Album - Ross Jennings – A Shadow Of My Future Self
Graphite Records
NoPo
ROSS JENNINGS 'A Shadow Of My Future Self' 2021
Quand j'ai vu passé l'annonce, je n'y ai pas prêté attention... qui? Ross Jennings?
Bah faut lire un peu plus les informations des pochettes et s'en
souvenir! S'en souvenir... ne serait-ce pas mon problème, j'y ai déjà
réfléchi non?
Et si je dis Haken? Ha- quoi? Ah si c'est mieux, j'entends!
Du prog-metal anglais haut de gamme, 6 albums chiadés à leur actif! Et le chanteur est ... tadadam, vous l'avez deviné.
Leur dernière rondelle sort en 2020 et Ross doit posséder le don
d'ubiquité car il en profite pour enregistrer aussi avec Novena et
encore, je ne vous parle pas de D’Virgilio/Morse/Jennings pour 2022. Ah
bon, on y est?
Une volonté pour le chanteur de passer à autre chose sans se retourner d'où l'ombre et le futur dans le titre ...
Voici donc son premier effort solo. Il ne lésine pas, 14 titres, 1H20 de musique, un double vinyle... du lourd quoi!
Tracklisting :1. Better Times 4:09 / 2. Words We Can’t Unsay 5:04 / 3.
Violet 5:30 / 4. The Apologist 4:56 / 5. Rocket Science 4:15 / 6.
Catcher in the Rye 5:19 / 7. Since That Day 3:25 / 8. Young At Heart
8:14 / 9. Feelings 4:57 / 10. Third Degree 4:35 / 11. Phoenix 11:15 /
12. Grounded 8:03 / 13. Year 4:56 / 14. Be The One (Bonus Track) 3:26
Pas question pour autant de s'isoler, Ross, tenté un temps de faire tout
lui-même, se garde chant et guitare mais consolide finalement
l'orchestration avec quelques 'clients' :
Nathan Navarro (Devin Townsend) à la basse (fretless), Vikram Shankar
(Redemption, Lux Terminus, Silent Skies) aux claviers et Simen Sandnes
(Arkentype) à la batterie.
Cerise sur le gâteau et sacrée idée, un ensemble de cuivres norvégiens (les 3 Blasemafian) vient leur donner du souffle.
Tracklist:
1 - Better Times
2 - Words We Can't Unsay
3 - Violet
4 - The Apologist
5 - Rocket Science
6 - Catcher In The Rye
7 - Since That Day
8 - Young At Heart
9 - Feelings
10 - Third Degree
11 - Phoenix
12 - Grounded
13 - Year
Bonus Track:
14 - Be The One(Dua Lipa Cover)
mixé par Karim Sinno/The AudioLoft et masterisé par Ermin Hamidovic de
Systematic Productions (qui a travaillé sur 'Vector' & 'Virus' de
HAKEN).
L'ultra-violet colore le fond de pochette où la photo de Ross Jennings
semble griffonnée. Devant un mur (du son?), il tient sa guitare,
forcément un indice.
Les dénominations apparaissent en blanc, verticalement sur le côté pour son nom, et horizontalement au milieu pour le titre.
Ici contrairement à HAKEN plus torturé, Ross construit les morceaux sur
une trame simple facilitant l'intégration du chant à sa guise.
'Better times' avance dépouillé. Les sobres frottements sur les cordes
laissent beaucoup de responsabilité à la voix qui la montre, c'est
l'heure!
Une lapsteel, jouant à cache cache, donne une allure folk à la chanson
'Words We Can't Unsay' offre une intro vintage par un dring de vieux
téléphone et saute sur un rythme entrainant et imperturbable.
Le titre me fait penser à 'Owner of a lonely heart' de Yes. On y trouve pas mal de petits sons électroniques.
La surprise vient, après, par les instruments à vent (faudrait savoir!)
qui soufflent une superbe énergie au morceau juste avant que Ross ne
monte ses aigus à la hauteur de ceux de Jon Anderson, un exploit... un
magnifique morceau!
L'intro de 'Violet' dégage une puissance collective impressionnante,
associant guitare au ton sec, et batterie volubile auxquels se joignent
un saxo déchainé, une deuxième guitare électrique, une basse noyée.
Stop! Cassure! Batterie/Basse/voix claquent en rythme. La guitare
s'accorde au son funky /jazz/rock. Le synthé et des choeurs viennent
gonfler une couche déjà confortable.
Une fois les bases posées, reste plus qu'à faire tourner tout ça... pas de problème, ça glisse sur le parquet!
Autre rupture à 4 minutes, pour une envolée de prog bien sentie et tout se mari(llion)e à merveille.
