Album - Intersection - An Eagle in your Mind
michel
Greenpiste Records
Un jour, en 2021, on était à la seconde étape du déconfinement, NoPo ( cf article) se rend au Cap à Plérin, qui a la bonne idée de programmer un groupe après de longs mois de disette: An Eagle in your Mind!
Deux ans plus tard, un CD échoue à côté de tes factures et autre courrier indésirable dans une boîte destinée à recevoir des épîtres et diverses inepties: 'Intersection' de An Eagle in your Mind!
Si 'An eagle in your mind' est le titre d'une plage de Boards of Canada, on ira plutôt voir du côté des Amérindiens!
Comme le disait White Eagle Hopi " The eagle spirit reminds you that freedom begins in the mind.", déjà tu te voyais dans les plaines arides de l'Arizona, à un détail près, le tipi de Raoul Canivet ( alias Raoul Eden, merci Vanessa) et Sophia Achhibat ( alias Sophia Djebel Rose, je chante des chansons en français en m’accompagnant d’une guitare et parfois d’un harmonium indien) est installé du côté du Puy-en-Velay.
'Intersection' est leur troisième full CD, il suit l'EP des débuts, 'Sunday' ( 2016), et les albums 'Outside' ( 2017) et 'Miraculous Weapons' ( 2018).
NoPo avançait les tags folk, blues, gospel, psychedelia, world music, mais aussi éléments électroniques, bref un mix audacieux, quasi inclassable, éventuellement on peut les comparer à Alan Lomax, l'ethnomusicologue, spécialiste en field recordings.
Avant de passer à l'écoute du recueil, on mentionne que chaque membre du collectif s'absorbe dans d'autres projets, Sophia a pondu un EP et un full album sous son nom d'artiste et Raoul prépare activement un EP ( veine Leo Kottke) , quelques titres s'écoutent et se voient sur YouTube.
Tracklist :
01- Desert Land
02- Storm
03- Intersection
04- On your Shoulders
05- Riverside
06- Let me ride
07- Silver Plate
Sophia Achhibat : Chant / harmonium/orgue
Raoul Canivet : Guitare / dobro/ percussions / Basse/ synthés/ beats
Graphic design ( ésotérique) : Jonathan Gowthorpe!
Sa fiche dit: Le travail de Jonathan Gowthorpe explore les productions possibles par le dessin, dans une logique sérielle et graphique où un élément déclenche une déclinaison; d’un motif nait le dessin, qui devient volume puis édition et multiples. À partir d’un répertoire de motifs et trames, d’un catalogue de formes privilégiées et de toutes les techniques permettant de modifier, marquer, imprimer la matière papier, Jonathan Gowthorpe réalise ce qu’il a pour habitude de nommer des familles d’oeuvres.
'Desert Land' , pour quelle raison excentrique cette première plage lancinante évoque-t-elle le travail solo de Brian Jones, no idea?, mais tu t'es mis à réécouter " The Pipes Of Pan At Joujouka".
La voix mystérieuse et torturée de Sophia, débitant un lament ténébreux, les choeurs acides et sacrés, samplés on ne sait d'où, l'harmonium désuet, les percussions et beats répétitifs et les guitares sonnant desert blues poussiéreux, à la manière de Tinariwen, tout nous plonge dans un univers à la fois étrange, mystique, et singulièrement attirant.
Tout aussi tribal et lo-fi blues , le duo propose ' Storm' , un titre à reprocher des travaux de Patti Smith et du Soundwalk Collective.
Tu plonges dans un univers sonore déroutant, propice à la méditation, à la remise en question, au recueillement, aux errances....
Patti Smith vénère Rimbaud, An Eagle in Your Mind ne doit pas maudire le globe-trotter de Charleville.
'Intersection' est dominé par les sonorités hiératiques de l'harmonium indien et les accords itératifs à la guitare. La voix de la pythie de Haute-Loire marmonne sa litanie avant de prendre de l'ampleur et de s'élever vers des sphères où les portes ont été définitivement bannies pour laisser les créatures survivantes libres de musarder où bon leur semble.
Pas de chamboulement extrême du canevas sonore sur 'On your shoulders', l'harmonium, les riffs de guitare répétitifs, les percussions tribales sont toujours présentes, la voix, au début hypnotique, joue à saute-mouton , ce qui retient l'attention toutefois ce sont les backing vocals majestueux qui, en toile de fond, habillent la mélopée.
Nous voilà revenus aux temps bénis du psychedelic folk avec comme point de repère le Tyrannosaurus Rex de Marc Bolan/ Steve Peregrin Took, très influencés par Ravi Shankar.
T'es perdue?
Oui, je cherche la route qui doit m'emmener près de de la rivière, celle qui conduit au paradis, avant d'y avoir accès il me faut un bain purifiant.
Mystique tu as dit, du blues mystique, ça existe, ' Riverside ' en est la preuve.
Les boots, le vieux T-shirt , les jeans élimés, les chaussettes trouées, iront traîné sur l'herbe folle, c'est nus que nous nous baignerons dans l'oued, comme à Woodstock, jadis.
Une concession à la musique moins exigeante, ' Let me ride' pourrait même passer sur Radio Bonheur, si ces gens ne s'obstinaient pas à nous abreuver de chansons françaises et d'accordéon musette.
T'es sûr de ce que tu avances?
A toi de voir, ' Let me Ride' montre un petit côté pop sympathique même si le propos ne prête guère aux cris d'allégresse.
Comme tous nos amis ont passé l'arme à gauche avant d'avoir pu construire le nouveau monde, on se sent un peu perdus , il nous reste le loisir de chanter à la lune!
D'accord je vais m'enfiler ' Utopia' de Todd Rundgren!
Une dernière note, assez pessimiste, sous forme d'un lament sacré, voce/harmonium, ' Silver Plate' met un terme à la lecture d'un disque, assurément singulier mais également indispensable!