Rosalie Cunningham - Beau Bowen - Fire In Her Eyes at London Lafayette Saturday 16th September 2023
Mitch ZoSo Duterck
Beau Bowen, Fire In Her Eyes, Rosalie Cunningham - Lafayette, London (UK) - 2023.09.16
Fébrile comme une collégienne qui va passer des vacances outre-manche pour parfaire son anglais hésitant, j’arrive enfin à boucler mon trolley après avoir vérifié ma liste de choses « to do. » Tout me semble correct. Reste à passer quelques heures de repos au lit, ne pas trop penser au concert, respirer profondément, faire le vide dans son esprit (sain) et… ça ne marche pas ! Ça n’a jamais fonctionné avec moi cette espèce d’anesthésie mentale à la sauce Emile Coué, tu sais, ce pharmacien français, qui a inventé la méthode qui porte son nom et qui est basée sur l’autosuggestion et l’autohypnose. Ca ne pouvait pas fonctionner avec moi, j’ai peur en « auto » … Bon, on va se mettre un peu de musique pour faire passer le temps, c’est d’ailleurs ce qu’il fait de mieux.
Pas besoin de réveil, je l’aurais parié. Bien avant l’heure encodée pour mon lever (J’en connais qui se sont gourés en programmant l’alarme pour la veille du jour prévu pour leur départ, eh bien croyez-moi ou pas, mais ils dorment encore. C’est bien connu, les cons ça dort, les cons s’adorent, les cons ça dore (surtout en plein soleil) Bref, je suis déjà en pleine activité, si pas physique, du moins, cérébrale, dire intellectuelle ferait des jaloux, alors je ménage.
Direction la cuisine, objectif : petit-déjeuner. « Petit ?» Je ne sais pas pourquoi on s’obstine à appeler ça comme ça. Moi quand je suis à table, c’est pour faire honneur au repas, sans retenue. Comment ça se voit ? Mais je t’emmerde moi, fossile va, faux-cils, faut te calmer, tu ne sais pas qui tu affrontes là ! Oui c’est ça, commence à pleurer, j’arrive. Je sens comme une certaine dose d'agressivité dans mes propos ce matin, non ?
Bien, I go down the Piervenne street to the station where I’m about to take the 9.08 “Crazy Train” to Namur. “All Aboard!” comme le criait naguère ce brave Ozzy. Comment ? Je n’ai pas traduit ? Parce que tu crois que les grands-bretons vont te traduire une fois que tu seras sur place toi ? T’as vu ça où ? Dans Mary Poppins ?
A la gare de Naninne, je retrouve Digger, mon brother de cœur qui s’est joint à moi pour l’occasion, c’est très souvent le cas d’ailleurs. Joindre, c’était le verbe du troisième groupe que nous conjuguions le mieux (au présent surtout) lorsque nous fréquentions assidûment les cafés du bas de la ville de Namur et les branches des arbres de la citadelle.
Oui, je sais, nous étions inscrits à l’Athénée, rue du Collège, mais dans notre esprit, inscription ne signifiait pas pour autant obligation de suivre les cours en présentiel, donc… mais revenons à la conjugaison évoquée supra, joindre est un verbe du troisième groupe très irrégulier, surtout après la troisième personne du singulier qui fête agréablement l’arrivée de la première du pluriel, c’est fou ce qu’on t’apprend tout de même ! ». Cela donne : « Je Joins, tu joins, il joint, nous avons déjà tout fumé ? vous allez quand à Maastricht ? Ils en rapportent demain ».
C’était pas simple les études en ce temps-là.
Changement de train, direction Bruxelles-Midi ou Brussel-Zuid, collation pour éviter une mauvaise faim dans l’Eurostar. Un petit roupillon, et bientôt, une voix féminine qui se veut douce envahit l’espace entier de la gare de St. Pancras, vérifie bien, il y en a qui continuent à écrire « St. Pancréas » je te jure ! On nous demande de vérifier que nous avons bien nos « belongings » avec nous, etc…Passage devant les douaniers, sous le regard torve et pesant des préposés qui te dévisagent, l’air de dire : « encore deux qui viennent conjuguer ! » Et puis direction l’hôtel. Enfin, l’hôtel, faut aller vite pour le dire. En Belgique tu fous ton clébard là-dedans, tu te fais arrêter illico presto pour cruauté envers les animaux. Déjà l’escalier, c’est de la folie sans matériel d’escalade, si tu dois croiser quelqu’un ça fait un mort à coup sûr !
