samedi 1 avril 2023

Manu Lanvin and The Devil Blues au Spirit of 66 - Verviers, le mercredi 29 mars 2023.

 Manu Lanvin and The Devil Blues au Spirit of 66 - Verviers, le  mercredi 29 mars 2023.

 

 Mitch ZoSo Duterck

 

Manu LANVIN & The Devil Blues - Spirit of '66 - Verviers (BEL) - 2023.03.29
 
Il y a peu de temps encore je m'abandonnais à rêver en solitaire. C'est d'ailleurs ce que font les célibataires endurcis par foi et parfois en dur, si! je vous le déclare, tout de go : le célibat et la solitude sont deux entités qui n'en font en réalité qu’une seule et unique. Leur seule fonction étant de vous rappeler qu'une fois la porte fermée, c'est n'est que sur vous qu’il faudra compter pour tenter de briser l'écho sans relief répondant au son presque insupportable de votre voix. Rebondissant contre les murs de votre éloignement dans une sorte de ping-pong malsain, vous gagnerez peut-être une partie de temps à autre mais jamais le championnat. Tout ça pour vous dire que Monsieur 100.000 volts qui s'égosillait en chantant, à moins que ça soit l’inverse: "La solitude, ça n'existe pas!" Eh bien, Il ne savait manifestement pas de quoi il parlait. Tiens, à propos, depuis tout ce temps, est-ce qu'on sait enfin qui avait volé l'orange du marchand?
Donc, concentrons-nous comme on disait à Drancy entre 1941 et 1944, je me posais justement la question de savoir comment agrémenter la soirée du 29 mars, lorsqu'au détour d'une page qui venait d’apparaître sur l'écran de mon ordinateur portable à la vitesse d'une braguette descendante, motivée par une urgence subite: 29 mars 2023 - Spirit of 66 - Manu Lanvin & The Devil Blues. Comme un boulet de canon, et toujours dans le même élan comme disent les trappeurs zoophiles, j’émergeai de ma torpeur et envoyai derechef (cette expression ne fonctionne qu’avec le grade de chef, essaie avec autre chose si tu as des doutes, tu verras bien) j’envoyai ce message laconique (oh lui) à mon ami Carlo : "On va voir Manu le 29 mars ?" Petite parenthèse, tu as vu comment je te gâte juste avec un soupçon de passé simple, imparfait j’en conviens, dans un présent qui ne l’est pas lui non plus.
Mon pote étant un homme de décisions, la réponse ne tardât pas à s’afficher : « ok je m’occupe des tickets, Mono vient aussi. » Tu as certainement remarqué depuis que tu me lis que nous avons tous des surnoms généralement bien représentatifs de notre personnalité. Lui, il s’appelle Mono, rien à voir avec une déficience auditive qui le priverait d’une moitié du répertoire de Manu. Du tout, du tout. Mono c'est l’artiste fou de la bande, le McGyver du graphisme, humoriste corrosif comme un bidon de Destop. Passé maître dans l’art des jeux de mots à tiroirs, il peut en un tour de main transformer une simple pin-up en femme à toile! C’est toujours beau à regarder une jolie femme à toile, non ?
Je te passe le récit de l’excitation qui nous gagne à chaque fois entre deux concerts ainsi que les détails techniques et autres discussions abordées lors du périple qui nous mène à Verviers. On se congratule avec Manu. Au cas où ta mémoire te jouerait des Tours (Indre-et-Loire, département # 37) nous avions vu le fils de Gérard (Lanvin, pas Lambert) pour la première fois au festival « Rétro C Trop » de Tilloloy le 25 juin dernier. Sa prestation ne nous avait d’ailleurs pas laissé indifférents. Ma revue de son concert m’avait valu un « like » de sa part. J’ai eu la chance de le revoir ensuite en compagnie de son père au festival Blues Passions de Cognac le 8 Juillet. Le fait de poser nos bagages dans le même endroit nous avait permis de passer pas mal de temps ensemble à parler de… musique. Mais pas que.
On s’était mis rendez-vous dans… Non, déconne pas, je ne te ferais jamais le coup de t’emmener Place des Grands Hommes. Rendez-vous à Verviers, dont acte. Comme d’habitude, le fait d’être dans le peloton de tête avant l’ouverture des portes nous garantit une place de choix dans le temple de la musique qu’est le ’66 de ce diable de Francis Geron qui a toujours le nez fin pour nous sortir un lapin blanc de son chapeau. Pendant que je devise par devers moi comme disait le marquis de Gonzague, passionné de verres vendus par bottes, d'où la célèbre expression "La botte de neuf verres", mes compagnons de route en profitent pour parfaire leur technique en matière de photo, unissant leurs efforts pour me laisser un cliché sous-exposé dans la boîte…
