Tō Yō au Chaland Qui Passe à Binic, le 22 juillet 2025
michel
Dans 3 jours Binic doit vibrer aux sons garage de la XIVᵉ édition du Binic Folks Blues Festival.
Le Chaland qui Passe, le zinc le plus rock de la station, avait l'habitude d'organiser, pendant les trois jours de festivités, un OFF du Festival, depuis que la place de la Cloche est lamentablement ignorée par les organisateurs.
Hélas, trois fois hélas, pas de OFF en 2025, suite au veto incompréhensible de la mairie.
Que fait Arnaud, il pleurniche dans son coin... c'est mal le connaître, pendant trois jours il met sur pied un Before du Non Off et propose des groupes de renom: Tō Yō, from Japan, La Drave et Prokop and the Click'n' Collectors.
En ce mardi pluvieux, le Chaland, blindé à ras bord, plus moyen d'accueillir une souris naine, reçoit Tō Yō, un quartet originaire de Tokyo, en tournée européenne depuis le 20 juin.
Le groupe ( Eastern Sheep, in English) a sorti deux albums, 'Stray Birds from the Far East' et un Live capté au Shindaita Fever à Tokyo.
20:30', Masami Makino ( chant, guitare et T-shirt spécifiant We Love Zappa, pas un hasard), Hibiki Amano ( drums), Sebun Tanji ( guitare et quatre notes de flûte) et Issaku Vincent ( basse cinq cordes) prennent place.
Le bassiste t'indique qu'il te faudra faire quelques pas en arrière, il prend place sur le canapé aux côtés d'une jeune dame sympathique, le manche de son instrument venant frôler tes narines.
Hibiki assène quelques coups de maillet feutrés sur ses peaux, les guitares, à peine effleurées, éparpillent des notes en larsen, Sebun s'amuse avec la flûte et la basse d'Issaku Vincent fait boum boum boum.
Le morceau s'intitule tout normalement ' Jam', c'est bien parti pour un trip psychédélique dans un moule Grateful Dead, Acid Mother Temples ( d'autres Japonais planants), Hawkwind, Ozric Tentacles ou Siena Root.
Ce premier titre instrumental nous a déjà permis de constater la cohésion qui règne au sein d'une formation qui va multiplier les improvisations, sans jamais tomber dans le chaos, les escapades expérimentales, souvent imprévisibles, vont tenir le public en haleine de bout en bout.
Les deux guitaristes rivalisent de trouvailles, utilisant un nombre impressionnant de pédales à effets ( pieds nus pour Sebun) , Masami hante systématiquement la vibrato handle, Issaku Vincent alterne le jeu en slapping et les envolées jazzy, quant à Hibiki, c'est lui qui amorce inlassablement, sans défaillir, les nombreux changements de rythme.
'Soaring', qui ouvre l'album 'Stray Birds from the Far East', démarre mollement avant, de très vite, monter en puissance, bizarrement on y sent des influences de blues touareg mixées à l'harmonic feedback, cher à Peter Green.
Binic retient son souffle pour applaudir à tout rompre en poussant des yeahs admiratifs au terme d'une composition avoisinant les dix minutes.
On pensait être arrivés aux dernières notes de la plage, les guitares s'étaient tues, le batteur avait relevé ses baguettes, c'était une erreur, Issaku Vincent maintenait la pression en pinçant ses cordes puis en les étouffant, du coup Hibiki reprend du service, une des guitares place une série de riffs dans les tons baryton, la seconde gratte préfère les piques aigües, la jam reprend de plus belle, ton cerveau revoit le fabuleux groupe gallois Man, un habitué des titres interminables t'emmenant en état de transe.
Après une grosse poussée d'adrénaline, la wah wah entre en action, le dépôt est en vue, Tō Yō dépose momentanément les armes, le Chaland les acclame généreusement.
'Mura', un blues ésotérique psalmodié d'une voix douce t'embarque pour un trip dépaysant.
Avec un peu d'imagination, tu verras le Fuji Yama, le lac Tanuki, des brèves migratrices ou des pics d'Okinawa, et tout ça sur fond dreamy acid évoquant le Zep, Ali Farka Touré, Jimi, Ash Ra Temple, Klaus Schulze ou le prog rock de Far East Family Band.
La prestation approche déjà une heure de bonnes vibes, trois morceaux kilométriques ont défilé, Masami prend la parole pour remercier Arnaud et le public pour son écoute, avant d'annoncer une dernière tirade, 'Moku', un titre aéré, faisant à peine 5 minutes.
Tō Yō regagne l'étage, en bas les battements de mains et les cris fusent, redescendus de leurs sommets enneigés, ils reprennent leurs instruments pour dessiner de nouvelles volutes sinueuses, ' Li Ma Li'.
Au Freak Valley Festival en Allemagne, ils avaient brodé pendant près de 40 minutes sur ce morceau , ici, ils se sont contentés d'un chapelet moins fourni pour finir en crachant des flammes.
Tō Yō: des virtuoses, éminemment accessibles, te menant dans une stratosphère où t'as pas besoin de respirer, il suffit de se laisser bercer par leurs tapisseries soniques qui font plus d'effets que certains psychotropes expérimentés par Timothy Leary.