Ce qu’on appelle la chambre est une pièce qui a certainement connu des temps meilleurs, c’était avant que Charles Dickens écrive Oliver Twist (à Saint-Tropez). Le sol est bourré de nids de poule, tu risques l’entorse à chaque pas. Et c’est tellement hors-équerre que quand tu regardes les deux têtes de lit, elles ne sont pas loin de se toucher alors qu’il y a au départ un espace d’un mètre entre les deux couches, la folie quoi. Je me revoyais fin des seventies dans d’autres hôtels de la capitale anglaise du style George Hotel à Earl’s Court. Enfin, c’est juste pour quelques heures seulement.
Bon, pour faire court, j’ai un passage éclair à effectuer au HVM, pas très loin de Hammersmith, jusque-là tout va bien. Sauf que dix minutes plus tard dans le métro c’est le bazar total ! « Shit Happens! » comme on dit là-bas. Tout le Westbound est fermé et on ne sait pas pourquoi. Ca n’y changerait pas grand-chose de toutes façons. Il faut prendre des bus mais avec le Traffic Jam, tu vas plus vite à pied. On finit par chopper un taxi. Ce mec ferait passer Schumi pour un débutant. Le moindre trou dans la circulation il ne s’y engage pas, il y plonge à fond la caisse. Cardiaques : s’abstenir. On croyait louper une partie du concert de ce soir. Mais ce mec a fait des miracles, on était tip top au rendez-vous. Avant de descendre de voiture devant le Lafayette, « Mister Cab driver » s’est retourné vers nous avec un grand sourire : « I’ve done my best, enjoy the show » nous dit-il avant de replonger comme un forcené dans les rues, bientôt avalé par la circulation.
Le triple concert s’ouvre par Beau Bowen, un duo mixte, donc le guitariste frappe des accords sursaturés alors que sa consœur libère de temps a autre l’un ou l’autre cri qui tente de se greffer sur la guitare mais ça tombe souvent à côté de la cible. Né à Oakland en 1969, Beau, bénéficie de la double nationalité Canadienne et Américaine. Son travail musical aborde les questions de traumatisme et de mémoire liées à l'esclavage américain, l'immigration, le Mouvement des Droits civiques et le Ku Klux Klan. Ceci explique cela, comme dirait un célèbre commentateur sportif belge. On comprend mieux les cris. Pas ma tasse de thé ce truc là en tout cas.
Fire In Her Eyes (Set-list):
01.Keepers.
02.Juggling Clown.
03.I Wanna Know Ya.
04.Magpie.
05.Written Within.
06.Nightingale.
07.Sooner or Later.
Deuxième artiste, et là c’est une claque en pleine face : formé en 2016, Fire In Her Eyes, est un band Londonien, et donc anglais, créé par les sœurs Daniella (24 ans) et Natasha Livingston (I présume) qui porte ses 21 ans avec confiance et sérénité. Des harmonies vocales à tomber par terre et des musiciens qui savent jouer magnifiquement bien, je vous le garantis. Au niveau des influences de ces demoiselles, rien que des grands : The Beatles, David Bowie, Jefferson Airplane, Pink Floyd, King Crimson, Led Zeppelin, The Doors et Jimi Hendrix pour ne citer qu’eux. On passe du Moyen-Age au psyché, sans oublier le jazz et le progressif. L’ensemble est un véritable délice, dommage qu’il n’y ait pas encore de cd pour l’instant. J’attends impatiemment la parution d’un premier album, une vraie découverte, énormément de talent, ce groupe peut aller très loin, j’en suis persuadé. On ne s’embête pas une seconde tant c’est parfait. Un groupe à suivre de près. En tout cas, voilà 35 minutes de concert qui ont passé à toute allure tant c’était au-delà de tout ce que nous pouvions espérer. Trente-cinq minutes extraordinaires que je ne me lasse pas d’écouter, en boucle. Oui, j’ai enregistré le concert, comme d’habitude. Un petit coup de cœur pour « Nightingale » gorgé de sitar.
