samedi 11 juin 2016

ilill - Les Orties Bruyantes - Hermann Glauert Mojone à la Cheminée- Forest le 9 juin 2016

ilill  - Les Orties Bruyantes  - Hermann Glauert Mojone à la Cheminée- Forest le 9 juin 2016

En cet ensoleillé jeudi soir, tu as préféré l'avenue du Bempt à Forest à un concert de blues à St-Gilles.
Plusieurs raisons justifient ton choix, prosaïquement, la relative proximité du lieu et la facilité de parking, sentimentalement, adolescent tu as joué au foot sur le terrain du Bempt, aujourd'hui disparu, et par curiosité, le nom donné à l'endroit: la Cheminée.
Et effectivement une cheminée, témoignant d'un passé industriel, trône dans les jardins sauvages de ce qui devait être un ancien garage.
Les concerts doivent se dérouler dans des ateliers plus ou moins retapés.
L'accueil est bienveillant, mais, manifestement, une jeunesse néo-hippie est étonnée de voir arriver un vétéran dans leur squat plutôt fréquenté par un public branché Ateliers Claus, Recyclart, Barlok ou autres endroits underground.
Prix libre pour assister aux trois concerts, boissons à 1€50 et nourriture dans la même zone de prix, pas trop de monde à 19h, on commencera vers 20h, le temps d'écluser quelques bières, assis au jardin.


 Hermann Glauert Mojone.
Un nom déconcertant, Hermann Glauert  war ein britischer Aerodynamiker te signale Google.
Et mojone?
Le mot MOJONE n'est pas valide au scrabble!
Merde, alors!
A 20h, un trio s'installe dans un coin, Yann Leguay aux  machines et platine, Benjamin Chaval - mini-clavier et sequencer et  Johannes Eimermacher à la guitare électrique.
Chagall te signalera après coup que ce concert est un one shot et que le nom a été choisi pour l'occasion,  Johannes confiera à ein Kumpel que c'était bizarre de jouer avec des machines!
 Brussels-based sound artist Yann Leguay is a true media saboteur. He appropriates industrial machinery for the playback of musical media, dit le texte accompagnant le Cd 'Quasi Static Crack Propagation', une description imagée et correcte, son copain Benjamin Chaval signe des soundtracks accompagnant des chorégraphies ou s'amuse, e.a., avec Pak Yan Lau, une adepte de sound/noise related music et le gars de Münster ( Germany) lui aussi s'ébat dans les milieux de la danse et du théâtre tout en collaborant avec divers projets avant-garde.
 Hermann Glauert Mojone n'interprétera qu'une seule composition/improvisation de 25' qui a tenu le public en haleine de bout en bout.
Techno-drone annonçait le flyer, on y ajoutera ambient, psychedelic chillout, post krautrock ou minimalisme à la Terry Riley, un trip des plus intéressants en tout cas!
Démarrage, sans coup d'envoi officiel, en douceur, bruissements feutrés avec effets de guitare erratiques.
Veuillez embarquer pour un voyage sidéral,  au ralenti, aux vagues relents 'Interstellar Overdrive' électronisé.
Un bourdonnement obstiné annonce une lente montée vers un climax attendu, vibrations pastichant les pulsations cardiaques, craquements, riffs lancinants, du cubisme sonore digne des élucubrations du professeur Tournesol.
La symphonie expérimentale prend fin sur un râle de sirènes, les musiciens saluent, le public se libère des ceintures l' ayant arrimé aux sièges, tu prend place dans la queue imposante d'assoiffés attendant une  Jupiler!

