lundi 19 octobre 2020

Laura Perrudin • Soren Canto à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc , le 17 octobre 2020

Laura Perrudin • Soren Canto à Bonjour Minuit, Saint-Brieuc , le 17 octobre 2020


Durcissement des mesures sanitaires pour enrayer le Covid-19, à Bonjour Minuit, plusieurs sièges sont marqués d'une croix, le public cède-t-il à une sorte de panique, car à 21h, la pièce est loin d'afficher complet alors que l'affiche proposée était des plus tentantes, deux artistes bretons,  qualifiés d'audacieux dans leur démarche musicale,  Laura Perrudin et Soren Canto.

Loin du macadam commercial, la dame de Rennes et François Colléaux, alias Soren Canto, ex- Fieffé Fou, ( Douarnenez), empruntent des sentes semées d'embûches où les ornières sont légion.

 Soren Canto.

Sur scène un malin kora,  un synthé, des claviers, un outillage electro ( échantillonneur, boucleur ...) attendent l'arrivée des artistes.

François rapplique, un timide salut avant de proposer un poème de Jean Vasca débutant ainsi ... J'ouvre des portes, comme on s'ouvre la poitrine en plein soleil,pour mieux respirer toute la viande de l'espace qui bourdonne....

Il s'accompagne à la kalimba, aux sonorités douces et harmonieuses caractéristiques.
Mise en route du synthé et quelques notes de piano, la fable prend de la consistance, l'approche évoque Léo Ferré et quand, arrivé au terme du texte, il débite ...
Je suis une île de face,
une île éclatée,
et J'AVANCE... tu te souviens que Léo avait acquis l'île du Guesclin près de Saint-Malo.
Marc Lardoux sort de coulisses pour s'installer à la kora, le duo amorce ' Mutine' , l'histoire 'un amour carcéral.
Une pièce envoûtante et sensible.
Le blues ' Minimalement' fait l' éloge de la sobriété, ensuite pince-sans-rire, le manieur de mots aux cheveux ébouriffés, annonce que d'accoutumée ses compositions sont empreintes de  groove purulent et flirtent avec le funk, ils ont été adaptés pour les concerts assis.
On n'était pas obligé de le croire, il a enchaîné sur le downtempo délicat   'En Nous' un premier extrait du EP  'En mode avion'.
T'as prêté attention au texte et, forcément, t'as entrevu Marilyn lorsque t'as cru entendre  ma rivière  est sans retour .
Exit Marc et changement de style, 'Les Oiseaux' voltigent au dessus des berges du Kourou  sur fond electro.
Il récupère le lamellophone et propose l'impressionniste  ' A refaire' avant de passer au morceau qui a donné son titre à l'EP  ' En mode avion', qui  décrit un monde où désormais tout va trop vite.
Bizarre de faire l'éloge de la lenteur sur une toile ' dance'.
Désolé de casser l'ambiance avec une chanson de rupture, 'Il ne reste rien' bouillonne et joue la carte  musicale indus.
Les plantes saxicoles ont causé la ruine de Rome, le savais-tu?
Soren Canto nous l'apprend, ce n'est pas commun de chanter les plantes qui percent sans racines, Soren Canto n'est pas commun!
Retour de Marc pour finir le set par une suite acoustique, 'Polarité a été composé par Gabriel de Villeneuve, du groupe La Goutte, polarité ou comment marier l'amour et l'électricité, et 'Echouer à l'aube' une autre pépite qui sonne comme du Feu!Chatterton.
 
Un récital apprécié, les plages acoustiques, s'adressant à l'âme, tenant superbement la route!

Laura Perrudin.
La chanteuse,  harpiste, compositrice, productrice et auteure vient de réaliser un troisième album solo . 'Perspectives et avatars' succède à  'Impression' ( 2015)  et  à 'Poisons et  Antidotes'( 2017).
Onirisme, originalité, expérimentations, éclectisme, maîtrise technique, étaient quelques uns des termes utilisés par les critiques analysant les premiers ouvrages,  'Perspectives et avatars' ne va pas déroger aux règles instaurées par une artiste intransigeante qui s'est fait construire sur mesure une harpe chromatique/électrique  par le luthier Philippe Volant.
Je serai seule sur scène, déclarait Laura, seule, mais pas démunie, ses richesses: la fameuse harpe, un maillet, un looper, des pédales à effet, une tige métallique,  différents amplis, une caisse claire reliée aux machines...bref tout un attirail lui permettant de bricoler une texture sonore qui ferait pâlir
Einstürzende Neubauten et autres bruitistes, fameux, style John Zorn, ou inconnus, comme IRèNE  ou encore  les pionniers, Pierre Henry et Karlheinz Stockhausen.
La blonde dame se présente, concentrée, pour ébaucher une amorce avant-garde, la voix, claire, précise, s'élève ' Well, they lied' est sur les rails.
Fingersnaps, boucles, effets liquides, ce trip hop jazzy a tôt fait de plonger l'auditeur dans l'univers particulier de la chanteuse qui nous expliquera que chaque titre de l'album est chanté à la première personne, mais il ne s'agit pas d'une autobiographie, ce sont douze personnages, improbables, qui se confessent, ainsi pour la première plage, c'est une grenouille ayant pris Monsieur Météo en grippe qui s'exprime.
Fondu enchaîné,  et fausse queue, je reprends, elle martyrise la harpe d'un coup de maillet, met en boucle et d'une voix trafiquée entame 'The W Word'  au flow hip hop irrésistible.
Puis vient l'histoire de l'oiseau ayant installé ses pénates en ville, 'Country townie bird',  les teintes asiatiques renvoient à la fois  vers Björk,  Bat for Lashes, Laurie Anderson ou tUnE-yArDs.
'Inks', au texte répétitif et phrasé rap, est extrait de 'Poisons and Antidotes', cette encre n'est pas vraiment celle utilisée par Francis Cabrel nqui a trempé sa plume dans l'encre des yeux de celle qu'il aime.  
Saint-Brieuc, prêts pour requiem chanté du point de vue du défunt, un lapin écrasé?
Une voix sépulcrale amorce 'From one dark side to another' , et tu te mets à penser à Billie Holiday qui, revenue parmi nous, s'essaye au trip hop.
Renversant!
Le trip se poursuit sous la neige, voici le feutré ' Follow Snow' ... à la recherche du silence perdu, merci Marcel. 
Elle se lance dans une séquence de vocalises acrobatiques, actionne le looper et attaque ' Le Poison', un nouvel extrait  ( en français) du second volume de ses oeuvres.
Quand  Baudelaire s'abandonne à l'absinthe...
La harpe sonne comme une contrebasse, 'MetaSong' est certainement la plage que les puristes du jazz apprécieront le plus, malgré l'apport électronique marquant.
Même les chansons se posent des questions, ajoute la jongleuse qui embraye sur 'Light players' , une aquarelle new age  où le flou domine.
Peut-être le titre le plus proche de cette autre harpiste de talent, Joanna Newsom.
Avant de prendre la direction du bar, où je viendrai marchander mes CD's à votre table,  j'interprète  le hip hop 'Push Me' ( Philippe Katerine en voix off), qui traite des enquêtes, laborieuses, s'enquérant de l'indice de satisfaction après un service quelconque ou l'achat d'un objet inutile.
 
 
C'est gentil de me rappeler, je compte sur votre participation pour assurer le fond liturgique du traditionnel folk  ' When I was a youg girl' ( Barbara Dane) que je compte vous chanter a capella.
Elle peut tout faire, Laura, et toujours avec grâce!