Rosalie Cunningham (Set-List) :
01.Start with The Corners.
02.Ride on My Bike.
03.Dethroning of The Party Queen.
04.Donovan Ellington.
05.Donny (Pt.2)
06.Duet.
07.Riddles and Games.
08.Rabbit Foot.
09.Tristitia Amnesia.
10.Tempest and The Tide.
11.Chocolate Money.
Rosalie Cunningham (Line Up)
Rosalie Cunningham: vocals & guitar
Claudia Gonzalez-Diaz: vocals & bass
Aaron Thomson: keyboards
Bo Walsh: drums
Rosco Wilson: vocals & guitar
Voilà, ça y est, on est prêts comme disait jadis un ami banquier. C’est quand même pour Rosalie Cunningham que nous avons fait le déplacement depuis notre Condroz natal, là où les rivières, qui ne sont pas pourpres, se transforment en fleuves infranchissables à chaque fois que le danger menace nos libertés individuelles.
Etant donné le couvre-feu mis en place à cause de la proximité des zones d’habitations voisines d’une part et la reconversion rapide de l’établissement en une formule club d’autre part, le concert sera limité à 70 minutes. Ca tombe bien car le line up actuel qui offre un nouveau visage, n’a eu que le temps d’une répétition pour mettre le répertoire en place et prendre ses repères. C’est peu, mais avec des musiciens de ce calibre là, ça fonctionne. Rosalie dirige l’ensemble avec maestria et les compositions y ont encore gagné en qualité et en puissance émotionnelle. La mixité fonctionne super bien, ni jalousies ni caprices, chacun sait ce qu’il faut faire pour ajouter sa pierre à l’édifice. Et toujours cette attraction particulière pour les splendides « Tristitia Amnesia » et « Tempest and The Tide » auxquels j’ajouterai un « Rabbit Foot » grand comme çà…
C’est ainsi qu’on sent d’une fois à l’autre une confiance qui s’installe, chaque instrumentiste trouve son espace. Et, j’en veux pour preuve, les morceaux qui s’allongent et partent dans des jam de haute volée au fur et à mesure que le spectacle progresse. Blues, Baroque, Psychédélique, Rock labelisé ‘70’s, tous les ingrédients sont là pour concocter les plats riches et savoureux dont nous allons nous gorger à l’envi au cours de ce banquet orgiaque que nous n’oublierons pas de sitôt.
C’était un pur délice ce concert, certainement, le meilleur auquel j’ai assisté.
Rencontre avec Rosalie et son fan #1 comme elle m'appelle, mais le temps passe vite et les musiciens sont fermement invités à débarrasser les lieux. Ce ne sont habituellement pas là le genre de manières auxquelles nous sommes habitués en Angleterre et c’est un peu dommage, consignes ou pas, de faire montre de pareille attitude, même si le Lafayette doit maintenant prendre sa version Club.
Merci à Rosalie et à son band pour ce magnifique concert.
Maintenant on sait que ça va aller, on a une « Patte de Lapin » qui va nous porter chance (private joke). Ne restez pas trop longtemps avant de venir nous voir. See ya !
Il nous reste encore à trouver un endroit où nous sustenter et boire un bon coup avant de rentrer.
Nous jetons notre dévolu sur une pizzeria située à quelques vols planés de rondelles de saucisson de l’hôtel.
Nous voilà à peine attablés que nos oreilles ont déjà repéré l’ambiance résolument classic rock qui règne dans les cuisines. On y aperçoit le pizzaïolo de service chanter et danser en rythme, tout en écoutant sa playlist de Hard Rock, fabriquant inlassablement les repas pour une clientèle encore nombreuse sur Euston Road en cette soirée bien agréable.
Evidemment, l’adrénaline joue son rôle, on ne s’endormira pas avant de réécouter l’enregistrement des concerts.
La nuit sera donc brève mais les souvenirs, il n’y a rien de tel.
Mitch « ZoSo » Duterck