' , ne va pas croire à une histoire d'amour toute rose, le sexe n'est pas rose, et si en entendant...I'm so toxic', tu penses à Britney Spears, elle t'a devancé, ...let me into my Britney.

Passons au moment culinaire, au chant polyglotte,  du set, ' Gyoza'  a tout  du  titre lascif, un brin exotique. Elle le  ponctue de halètements libidineux, avant de s'allonger langoureusement sur le plancher et d'ajouter un  ...  I just wanna fuck you  ... qui  n'est pas repris sur le disque.

Et dire que certains estiment que la diva queer  Peaches était la reine  de la provocation, Uzi Freyja est sur le point de la détrôner!

Monsieur l'arbitre, je lève le bras, je demande un temps mort, je sue comme un bovin de Charolles, nourri au fourrage 100% français, faut que je me désaltère, chers enfants, vous pouvez tailler une bavette ( charolaise), je reviens dans 45 secondes.

Voici,  'Pick a side'  , au moment de sortir ce titre féministe, elle écrivait sur facebook:

"Y en a marre des hommes qui se prennent pour Superman alors qu'ils se comportent comme des chiens errants ! Marre des hommes toxiques qui sont hyper sympas et sociables, et qui, une fois à la maison, te traitent comme leur esclave. Positionnez-vous, choisissez d'être du beau côté de l'histoire. Épargnez-nous des dépenses en glaces Haagen Dazs car le prix a bien augmenté, pardon mon cher !!!
Marrant comme quand tu commences à bomber le torse et utiliser le même ton qu'eux, ils se vexent et ils sont complètement perdus... Avec ce morceau, je voulais rendre un bel hommage à tous les virils que j'ai croisés, incapables d'assumer leurs mensonges et leurs fausses promesses. No drama, PICK A SIDE et viens secouer le Bunda en club avec moi !"
 
Le fond  musical est aussi  virulent que le propos oral, elle flingue et dézingue tous les machos.
 
'Love is unfair' est introduit par une voix de gamine  pré-enregistrée,  cette plage montre une autre facette de Uzi, elle peut donc se montrer tendre,  désarmée et désarmante, car la petite fille , c'est elle , quand elle était  tabassée par le nouveau compagnon de sa mère.
Chiara décore ce  morceau  poignant de jolies vocalises.
 
Retour au flow rap et aux rythmes agités avec 'Oulala' , le dancetrack sexy du show. Tandis qu'elle s'éclipse,  Chiara et Amélie nous balancent des sons à rendre malade tous les  branchés  rave parties,  pourtant habitués à danser jusqu'à l'aube sur de la  hardcore techno, de la house addictive, ou sur des rafales de  trap . 
 
Des hurlements stridents annoncent le retour de la bête qui attaque le démentiel et quelque peu effrayant  '  Burn the witch burner' .
Une tornade destructrice vient de toucher Saint-Brieuc!
 
Elle redevient enfant malheureuse  sur  'Mummy and Daddy Issues' , un remède cathartique,  car il paraît que les chansons tristes peuvent nous guérir des émotions maussades ( une affirmation que l'on doit à Aristote, qui n'avait pas l'habitude de radoter). 
 
Citation: Nous vivons sur un caillou flottant, dit-elle avant de proposer ' Anger',  un afro techno obsédant et irascible. 
Depuis le début du set, Uzi fait preuve d'un humour décapant, elle se fiche gentiment de nous,  nous trouve fades et apathiques, elle a donc décidé de nous secouer davantage avec le rap  furieux  'Fous-moi le camp'. 
 
Il y avait les Spice Girls,  elles ne font pas le poids face à la 'Spicy Mami' chantée par Kelly Rose qui achève ce set  impétueux par  'Pussy'  une dernière irrévérence scabreuse, sur flow rugueux.
En reprenant la célèbre devise de Miley Cyrus, " My pussy, my choice" , elle rejoint d'autres militantes féministes comme les Pussy Riot ,  Megan Thee Stallion ou Lil'Kim. 

