mercredi 20 septembre 2023

Victoria Staff- EP “Records & Honesty”

 Victoria Staff-  EP “Records & Honesty”

michel 

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Victoria Staff, de Toronto, était destinée à faire de la musique, après avoir pris des leçons de piano à 5 ans, elle écrit ses premières chansons 5 ans plus tard. Elle sort un premier album,   The Blue Book Project, en 2017, avant de décider de l'éradiquer, plus aucune trace sur les plateformes de streaming, et de recommencer à zéro en 2022, après avoir obtenu un diplôme en neurosciences comportementales.

Elle combine désormais un day job et  sa carrière musicale, un debut EP ( comme si l'album n'avait jamais existé) voit le jour durant l'été, “Records & Honesty”!

Si elle manie  guitare, piano, banjo et  ukulele, elle fait toutefois appel à quelques musiciens pour la seconder, l'extended play est produit par Dan Hosh ( Wild Rivers, Zachary Lucky, Serena Ryder, Whitehorse, City and Colour, Benjamin Dakota Rogers ...).

Et les autres?

Peu de détails sont soumis, elle remercie toutefois:   Nathan Wong, le guitariste Stu Weinberg, Meg Contini ( qui chante pour les O'Pears) , Andrew Sherriff ( guitare) , Thomas Hammerton ( keys)  et Kirk Starkey ( cello).

Aucun détail pour les percussions! 

Tracks

Records & Honesty. 1 · 3:53 

 My Man. 2 · 2:53 

Olive and Ruby. 3 · 3:45 

Here We Go Again. 4 · 3:20 

Campfire. 5 · 4:01.

La pochette, dans les tons gris,  affiche  une photo de Victoria de dos, les épaules dénudées, elle semble vouloir se protéger en posant une main sur une chair fragile.

Elle montre de profil un visage effarouché. En visualisant le cliché,  l'observateur  se demande si la jeune femme porte un vêtement ou une camisole destinée aux  forcenés.


Le disque démarre avec le titletrack,  'Records & Honesty', une ballade, aux accents folk pop,  décrivant un amour à sens unique, elle l'aime, il l'ignore.

La voix est limpide, chaste, implorante, pourquoi ce gars n'a-t-il  prêté aucune attention à cette jeune fille douce et aimante?

Guitares tantôt gentiment caressées, tantôt plus âpres,  piano romantique et percussions en demi-teintes, ce  premier titre, gracieux,  interpelle et séduit.

' My man'...  is only mine for moments.... he only wants me when he's drunk and high... on n' est  pas loin de Mistinguett chantant ... Sur cette terre, ma seule joie, mon seul bonheur, c'est mon homme.J'ai donné tout ce que j'ai, mon amour et tout mon cœur à mon homme... Il me fout des coups, il  me prend mes sous... mais je l'ai dans la peau!..

La ballade débute sur fond de piano maussade,  puis vient la voix, éplorée, racontant son infortune,  un violoncelle égrène ses notes précieuses, le piano poursuit son triste chemin, puis quelques percussions s'ajoutent au tableau pour mener la plage à son terme.

Victoria met son âme à nu, elle  sait qu'elle est faible et vulnérable, mais lucidité ne rime pas forcément avec  émois amoureux.

'Olive and Ruby' évoque une période de sa vie à Vancouver, elle fréquentait assidument  un coffee shop  où elle observait les clients, en rêvassant.

L'établissement, qui n'a pas survécu à la pandémie,  lui a inspiré la chanson mélancolique ' Olive and Ruby',  gorgée d'images poétiques et d'associations subtiles.

L'orchestration, raffinée, nous renvoie vers les compositions délicates et harmonieuses d'un Paul Simon ( cf My Little Town ou Long, Long Day) et s'il fallait associer ce titre à un peintre, on avance Edward Hopper, qui a immortalisé sur ses toiles les petites choses de la vie quotidienne.  

'Here we go again', n'est pas une cover de la romance country   de Ray Charles, mais bien un titre original décrivant ( encore)  une relation néfaste ( love and heartaches, you know...). 

Apprendre de ses erreurs est une utopie, n'en déplaise à Gaston Bachelard!

 Victoria semble répéter les bourdes à l'infini, mais elle le chante si bien, accompagnée par une guitare acoustique mélodieuse et un piano esthétique, et si la voix monte légèrement  en fin de morceau, ce n'est pas pour fulminer mais pour ajouter du piment à sa confession.

'Campfire' qui clôture l'EP est sans conteste le titre le plus profond, celui qui sert de catharsis.

Elle avait 16 ans, elle a été agressée sexuellement, la blessure, profonde, n'est toujours pas cicatrisée.

La chanson débute par un synthé uniforme, comme  répondant  à des bruits de pas, qui résonnent peut-être dans la tête de Victoria, ce martèlement obsédant,  qui perdure pendant tout le morceau, avec une brève accalmie qui permet  la mise en évidence de la voix émouvante de la chanteuse, est compensé par de subtils riffs de guitare et  de vagues  cordes en arrière-plan.

Et tandis que la voix tremblante s'imprègne dans ton cerveau, tu imagines voir et sentir le feu de camp, dans lequel elle a balancé ses vêtements souillés!

Burn, baby, burn!

“Records & Honesty”, un premier EP transcendant!