 Les Orties Bruyantes
Pas vraiment un concert mais un spectacle ( étant passé par La Balsamine ou la Bellone, notamment)   déconcertant, tenant de la performance et du music theatre.
En piste deux comédiennes, chanteuses, bacchantes: Karine Jurquet et  Lempka Luptakova et deux musiciens maniant guitares, synthés et machinerie diverse: Emeline Dufoulon ( Noire Saison)  et Laurent Boudin ( Laurent Boudin et les Crystalove) , admirez ma  superbe jupe vermillon!
D'après la bio  les herbacées de la famille des Urticaceae s'inspirent du film culte  'Les Petites Marguerites' de Věra Chytilová, les mégères ont d'ailleurs adopté les prénoms des deux héroïnes du film, Marie 1 et Marie 2 .
Préambule, une narration de ce spectacle dévastateur relève du domaine de l'impossible, mais sache que le spectateur rit beaucoup mais il peut également souffrir de nausées ( où étaient les sacs à vomi, bordel) , souvent il a l'impression d'être transformé en voyeur lubrique lorgnant de joyeuses nymphettes se distrayant en pratiquant des jeux érotico-scatologiques scabreux quand il n'est pas la cible de projectiles divers ( laitues pourries, oeufs durs, agrumes...)  que les effrontées bazardent dans leur direction en se servant de raquettes de tennis.
Le fond sonore passe du punk au yéyé ou vire new beat voire noise rock, tandis que les soeurs cintrées nous la jouent farce bête et méchante dans le style Hara-Kiri le plus pur, d'ailleurs si ton modèle est le Gros Dégueulasse de Reiser ou Nina Hagen, pour rester dans l'univers musical,  tu vas adorer.
 Il y a du cul, du pipi caca, de la provocation, de l'imagerie d'Epinal porno, des images de La Grande Abbuffata de Marco Ferreri, de l'horreur ( la scène des cornichons énormes, symbole phallique par excellence, harponnés comme de vulgaires poissons par des femmes inuits), de la mousse à raser utilisée comme shampoing vaginal, des fessées, de la nage sous-marine, du massacre à la tronçonneuse, des conseils écologiques style comment limiter sa consommation d'eau en se lavant dans une bassine pouvant servir de cendrier ou comment transformer le pissat en cocktail chic , bref tu n'as pas le temps de t'ennuyer et en utilisant ton cerveau tu peux même concevoir un dessein philosophique au bordel anticonformiste maçonné par ces deux dégénérées:  un déni d'un  mode de vie aseptisé et hypocrite.
Un spectacle à voir! 

 ilill
Un duo composé de  Mariette Michaud ( chant, percussions, synthé) et Jean-Philippe Saulou ( guitares, synthé).
Les Bruxellois  pratiquent un post punk radical et  bruitiste, ne faisant  aucune concession.
Une première plage hallucinée, dominée par la frappe systématique  et le chant frelaté et geignard de Mariette, sur lesquels J P greffe des riffs noisy, vient brutalement écraser ton bulbe pas encore entièrement remis de la démonstration précédente.
La suivante déambule sur le même sentier, le fond musical martial et  tribal et les vocaux scandés quasi inintelligibles, poursuivent le redoutable travail de sape visant à t'aliéner.
Hymnes lancinants, lunaires, répétitifs  se succèdent avec toujours une guitare agressive et un exercice de percussion minimaliste et itératif servant de tapis sonore aux vocalises monotones, irritantes et figées de Mademoiselle Michaud.
Non, Eric, ce n'est pas la fille d'Henri,  lui il se nomme Michaux, mais tu peux éventuellement associer les deux univers ésotériques.
Benjamin Chaval est invité à accompagner la paire pour un morceau, Mariette lui refile les baguettes, à trois, ils amorcent une composition furieuse intitulée ' Légende-Folie', assurément un des tout grands morceaux du set.
Une seconde invitée ( Rachel, la baronne aux pieds nus) apparaît pour un dernier tableau mystique à la rhétorique médiévale, ...que Dieu tue ton soleil...que le feu du ciel s'abatte sur toi...
C'est malin, juste avant l'heure du dodo de nous flanquer la trouille, cauchemars assurés, il va falloir écluser quelques bières pour effacer cette vision de Dante Alighieri qui s'est emparée de tout  être.
Allez, un bis et tout est pardonné...
ilill reprend un titre des débuts avant de nous abandonner à nos angoisses et  tourments.

Ite missa est!