Saint-Brieuc, je ne peux pas vous quitter sans rappel et comme il n'y a que des blancs dans la salle, je termine par un morceau pour les blacks, 'Medusa'.
Méduse, la première féministe,  la femme transformée en monstre par la faute de Poséidon,  ... they made me bad, now they regret it... chante Uzi, la panthère,  que plus personne ne pourra enfermer dans une cage!
 
Fin d'un  show dévastateur qui a mis le public à genoux.
 
La ( real) release party  aura lieu à La Maroquinerie ce 26 février!
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 


jeudi 20 février 2025

Album - Gillian Welch & David Rawlings - Woodland

 Album - Gillian Welch & David Rawlings - Woodland

michel 

Acony Records

Americana.

Si officiellement, le couple  Gillian Welch / David Rawlings  n'a jamais pris rendez-vous avec  le maire pour passer un anneau au doigt, cela fait plus de trente ans qu'ils font de la musique ensemble, après avoir été assis sur le même banc au Berklee College of Music.

Gillian, née à Manhattan d'une fille étudiante et d'un gars de passage dans le coin,  a été adoptée par un couple d'artistes qui l'emmène vivre à L A, très vite,  la musique ( country et folk)  l'attire.

Après des études de photographie, c'est  à la Berklee School of Music de Boston qu'elle poursuit son apprentissage musical.

Cupidon passait par là, flèche en plein coeur,  coup de foudre,  David Rawlings entre en piste. 

Ce dernier, guitariste, chanteur et producteur, s'entend sur tous les albums de sa compagne et si les deux  premiers ' Revival' de 1996 ( Grammy Award for Best Contemporary Folk Album) et 'Hell among the Yearlings'  ont été  produits par T-Bone Burnett, qui joue de l'optigan ( un orgue vintage) sur plusieurs titres, depuis ' Time' de 2001, David est derrière les manettes, les plaques sont d'ailleurs publiées sur leur propre label: Acony Records. 

La discographie de Gillian, désormais, se chiffre à 7  albums " officiels'' ,  les deux derniers ( All the good times ( are past and gone et ) Woodland   sont crédités Gillian Welch & David Rawlings.

A cela il faut ajouter un live et quatre bootlegs  comprenant 'Lost Songs'. 

David  Rawlings a gravé deux CD's  sous l'étiquette Dave Rawlings Machine, et un autre sous son nom.

On l'entend aussi sur des enregistrements de Ryan Adams,  Bright Eyes, Ani DiFranco, Sara Watkins,  Old Crow Medicine Show ou Robyn Hitchcock.

 

 Woodland  doit son nom au Woodland Sound Studios,  East Nashville ( célèbre pour des albums de Neil Young ou du Nitty Gritty Dirt Band), que le couple a acquis en 2002.

Des studios qui ont bien failli disparaître après la tornade de 2020  ayant  frappé Nashville. 

Track Listing:
1. Empty Trainload Of Sky
2. What We Had
3. Lawman
4. The Bells And The Birds
5. North Country
6. Hashtag
7. The Day The Mississippi Died
8. Turf The Gambler
9. Here Stands A Woman
10. Howdy Howdy

Credits;

 Gillian Welch – vocals (all tracks), guitar (tracks 1–9), bass (2), banjo (10)

 David Rawlings – vocals, guitar, production, mastering, mixing (all tracks); organ (track 1), string arrangement (2, 6), engineering (3, 4, 6, 8–10), guitjo (3), harmonica (8)

 Additional musicians

Russ Pahl – pedal steel (tracks 1, 2, 5, 6)
Chris Powell – drums (tracks 1, 2, 5, 7)
Brian Allen – bass (tracks 1, 5)
Kristin Wilkinson – section leader, viola (tracks 2, 6)
David Davidson – violin (tracks 2, 6)
Jung-Min Shin – violin (tracks 2, 6)
Mary Van Osdale – violin (tracks 2, 6)
Jenny Bifano – violin (tracks 2, 6)
David Angell – violin (tracks 2, 6)
Wei Tsun Chang – violin (tracks 2, 6)
Janet Darnell – violin (tracks 2, 6)
Annaliese Kowert – violin (tracks 2, 6)
Chris Farrell – viola (tracks 2, 6)
Monisa Angell – viola (tracks 2, 6)
Seanad Chang – viola (tracks 2, 6)
Kevin Bate – cello (tracks 2, 6)
Austin Hoke – cello (tracks 2, 6)
Jennifer Kummer – French horn (track 6)
Patrick Walle – French horn (track 6)
Ketch Secor – fiddle (track 7)

On doit la photo de pochette sur fond noir à Alysse Gafkjen, a Nashville based music portrait photographer.

