Jazz ô Château- Baiju Bhatt & Red Sun feat Nguyên Lê et Dock In Absolute - Château de Pommorio - Tréveneuc - le 23 avril 2022
michel
Après être arrivé tardivement au Château de Pommorio, où le Razzco Trio distille son élégant jazz fusion dans les jardins , tu attends l'ouverture des portes pour le plat de résistance de la seconde journée payante du festival, sont prévus: Dock in Absolute et Baiju Bhatt & Red Sun feat Nguyên Lê.
Si l'assistance est un peu moins nombreuse que la veille, le programme reste de qualité!
Dock in Absolute ( what's in a name), est catalogué band luxembourgeois, c'est là qu'il réside,.
Le trio, composé du grand-ducal Victor Kraus à la batterie ( Canto Ostinato, Nomad the Group, KrausFrink Percussion,...), de David Kintziger, Luxembourg belge, à la basse électrique (IsaMia quartet, Val et les Bateleurs ...) et de Jean-Philippe Koch, piano teacher at the Conservatoire de Luxembourg, au piano et compositions (il est actif au sein du Koch trio avec papa et Laurence, sa soeur), a récolté une multitude de' Awards dans sa jeune carrière: “Export Artist of the Year” ( 2 x), "N.1 discovery artist of the year" (Jazz News) .
Les festivals a les avoir accueillis ne se comptent plus, on se contente de quelques noms: the Tokyo Jazz Festival, the Hong Kong International Jazz Festival, Edinburgh Jazz Festival, Liverpool Jazz Festival, Paris Jazz Festival à la Cité, Yokohama Jazz Promenade Festival, Brussels Jazz Marathon, Stuttgart Musikfest, Südtirol Jazz Festival ,Ploiesti Hot Jazz Summit, Shenzhen Fringe Festival, Jazz In July Singapore... que Tréveneuc ait réussi à les programmer relève de l'exploit.
Discographie: Dock in Absolute ( 2017) - Unlikely ( 2019) , un troisième album est sur le point d'être enregistré en Italie.
C'est ce nouveau projet qui servira de pierre angulaire pour le récital de ce soir, qui débute par 'Rise in the East' , une composition, en forme de mini concerto, mariant lyrisme et électricité, pour compléter la description on ajoute un drumming vachement rock.
Flamboyance, technicité , grâce, émotion et punch se côtoient pour former un emboîtement idéal.
Si David avait manié une contrebasse, on aurait pu dresser un parallèle avec les envolées de The Bad Plus.
La setlist signale 'Rolling' comme seconde plage, vive et présentant divers coloris.
La suivante, 'Heartbeat' est à nouveau un titre recevant son baptême du feu en concert.
Aucune arythmie, l'activité cardiaque est régulière, le myocarde supporte les changements de tempo instaurés par le trio.
Victor lance ' Interstice' par quelques coups de baguettes agressifs, tandis qu'un pied martyrise la pédale de la grosse caisse à faire claquer sa peau tendue, la basse, méthodique, et le piano se pointent, ce qui ne suspend pas l'approche répétitive instaurée par le batteur.
Le piano caracole sans hâte comme si le vrai départ n'avait pas encore été donné.
Victor s'octroie une pause pour laisser ses copains achever la plage en douce.
L'équipe reprend la route avec 'Swell' , une pièce toujours aussi aventureuse.
Jean-Philippe décide de placer un piano solo qu'il n'a pas réussi à baptiser, toutes vos propositions sont les bienvenues, ajoute-t-il.
Juliette avait pensé au ' Bal des Lucioles', une dame moins lunatique proposera 'Bruine'.
Episode recueillement pour la basse et la batterie, durant cette pièce qui aurait beaucoup plu à Wim Mertens.
'Submission', un extrait du premier LP, se présente comme une marche dramatique. Fougue et romantisme se rejoignent comme si Franz Liszt avait rendez-vous avec Wagner.
On quitte les Valkyries pour une plage introspective inspirée du Japon, ' Kintsugi' ou comment réparer une poterie avec des coutures d'or.
'Floating Memories' se trouve sur le second album , dans les méandres du cerveau, tu cherches l'origine des crises épileptiques.
'Sofia' a été écrit pour la fillette ( 1 an) de Jean-Philippe, la berceuse est plus turbulente que sereine.
Le morceau 'Ascension' s'avère assez mélodieux, tu crois même y dénicher des relents Michel Legrand.
Victor a sorti un triangle et un xylophone ( invisible) de sa trousse, le piano prend des sonorités de clavecin, tout baigne dans un calme relatif avant un galop final.
Voici la dernière, ' Broadwalk Sunshine' qui démarre sur un jeu de basse groovy avant de partir en rondo nerveux.
