Album - Center of the Universe by Sofia Talvik
Makaki Music
michel
Pour éplucher la discographie de Sofia Talvik t'as intérêt à ne pas te fier à une seule source, si on s'en tient aux full albums, pour certains 'Center of the Universe' est le neuvième album de la native de Göteborg, qui passe presque autant de temps aux States que dans sa Suède natale.
D'autres parlent de 13 albums et ils n'ont pas tenu compte de l'enregistrement de 2020, ' Nattflykt' sur lequel elle est accompagnée par le violoncelliste allemand, David Floer.
Le duo avait choisi Hansan comme identité.
Sinon, 'Center of the Universe' succède à ' Paws of a Bear' qui existe en deux versions, une électrique et un modèle plus soft, unplugged, après que l' ours soit passé chez le podologue.
Sofia est une des nombreuses artistes nordiques à évoluer dans un milieu roots, elle combine tonalités americana, folk, bluegrass et country avec un bonheur certain.
L'album a été enregistré à Sulegång, un hameau paisible du comté de Kalmar , où l'on consomme plus de gravad lax que de seiches en beignets.
Crédits:
Words and music Sofia Talvik
Guitar and vocals Sofia Talvik
Mandolin and classical guitar Drake Duffer
( Caroline du Nord)
Accordion Peyton Clifford ( Caroline du Nord)
Bass Janne Manninen ( Suède)
Drums and percussion Joakim Lundgren (except Desert Nights) ( Suède)
Backing vocals: Drake Duffer and Peyton Clifford
Produced by Sofia Talvik
Recording and editing Jonas Westin
Mix and Master Hans Olsson, Svenska grammofonstudion
Track listing:
1. Circle of Destruction 3:20
2. Center of the Universe 4:02
3. A World Away 4:34
4. Two Thirds 4:02
5. Boy Soldier 3:09
6. Meanwhile in Winnsboro 4:46
7. Too Many Churches 4:38
8. Desert Nights 3:44
9. Broken 5:08
10. Oh California 4:03
Une photo de pochette allégorique montre Sofia Talvik , pensive, dans un paysage nordique crépusculaire. Sa beauté intrigante peut faire penser à un modèle de Fernand Khnopff. L'astre en clair-obscur illumine aussi bien l'énigmatique valkyrie que l'arbre blessé qui a peut-être inspiré Van Gogh pour sa dernière oeuvre, 'Racines'.
Un esthétisme pictural que l'on retrouve souvent dans les pochettes de female symphonic metal.
Mise en route avec ' Circle of destruction', une protest song du 21è siècle qui nous renvoie vers 'Eve of Destruction' chanté par Barry McGuire, le monde n'a guère changé en 60 ans, ...The eastern world it is exploding Violence flarin', bullets loadin' You're old enough to kill but not for votin' You don't believe in war but what's that gun you're totin' And even the Jordan River has bodies floatin'... à l'époque, ... What they can’t build up They will tear down And the circle of destruction has begun Standing at the border With a white flag in your hand Will the peace that we dreamed of ever come... aujourd'hui!
La situation en Ukraine et le sort des réfugiés fuyant un territoire, où hommes, femmes et enfants sont massacrés, ont inspiré la chanteuse à la voix, légèrement chevrotante, proche de celle des grandes folksingers, Joni Mitchell ou Judy Collins.
L'accompagnement sonore, sobre, met en évidence l'accordéon de Peyton Clifford. La guitare acoustique, la mandoline et les percussions, discrètes, tapissent un fond bluegrass à ce country folk sentant bon des groupes tels que Nitty Gritty Dirt Band, les oubliés Loggins & Messina ou les immenses The Band.
' Center of the Universe' amorcé à la mandoline, aborde le thème des enfants disparus. C'est lors d'une tournée aux States , alors quelle faisait ses emplettes dans un hypermarché de la chaîne Walmart, que son regard est attiré par un poster affichant photos et caractéristiques de gosses perdus. Elle décide de composer une chanson d'espoir se basant sur la culture des Native Americans, les Hopi, qui considèrent que les enfants ont été choisis pour vivre en paix dans un endroit qu'ils ont baptisé Tuuwanasavi, le centre de la terre.