La plage inaugurale  “Empty Trainload of Sky” groove mélodieusement en suivant l'allure de ce train de marchandises, désormais inutilisé,  qui traverse mollement  un tréteau surplombant la rivière.

Une image d'une autre Amérique,  pas celle de l'I A, des financiers rapaces , des oligarques mégalo, ce train expose un tableau de la tradition rurale, d'un pays où, à une époque, fleurissaient les hippies et la devise  make peace not war, et ce n'est pas par hasard que le duo fait appel à Neil Young en reprenant les lyrics...   I said hey hey, my my..

Musicalement tous les amateurs de roots music vont craquer face  aux  subtiles harmonies vocales, à la pedal steel discrète de Russ Pahl et au  jeu des guitares évoquant le  regretté J J Cale.

Déjà un classique folk rock!   

' What we had' propose une orchestration plus fournie, un ensemble de cordes habille cette ballade où la voix de David prend de formidables intonations Neil Young.

 Rejoint par sa compagne,  la romance soft rock, mélancolique,  vient gentiment bercer  ton âme avec un message lucide, ce qu'on avait, au fond,  c'était pas si mal, ... “I used to dream of something unseen/It was something that I thought I wanted so bad , aujourd'hui ce que je désire c'était what we had!

Passéiste? 

Non, lucide, on t'a dit!  

C'est en fingerpicking que David Rawlings amorce l'acoustic blues   ' Lawman' ,   dont la ligne initiale ..Sylvie gonna bring a little water ... est empruntée à une traditional  work song, notamment interprétée par Lead Belly. 

Il est question d'injustice, d'indigence, de meurtre,....musicalement un chroniqueur averti y entend des similitudes avec le grandiose 'Can't find my way home' de Blind Faith.

Le doux  “The Bells and the Birds”, chanté d'une voix cristalline par Gillian et  décoré d' accords de guitares délicats,   pastichant les ringing bells,  est  proche du British folk des seventies ( Fairport Convention, Fotheringay... ). 

Ce titre nous rappelle   au bon souvenir de Sandy Denny qui, à 31 ans,  est partie bien trop tôt , à l'instar de Terry Kath ( du band  Chicago), décédé au même âge, quelques mois plus tôt.

Il ne faut pas  confondre 'North Country' avec le titre de  'The Rankin Family' , ni avec 'Girl from the North Country' de Bob Dylan.

  La ballade composée par le duo est introduite par une guitare méditative, avant d'entendre la voix mélancolique de Gillian narrer  les soupirs  de la fille ne supportant ni le froid, ni l'éloignement de l'être aimé. 

Une  pedal steel et la basse ajoutent juste assez de consistance aux deux guitares et au chant fataliste.

Cinq minutes de douceur ouatée! 

C'est la voix de David Rawlings qui s'entend lorsque ' Hashtag' est ébauché, Gillian rejoint son compagnon après une minute, puis un nuage de  cordes vient envelopper cette plage paisible,   dédiée à Guy Clark, décédé en 2016.

Gillian Welch assure les lead vocals sur ' The Day The Mississippi Died' , un country folk  track  sur lequel le violon de Ketch Secor ( Old Crow Medicine Show) suit les méandres paresseux du fleuve, alors que les guitares acoustiques tissent une toile soyeuse, que ni la basse, ni les percussions, ne vont bousiller.

Tout coulait de source jusqu'au moment où Gillian part en falsetto et te refile quelques frissons ayant le don de redresser les poils de ton épiderme.

David Rawlings a sorti l'harmonica sur 'Turf the Gambler', d'une voix nasillarde, proche du timbre de Bob Dylan, il  narre l'histoire d'un joueur de poker, qui ne dédaignait jamais  un verre de vin .