Ovation méritée et ' Heartbeat' en rappel avant une longue séance dédicaces!.
Pause boisson avant le concert de Baiju Bhatt & Red Sun qui est annoncé avec un invité de marque: le guitariste Nguyên Lê .
Le violoniste vaudois Baiju Bhatt propose un mix de musique indienne ( son grand-père était une légende du sitar indien, qui rivalisait avec Ravi Shankar) et de jazz européen ( le fils de Françoise Burger , enseignante à Vevey, a fréquenté la Haute-Ecole de Musique de Lausanne).
Avec son groupe Red Sun , il a sorti deux albums: 'Alive in Lausanne' en 2017- et 'Eastern Sonata ' en 2019, un troisième disque est prévu, sans qu'une date de sortie n'ait été mentionnée.
Le line-up:
Baiju Bhatt, violon /
Valentin Conus, saxophones ( tenor et alto) , il dirige son propre quartet /
Mark Priore au piano ( Mark & The Peaceful Explorers) /
Paul Berne à la batterie ( Uptake, Odil, Mental Climbers, Sarab...)
et Blaise Hommage , hello j'ai une toute nouvelle basse, ( Raïlo Trio, Valentin Conus 4tet, Louis Billette Quintet....).
Après une amorce pointilliste, Baiju et ses copains du Soleil Rouge attaquent 'Pari Shokogun', un jazz ethnique enivrant qui, pendant huit minutes, t'invite à quitter l'Occident cartésien pour te plonger dans un univers moins nombriliste.
Sax et violon papillonnent, basse et batterie impriment un tempo remuant, le piano, par petites touches, distille un parfum classique.
C'est d'ailleurs Mark qui lance la suivante' ' Carnaval, d'après le papier gisant aux pieds du violoniste.
Ce nocturne indien voit l'équipe en attente, un sixième élément s'apprête à rejoindre la troupe, il attend son heure.
Le violon part en voltige, basse et sax s'éveillent, Paul patiente, soudain, il sort de son état léthargique et la composition prend de l'ampleur.
On a enregistré ce morceau il y a tout juste deux jours en Allemagne, confie le leader de la formation.
Nguyên Lê, grand admirateur de Jimi Hendrix, fait entendre le son caractéristique de sa guitare pour entamer ' Cloud'.
Un nuage qui ne ressemble pas vraiment à celui de Django Reinhardt, même si en 2012 on a attribué le prix Django Reinhardt à ce grand monsieur.
Le guitariste, qui peut étaler une carte de visite à faire baver tous les gratteux de la terre, manie l'ebow , les sonorités vibrantes de sa guitare semblent émaner d'un sitar, il multiplie les effets sidéraux, le public, cool, en reste baba, ses amis musiciens, en souriant, admirent son toucher.
Paul est le premier à sortir de sa rêverie pour accompagner le musicien d'origine vietnamienne, la basse saute dans le wagon, puis le violon, le son gonfle encore avec l'arrivée du sax ( alto) et du piano.
Cette très longue plage évoque les meilleurs moments du grandiose Mahavishnu Orchestra, fondé par John McLaughlin.
Baiju, Mark, Paul et Blaise parviennent à faire oublier Billy Cobham, Jan Hammer, Rick Laird ou Jean-Luc Ponty.
Bill Evans, présent dans la dernière mouture du supergroupe, aurait apprécié le jeu de Valentin Conus, s'il avait été présent dans la salle.
Le public, en ébullition, applaudit à tout rompre au terme de la plage.
Il s'agit de calmer les esprits, le piano et le violon, en duo, proposent une romance plaintive qui leur permet d'improviser à leur guise, ' People and Tomorrow'.
Paul a eu le temps de recharger les accus , il entame ' Belly' par un solo de batterie musclé qui précède une séquence free jazz épique et luxuriante.
Qui a dit qu'en Suisse tous les musiciens pratiquaient la Streichmüsik, le yodel, ou accompagnaient les chanteurs ou chanteuses de Schlagers?
C'est un jugement hâtif, voire injurieux: Samuel Blaser, Patrick Moraz, Erik Truffaz ( né en Suisse), Sophie Hunger, Stephan Eicher, The Young Gods, Gotthard ou Krokus , sans oublier Lys Assia , première gagnante de l'Eurovision, font dire à Lio, les Suisses ne comptent pas pour des prunes, même si leur Damassine vaut toutes les eaux-de-vie à base de quetsches d'Alsace.
Il en reste une, annonce le violon: 'Nataraj', une composition bourrée d'effets tantôt raffinés, tantôt fracassants.
Forcément, le public réclame un rappel, ce sera 'Garuda' , un aigle géant mythique, une des incarnations de Vishnou.
Rideau!
Ce concert explosif restera dans les annales du festival!