mercredi 14 octobre 2020

Yael Naim à La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc, le 13 octobre 2020

Yael Naim à La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc, le 13 octobre 2020

 

Une première quinzaine d'octobre monstrueusement pluvieuse... en cette morne soirée, il a fallu  sérieusement se contraindre à quitter un chaud domicile, où le chat ronronne à 20 cm du poêle à bois tournant à plein régime.

Traverser Saint-Brieuc sous une pluie battante n'est pas un exercice te conduisant vers le nirvana, à peine 5 minutes de marche et tu dégoulines, mais pas d'amour.

Après avoir décliné ton identité et collecté ton ticket, tu prends place sur le siège H 17, les jeans trempés, que tu conserves, mais tu jettes  la veste détrempée à tes pieds, il te reste à attendre le coup d'envoi comme les centaines d'autres masqués ayant affronté les intempéries.

Derrière-toi, Yvonne glisse à monsieur: Assez glauque, l'ambiance...

Tu n'as pas souri!

20:15', obscurité intégrale, Yael Naim, précédée d'un technicien muni d'une lampe de poche, s'installe derrière le piano et les claviers, elle se produit en solitaire pour la seconde date d'une tournée entamée aux Nuits Botanique à Bruxelles.

La clef de voûte de son répertoire repose sur son dernier album ( le sixième) , le bien-nommé ' Nightsongs'.

Quelques notes parcimonieuses, histoire de se délier les phalanges, elle vient d'entamer le somptueux nocturne ' Shine', qui brille de mille feux dans une salle plongée dans une pénombre vert émeraude.

L'artiste passe du piano aux claviers, la complainte, majestueuse, céleste, déjà, te refile la chair de poule, à moins que ce soit tes frusques mouillées qui t'amènent à frissonner. Bonsoir, Saint-Brieuc, je suis si heureuse de retrouver la scène après un trop long silence, elle attaque ' How will I know' qui amalgame anglais et français.

La voix est ample, caressante, l'orchestration fastueuse, et pourtant, elle se produit seule, sur le disque un choeur féminin, aérien,  habille la composition.

Un sourire, un merci d'être là, la dame blanche, nous révèle la genèse des ' Nightsongs', l'album est le fruit d'un confinement personnel, il est en grande partie autobiographique et baigne dans une mélancolie et une gravité qui la rapprochent d'artistes de la trempe d'Agnes Obel, de  Soap and Skin ou de Marissa Nadler.

'She' , et ses touches Keren Ann, bouleverse, 'Familiar' marie douceur, émotions,  sensualité et grâce.

L'album contient deux plages en français, 'Miettes' en est une, Yael fait astucieusement rimer la langue de Molière et celle de Shakespeare, cette comptine minimaliste va droit au coeur, ellet est capable d'attendrir la brute la plus sombre. 

Le pointilliste 'Des trous' est le second morceau en langue romane et si tu pensais au "Poinçonneur des lilas", tu t'es fourvoyé, elle esquisse avec pudeur la difficulté d'aimer. 

C'est à 39 ans que l'on se pose des questions, qu'on sent sous soi la terre trembler, qu'on réfléchit au sens de la vie...  mon père s'est envolé vers un ailleurs, cette chanson ( ' Daddy')  s'est imposée à moi. 

Close your eyes, listen to your heart beat... une liturgie en clair obscur, tu suis son conseil, tu fermes les yeux et  écoutes le chant de la pluie, par la fenêtre, tu entrevois des arbres, quasi dénudés, qui oscillent au gré des vents d'automne, tandis que Yael murmure puis vocalise et laisse la mélodie s'estomper.

Saint-Brieuc, pas trop déprimé, voici un uptempo.

Pourtant ' My Sweet Heart' démarre paresseusement avant de s'activer et de prendre de l'envergure.

Au terme de 'Watching you' et de ses  allures de gospel gothique, elle propose au public de choisir la suivante.

'Coward' ou ' Go to the river' ( écrit par David Donatien)  sont proposés, c'est ce dernier titre, extrait de l'album  "She Was A Boy" qu'elle entreprend après quelques balbutiements.

Superbe souvenir, rythmé et optimiste, accompagné par nos battements de mains, Yael enchaîne sur le hit 'New Soul' à la grande joie de l'assistance.

Toujours dans le réservoir du passé, elle ressuscite la ballade  'Lonely' avant de se diriger vers la guitare pour revenir au dernier album et interpréter le lumineux 'The sun', une chanson parlant de regrets, de conscience et de gratitude.

Eclairagiste, pouvez-vous plonger la salle dans le noir?

Ell a emmené une lanterne, s'éclaire, divise la salle en trois groupes, priés de démarrer un canon biblique, elle se promène au bas de la scène pour chanter ' Leave it there'  a capella  et terminer ce concert fascinant.


Saint-Brieuc la rappelle, elle nous rejoint, hésite, piano/guitare ?, le roadie a escamoté les trois micros installés près de l'instrument à cordes, elle en déniche au dessus du piano pour amorcer ' Paris', chanté en hébreu.

Une pure merveille suivie par ' Coward' au piano.


How did I become a coward ?, tu t'es posé la question en reprenant le chemin du retour, Stromae ne t'a fourni aucune réponse!


Anyway, un grand concert!