Iyad Haimour à la Médiathèque de Guingamp, le 4 décembre 2021
Ta dernière visite pour un concert à la Médiathèque de Guingamp remonte à mars 2019: le Shakespeare Project Trio y était passé et avait laissé un excellent souvenir aux auditeurs.
En ce 4 décembre pluvieux, c'est Iyad Haimour qui est accueilli Place du-Champ-au Roy.
La petite salle de la Médiathèque, prévue pour les concerts ou conférences, a fait le plein , le Syrien, installé en France depuis pas mal de temps et qui tourne dans la région, a emmené son oud 11 cordes et un sac débordant de flûtes, faites de roseau , les fameux nays utilisés dans bon nombre de pays arabes, il va enchanter l'assistance par sa virtuosité, sa gentillesse et par le côté didactique de sa prestation.
Si le natif de Damas se produit sur scène en solitaire pour faire découvrir le souffle de la musique orientale, il est également souvent invité à accompagner d'autres musiciens passionnés par l'héritage culturel des musiques du monde, citons, le chanteur d' Alep, Hamam Khairy/ la Compagnie lyrique Opér'Azul/ Joce Mienniel et son projet "Babel"/ le projet Les Chants d'Isis avec Florence Quentin et Gérard Kurkdjian comme récitants, et bien d'autres artistes respectant les traditions.
Après avoir salué l'audience, Iyad indique qu'il n'introduira pas son concert à la flûte comme il en a l'habitude, la faute aux crêpes qui lui ont coupé le souffle, il débute sa prestation à l'oud ( un très bel objet au corps en platane et noyer et table en épicéas) par un poème mis en musique, un chant soufi originaire de Syrie, vantant les mérites du vin, qui en certaines occasions n'est pas haram, notamment quand il est fait d'amour avec les larmes des yeux.
La mélopée mélancolique repose sur de précieuses tonalités arabo-andalouses.
Ce lament a le don de te transporter loin des frimas de décembre vers des régions ensablées, où le soleil cogne dur.
Après ce premier jet, le musicien trace un mini-historique de la richesse musicale du Moyen-Orient avant de choisir une flûte, sans bec, dans son volumineux kit-bag et de proposer un hymne à la gloire du prophète .
La complainte archaïque aiguillonne ton esprit qui sur l' écran cérébral projette, en noir et blanc, de vieilles images de charmeurs de serpents du côté d'Agadir ou de Volubilis, le film était trouble, désolé. Puis d'autres flashes viennent troubler tes pensées, Brian Jones et les Masters Musicians of Jajouka entament un dialogue métaphysique sur fond de transe orientale.
Quoi, si j'ai vu Ornette Coleman, non, la télé mentale est tombée en panne.
Après cet exercice exigeant du souffle et de la concentration, Iyad enchaîne sur une danse syrienne, à l'oud.
Il manquait quelques derviches tourneurs pour pirouetter sur cette danse des mouchoirs pour que le dépaysement soit total.
Un conseil: n'essayez pas de battre des mains pour accompagner la pièce suivante, une poésie chantée basée sur une rythmique à 17 temps.
Il n'y avait aucun jongleur; ni aucun acrobate dans l'assistance, on s'est contenté d'admirer la dextérité du joueur de luth qui embraye sur un morceau majestueux, tiré du répertoire ottoman, dont la traduction française sonne 'Honneur au sultan'.
La suivante, apaisée, fait partie de la musique arabe populaire, à l'origine elle est chantée en langue azeri.
Après l'Azerbaïdjan , on prend la direction du Caire pour un titre composé au 19è siècle.
Il a beaucoup voyagé passant d'Egypte, en Syrie, en Turquie et quasi dans tous les pays du Moyen -Orient, avant d'être repris en Grèce et en Espagne.
Le public, captivé, écoute religieusement, pour applaudir pendant de longues minutes au terme du morceau de bravoure.
Séquence interactive.
Des questions?
Quelques dames interrogent. L'artiste explique, l'histoire de l'oud est retracée, de son origine, en Mésopotamie ( 1800 avant J C), à sa forme occidentale, le luth, mais aussi le théorbe.
Un mini- manuel de fabrication est esquissé, avant une question concernant ce qui lui sert de plectre.
En principe il faudrait utiliser de la corne de boeuf, ou une plume d'aigle, ne le dites à personne, j'utilise une touillette en plastique piquée sur un avion de la Lufthansa.
Je termine le récital par une danse syrienne, une danse coquette en mode saba, elle est prévue pour les dames.
Ce morceau mouvementé a failli être saccagé par un farfelu, qui assis derrière toi, s'essayait avec maladresse aux fingersnaps.
Heureusement, Emile n'a pas fait d'émules, pas de rififi à Guingamp, l'artiste a pu achever sa tirade sans encombres.
En guise de rappel, Iyad Haimour a proposé une de ses compositions, à 6 temps, jouée au nay avant de prendre congé d'un public séduit!
Prochain concert à la médiathèque: Malo chante Brassens, le 8 janvier!