Gillian  viendra harmoniser au bout d'un moment, quant au  brave Turf, dessoûlé,  il s'éveille pour aller narrer ses (més)aventures, en les enjolivant, à toutes les serveuses du coin.

On retrouve le timbre de Gillian en vedette sur  ' Here stands a woman', une valse bluesy évoquant le passage d'une jeune fille  vers l'âge adulte. En contemplant son visage dans le miroir, elle ne se reconnaît plus.

Le superbe jeu de guitare de David Rawlings, qui s'autorise  un bridge instrumental  de plus d'une minute,  fascinera tous les  amoureux de la six cordes jouée en fingerpicking.

C'est au banjo que Madame entame '  Howdy Howdy' , un Southern gothic/ bluegrass  track décrivant leur parcours en tant que couple... You and me are always gonna be howdy howdy. You and me always walk that lonesome valley...  aucun  nuage à l'horizon!

 

Pas de surprises à attendre à l'écoute de ' Woodland'  de  Gillian Welch & David Rawlings,  mais ce nouvel exemplaire  d'old - timey roots music at its best  ne décevra aucun amateur d'un Americana décrit en ces mots par le New Yorker... their music is  at once innovative and obliquely reminiscent of past rural forms!

 

lundi 17 février 2025

Festival Paimpol Mon Amour avec Nanisca et Marion Roch , Salle des Fêtes à Paimpol, le 15 février 2025

 Festival Paimpol Mon Amour avec Nanisca et Marion Roch , Salle des Fêtes à Paimpol, le 15 février 2025

michel

 La première édition du festival « Paimpol, mon amour »  a eu lieu en février 2020, peu avant les confinements, décrétés par un gouvernement aux abois.

Au menu de  cette première manifestation, déjà du cinéma , un menu Saint-Valentin et des concerts, avec notamment  Sweet Screamin Jones!

Un défi audacieux  engagé par Amaury Collier et son équipe de bénévoles, mais une réussite totale!

Impasse sur 2021, aucune explication nécessaire, la seconde édition a eu lieu en 2022, la formule avait  fait ses preuves, elle aura dû être renouvelée, c'était sans compter sur les aléas, ce sera une édition tronquée.

Finalement la 'vraie' seconde manifestation se déroulera en 2023, Elsa Carolan ou le Trégor Blues Band, e a, sont passés par la salle des fêtes. 

2024: changement de programme,  l’édition se déroule sur une seule journée, avec notamment OozZ à l'affiche.

En 2025,  l'organisation voit grand: quatre jours de festivités, du 13 au 16 février, un menu copieux: deux films, un dîner Saint-Valentin animé par Les Simone, un double concert avec Nanisca et Marion Roch et enfin,  le dimanche, la chorale Mauve Your Body doit précéder le show  de   Louise Robard,  Philippe Dardelle et de leurs musiciens  qui revisitent le répertoire Stax et Motown .

 Samedi, 20:15,  une salle des fêtes accueillante voit arriver les premiers spectateurs, qui en attendant le premier concert se précipitent sur une assiette d'huitres, accompagnée d'un petit vin blanc.

Assis au premier rang, ( merci  à  Yoann Guillouzouic, réalisateur, agent artistique mais aussi parolier pour Marion Roch  d' avoir autorisé  à utiliser l'auto-focus et par la même occasion de nous avoir refilé la setlist), tu attends l'apparition de Nanisca.

 

A la table de mix, ils ont l'excellente idée de diffuser du Lou Reed,  du David Bowie et du Kraftwerk, il y a pire pour patienter, chez ton dentiste, c'est de la muzak qui doit couvrir les hurlements de patients charcutés, dans le pire des cas, du  James Last, dans le meilleur,  du Paul Piot et son Orchestre.

20:40 - Nanisca! 

Jeanne Feydel ou Jane Cumin, est  touche  à tout:  danseuse, comédienne, actrice , dramaturge et depuis peu , la Paimpolaise décide de chanter sous le nom de Nanisca ( une Amazone du Dahomey) .