Vingt-heures trente. Ça y est, c’est parti. Le power trio s’empare de la scène et va nous mettre le souk d’entrée. Agé de 49 ans, notre Emmanuel dit Manu, né à Suresnes dans les Hauts-de-Seine le 26 novembre 1973 a déjà une longue carrière derrière lui puisqu’il monte, Caïman, son premier groupe à l’âge de 13 ans. D’abord batteur, il est bien vite attiré par la guitare dont il apprendra à jouer en autodidacte. Entre 2000 et 2007, le Parisien (Libéré, L’Equipe) enregistre trois albums et rencontre le bluesman américain Calvin Russel qui va marquer un tournant dans sa vie. Les deux hommes se lient d’amitié et Manu coécrit et coproduit en 2009 « Dawg Eat Dawg » le dernier album de Calvin qui décèdera le 3 avril 2011. Le prolixe Manu sortira quatre albums de plus entre 2012 et 2019. Il nous confie qu’il enregistre actuellement son nouvel opus sur lequel on retrouvera notamment notre BJ Scott nationale.
Mais ce n’est pas tout ça, c’est sur les planches que ça se passe ce soir. Manu et son band ont mis le feu dès les premières notes du concert. Ça enchaîne à une vitesse, mes aïeux, on se croirait sur le marché aux esclaves de Bâton Rouge (prononcez « Bâton Rwouge ») en Louisiane (prononcez « Louziana ») en 1860. Sauf qu’ici, ce n’est pas le sang qui coule mais les litres de sueurs d’un Manu Intenable et bondissant comme un kangourou qui s’entraîne pour le championnat du monde de saut de clôture dans le Bush australien. Notre homme se démultiplie et fait quelques passages remarqués dans le public, les cœurs féminins chavirent, quelle énergie ! On est à deux doigts d’entendre des couinements aigus s’élever, sortes de Patriiiick changés en « Manuuuuu !!!. Il donne tellement de sa personne qu’on se dit que ça ne peut pas durer. Pas de chance, pour ceux qui le croyaient, il ne roule pas bio le Parigot, il a des réserves.
Au niveau vocal, Il a la voix râpeuse et rocailleuse à souhait des bluesmen américains. On ne fait pas dans la finesse scolaire des harmonies suicidaires, non, ici on joue sur le vécu et l’émotion du moment, la vraie celle qui s’écrit en lettres de sang et se soigne au bourbon, straight ! Le répertoire, bien balancé, se compose d’un mélange subtil de morceaux extraits de la discographie de l’artiste ainsi que de reprises telle que « Red House » de Jimi Hendrix,« Highway To Hell » d’AC-DC ainsi que de quelques titres en français. Au bout d’une heure trente d’une intensité rare, le trio quitte la fournaise, ça s’en va et ça revient, c’est fait de tout petits riens… C’est fini oui ? m’enfin !
On s’attendait bien à un ou deux rappels, c’est souvent la tape et c’est un peu logique mais ce qu’on ne savait pas c’est que c’était reparti pour trois-quarts d’heure ! le clou du spectacle réside dans un medley de folie dans lequel on identifie sans difficulté le combien célèbre « Gloria » des Irlandais du Them et surtout l’emblématique « Born On the Bayou » popularisé par le Creedence Clearwater Revival de John Fogerty que le public en folie hurlera jusqu’à la dernière note de ce concert d’une intensité exceptionnelle. Un show de 135 minutes sans concessions.
Je m’en voudrais de ne pas mettre en avant l’hommage rendu aux belges par l’interprétation d’un titre de Jacques Brel que Manu a eu l’intelligence d’interpréter à sa sauce au lieu de vouloir, comme beaucoup le font, attaquer le grand Jacques de face et s’écraser contre un mur. Bravo et merci pour ce fantastique concert basé sous le signe de l’énergie, de la générosité et du partage.
Mais il est temps de se quitter et après quelques paroles et une photo souvenir, on se congratule, et on se dit « à bientôt », c’est qu’on a encore de la route à faire nous. « On se téléphone me dit Manu » tu peux y compter mec ! Merci et à bientôt et bonne lecture de mon bouquin.
Comme dit si bien le proverbe issu de la fable « Le Milan et le Rossignol » de Jean de La Fontaine: « Ventre affamé n’a point d’oreilles. » Une formule que l’on retrouvait déjà chez Rabelais. Ce sera donc après voir ingéré un hamburger roboratif que nous reprenons le chemin du retour, riche tant en déviations routières que verbales sans oublier les rires habituels. Une super soirée ! Merci à Carlo, Carine, Mono et Nathalie.
Mitch « ZoSo » Duterck