Cette valse folk philosophique est proche des chansons interprétées par Joan Baez, avec toujours une mise en avant de l'accordéon et de la mandoline.
' A world apart' s'éloigne des propos sociaux pour effleurer le sujet de la séparation.
L'amour à distance, ce n'est pas la gloire!
Le ton est à la mélancolie, la voix, douceâtre, est subtilement bordée par une instrumentation feutrée, soutenue par des choeurs éthérés.
Qui peut se contenter de ' Two Thirds'?
L'amour ce n'est pas qu'une partie du gâteau... Honey I want the whole cake... affirme Sofia dans cette plage folk plus intimiste, chantée d'un timbre clair et délicat, après une intro faite de oooh oooh oooh murmurés.
Une gentille guitare acoustique et un accordéon en mode requiem épaulent le chant, la basse et la batterie restent en retrait tout en habillant habilement la mélodie.
Sur fond de batterie imprimant un rythme soutenu , ' Boy Soldier' dépeint le jeune garçon opprimé par la violence domestique.
Où se cacher pour éviter les coups d'un beau-père violent?
Avec son frère de dix ans, un jour, ils pourront fuir et échapper à ce milieu destructeur.
L'accordéon haché et la voix qui monte haut sont là pour dépeindre le désarroi des gosses et de leur mère, désarmée.
Un titre poignant!
' Meanwhile in Winnsboro' avait été composé au printemps, au Texas, au début de la pandémie, les images de pommiers en fleur ... meanwhile in Winnsboro apple blossoms bloom, spring is coming soon...., offrent un contrepoint optimiste aux effets funestes de la pandémie. Sur la version, minimaliste, de l'époque, Sofia était accompagnée par la pedal steel de Tim Fleming.
Le guitariste est décédé depuis , le titre, mélodieux, a été réarrangé pour le nouvel album.
Le 22 janvier 1973, la promulgation de l’arrêt Roe vs Wade accordait aux Américaines le droit d’avorter sur tout le territoire.
Le 24 juin 2022, la Cour suprême des États-Unis a abrogé le droit constitutionnel à l'avortement, en annulant l'arrêt Roe vs Wade de 1973.
'Too many churches' évoque ces faits en décrivant la triste histoire de Maria, 15 ans 1/2, violée chez elle, le bébé est né, l'église ne voulant pas entendre parler d'avortement.
Malgré de nombreuses manifestations pour respecter le droit des femmes à disposer de leur corps, plusieurs états ont signé le décret révoquant l'arrêt Roe vs Wade.
Sans éclats de voix, à la manière d'une Joan Baez, Sofia Talvik dénonce l'ingérence de l'église dans ce débat politique.
Mandoline et accordéon, en demi-teintes, soutiennent son propos.
Beau comme un coucher de soleil sur les dunes du désert de Chihuahua, 'Desert Nights' évoque à la fois Hope Sandoval, Linda Perhacs ou Karen Dalton, toutes trois représentantes d'une roots music, inspirée du typique Laurel Canyon sound.
' Broken' , un titre alliant délicatesse et mélancolie, est de la même veine, c'est en pensant à Tim Fleming que la Suédoise a composé ce bel hommage, dominé par une figerpicked guitar égrenant des notes célestes.
Cinq minutes de chaste félicité .
Toujours dédié à Tim, ' Oh California' a été composé pendant le confinement imposé par le Covid. Avec le recul ... I always knew that you were meant to go I just did not expect it so soon With so many shows left to play before going back to California ( là d'où Tim est originaire) ... prend tout son sens.
La voix, limpide et ensorcelante, proche du timbre d'une Carole King, le background évoquant les titres les plus calmes de Jason Isbell, tout s'accorde pour faire un must de ce dernier morceau d'un album justifiant toutes les louanges que les critiques adressent à Sofia Talvik.
La tournée américaine se poursuit jusqu'au 15 octobre, l'Europe devra patienter!