Elle fait ses premières dents en 2024 au Tremplin d'Attrap'Sons ou à Rennes ( l'Antipode), peu après elle enregistre  deux singles, ensuite elle entre à nouveau dans les studios pour graver les maquettes d'un premier album dont la sortie est imminente ( malheureusement, sur le net, tu ne découvriras aucune trace de ce disque, donc pas de setlist).

Ce soir, Paimpol, assistera à un  seule-en-scène, les musiciens qui l'accompagnent sont restés à Paris, ils sont remplacés par des bandes.

Extinction des feux et musique symphonique  introductive dans le style des B  O spatiales, signées  Vangelis .

Les projecteurs clignotent, aveuglent l'assistance, annonçant l'apparition d'une créature  vêtue d'un cape à capuche gothique ( la cape)  , elle nous tourne le dos, puis s'avance vers le devant de la scène, se décoiffe , la bande distille de gros beats , Nanisca, à la tenue scénique suggestive,  entame un premier electro pop sensuel et dansant... tu es la femme et je suis l'homme... sur tes lèvres j'ose un baiser... un propos  et un fond sonore ( peut-être moins liturgique) évoquant 'Sadeness' d'Enigma .

Des cris enthousiastes fusent à gauche de la scène, le fan club, féminin, de l'artiste a décidé de mettre de l'ambiance, obstinées, les jeunes filles vont   soutenir la chanteuse pendant tout le set, leur énergie communicative va contaminer une bonne partie de l'assistance, qui, comme elles, montrera une adhésion totale à la performance de Jeanne.

Exit la cape pour attaquer 'Zoom'  ,  de l'electro pop lascif dans un moule Chvrches, Say Lou Lou, Austra, Dua Lipa   ou  Eugénie et Yelle en France.

Paimpol, je vous invite à célébrer l'amour sous toutes ses formes.... voici  le midtempo  explicite ' Je suis'.

Très théâtral et aguichant, le jeu de scène de la jeune femme interpelle.

La suivante est pour ceux qui ont la force de redémarrer après une tempête!

Assise sur un caisson en bois, elle narre son texte bilingue ... fly to the sun... mais fais gaffe il y a un risque... to burn your wings... remember Icare. 

Tout est fantasmes et rêves érotiques chez Nanisca, son chant en parlando et sa gestuelle ne laissent planer aucun doute.

Elle déambule, grimpe sur le second caisson,  nous rappelle que Stereo Total, en 2009 déjà, chantait ' L'amour à trois' .

Tout Paimpol bat des mains, le devant de la scène est transformé en dancefloor, ambiance boîte de nuit à Ibiza!

Et c'est là  que la jeune personne nous balance un titre plus sérieux sur beats énormes ' Petite soeur'.  

Je m'allonge sur le meuble de chez Ikea pour vous chanter la suivante, tourbillonnante,  aux relents 'Maman a tort' de Mylène Farmer, suivie par une déclaration d'amour ( non piquée à France Gall) pour ensuite  terminer la lecture de son futur album par un dernier  titre,  toujours aussi charnel,    d'inspiration Luis Buñuel.

Chaud le show de Nanisca, qui a embrasé tout  le public, groupies et non-initiés! 


Le temps d'avaler une bière et voici Marion Roch.

Une formule duo: Marion, chant, guitare et sourires enchanteurs et le formidable  Christopher Peyrafort, aux guitares, à la mandoline, au programming, il ose quelques backings et  pose un pied sur une stomp box à l'occasion.

Avant de se lancer dans la chanson, Marion, originaire du Haut-Doubs, était  éducatrice spécialisée, ce métier passionnant,  parfois ingrat, elle ne l'a pas renié , il transperce  certains de ses textes.

Depuis 2015, elle arpente les scènes hexagonales et internationales pour y interpréter les titres de ses deux albums, le dernier ' Au bout de ma table' ( produit par Renaud, un fan inconditionnel) datant de fin 2024. 

 Marion décide d'entamer son premier concert de 2025 par ' La  bête au ventre',  un morceau fabuleux introduit par la guitare bluesy  de Christopher.

Elle donne la parole à une jeune  fille du foyer,  meurtrie par la vie qui crie sa rage, sa rancoeur, les illusions perdues .

Quand  la surveillante lui dit ... il ne faut pas pleurer, tu es  une grande maintenant... bizarrement  c'est un  titre de Daniel Guichard qui traverse ton esprit.

Justesse et sensibilité et un solo de guitare déchirant, quelle entrée en matière!

Christopher manipule le laptop, c'est sur fond de piano ' que ' La petite fille qui chante'  est amorcé.

Un nouvel exemple de chanson réaliste ( de l'Edith Piaf dépoussiéré)  qui va droit au coeur. 

Comment mixer dance pop  et propos engagé, c'est simple, écoute ' Comment tu fais?'  son flow hip hop  et ses rythmes exotiques. C'est irrésistible et quand Marion descend dans la fosse pour  chanter parmi nous, la température monte dans le rouge et Paimpol hurle.

Une guitare sèche pour Christopher, qui plaque quelques accords  à la 'Angie' des Stones  et introduit ' Au bout de ma table'.

Eh, mais, ils ont oublié le tabouret, Clément s'active, le siège arrive, Marion entame son autobiographie chantée.

C'est poing levé qu'elle crie... j'assume d'être une mère célibataire..  Sandrine Rousseau a refait son coeur avec les doigts.

' Les couleurs de Vancouver' , une carte postale  du Canada sous forme de valse,  est décorée de vocalises poignantes et d'accords de guitare dans les tons graves.

Marion a deux idoles, Renaud, son producteur et désormais ami et Kurt Cobain, pour lequel elle a composé ' Kurt'.

Kurt, un peu Rimbaud, un peu Verlaine, qui parfois chiale comme un gosse...

Au risque de se répéter, on souligne le rôle primordial de Christopher qui nous gratifie d'un solo à tomber par terre.

Quelle claque!

T'étais pas le seul à pleurer en entendant le poignant  'Avant d'avoir vécu'  ... un enfant qui meurt sera toujours le nôtre... 

Une force évocatrice incroyable, le public ne s'y est pas trompé et applaudit à tout rompre.

Christopher parti sangloter en coulisses ressurgit, ramasse sa guitare, nous joue ' Jeux interdits'  , puis sa semelle enfonce la stomp box.... boum, boum, boum , un rock, Paimpol?

'Tout un poème'  n'a de poétique que le titre car c'est d'une diatribe qu'il s'agit, et toute la salle  danse, que ce soit à la manière de Beyoncé ou du John Travolta, qu'importe , d'ailleurs on se la joue Freddie Mercury ce soir, chante avec moi!

Retour au calme après la débauche d'énergie, dans l'intimité du foyer, on fait la connaissance  d''Achille'  .

Tendresse et grâce  à fleur de peau , comment fait-elle pour être si émouvante?

Une intro Gary Moore ébauche ' Regarde' un titre impétueux  qui  vire calypso/salsa après 60 secondes.

Tandis que Christopher se la joue Carlos Santana, Marion vient se  mêler aux danseurs face à la scène, seuls les techniciens son et l'éclairagiste sont restés assis!

La fiesta se poursuit avec ' Je recommence', aux intonations Barbara, mais sur un rythme ensorcelant.

Ce titre termine ( en principe) une prestation  impeccable.

Marion  marie  le talent, la joie de vivre et l'énergie, Paimpol ne peut la laisser rejoindre les coulisses sans un rappel.

On avait tous aperçu une mandoline sur le plateau, elle n'avait pas servi, Christopher s'en empare pour ' Tes hirondelles', un titre dédié à Juliette, la grand-mère, de Marion, qui a quitté cette planète il y a peu. 

Tu ne regarderas plus jamais les hirondelles se poser sur les fils électriques sans penser à Marion Roch. 

C'est a capella que ' Le silence est d'or'  est esquissé,  très vite ce morceau, conçu pour prendre congé, affiche des accents cubains avant d'obliquer vers des tonalités celtiques, avec une mandoline évoquant Rory Gallagher, Paimpol se démène une dernière fois.

Des irréductibles veulent plus, Marion, hésite, le stock est épuisé, elle fait un signe vers son guitariste... oui, d'accord, on refait 'Comment tu fais?' 

 

Un dernier tour de manège avant de reprendre le chemin du retour, des étoiles plein les yeux!