Oh! 'The apologist' montre le niveau du batteur, haut! A nouveau, une
guitare, peu habituelle, rythme en symbiose avec la basse jazzy,
débridée, jouissive. Une flûte semble traverser l'instrumentation
opulente.
'Presto Vivace' (UK) me vient à l'esprit. Allan Holdsworth aurait
apprécié le solo de guitare prog. La batterie roule, enroule, déroule
jusqu'au bout sans jamais dénouer son intrigue.
'Rocket Science' revient à l'ambiance du 2è titre avec une propension
plus pop ou soft rock. Le refrain, en particulier, capte l'attention et
donne envie d'accompagner le chanteur.
On pourrait presque penser au Blue Oyster Cult des 80's. En tous cas, la fusée décolle...
'Catcher In The Rye' glisse discrètement un arpège doux à la guitare. La
batterie n'ose pas faire trop de bruit pendant cette intro à la basse
dodue.
Le refrain donne un peu plus d'emphase mais on revient rapidement à l'élégance de quelques notes au piano.
Puis, à nouveau des cuivres grandioses viennent épaissir le trait du bonheur ressenti.
'Since that day' fait l'effet d'une transition (écologique?), une
guitare acoustique nous baladant, comme une mise au vert, au gré de la
voix nonchalante de Ross.
Un petit solo, à l'électrique, soutenu par le clavier vient cependant nous rappeler qu'il n'est pas tout seul.
On pourrait pratiquement suggérer un blues pendant un long moment à
l'entrée 'Young At Heart'. Le mode ralenti et laid back surprend.
Puis le morceau accélère doucement par des développements larges et
enveloppants. Au bout du rouleau, une ambiance piano-bar nous invite à
nous laisser aller.
'Feelings' Who-ho-ho... En français dans le texte : 'Dis lui'. Rien à voir!
Elle commence par des frappes sacrément musclées et agiles qui
imprègnent d'une belle énergie une compo pop prog, définition du style
de cet album.
Les arrangements laissent un espace à la guitare et aux claviers, plus
encore aux voix, pleines de bons sentiments et terminant a capella.
'Third degree' sonne l'heure de la sérénité. Ce morceau possède la
légèreté 60's à la Simon&Garfunkel mais continuellement parcouru par
quelques fins frémissements jazzy.
Les claviers lui donnent juste un peu plus d'élan sans déstabiliser les vocaux.
La guitare sèche et la voix très aigüe donnent des airs de balade
féérique. Il ne lui manque que les choeurs et les claviers
grandiloquents.
A la place une guitare électrique tremblante fait naitre une émotion.
'Phoenix' s'allonge finalement sans gêne et prend ses aises grâce à la
batterie soudainement dynamique.
Les autres instruments, galvanisés, diffusent de belles sensations. La basse, particulièrement musicale, mérite le détour.
A mi morceau (7'25 exactement), le clavier, à la Genesis, fait son
Cinema show et rappelle les racines prog de Ross. Puis des choeurs,
assaisonnés aux percussions, mélangeant handclappings et tambours,
évoquent Styx.
La composition, tellement riche, rosse l'auditeur poussé dans les
cordes. A réécouter, sans modération, pour découvrir chaque détail...
De jolis arpèges sur les cordes de guitare amènent doucement le chant
qui se pose aussi délicatement qu'un oiseau sur une branche. La
rythmique s'installe sans heurts et la romance glisse.
Le clavier vient parfois donner plus de consistance pourtant une seconde
guitare éthérée-floydienne se fait remarquer... avant l'apparition du
saxophone tout aussi rose et hypnotisant. Grandiose!
Un pattern rythmique ouvre 'Year'. Une guitare s'y accroche en quelques points pendant que le chant s'y promène.
On pense aller loin comme ça sauf qu'une gratte céleste intervient par
surprise, énervant la batterie, et motivant les choeurs puis retour à la
complainte initiale, empreinte d'une certaine tristesse.
On a droit à un bonus avec 'Be the one', cover de Dua Lipa. 'Quoi! Tu
connais pas Dua Lipa?' me jette ma fille. Ah ben maintenant si si! Ross
est moins glamour.
Sa reprise transforme complètement son origine R&B pour en faire un tube pop calibré.
La rythmique montre d'emblée la direction des doigts slappés. La
batterie s'en empare et la guitare sautille. Le chant monte vers le
soleil... Une conclusion explosive!
Soyons honnête, cette plaque demeure un peu longue! Difficile d'aller jusqu'au bout d'un trait et toujours concentré.
Cependant, une majorité des plages nous entraine vers des paysages
envoûtants et changeants grâce à une instrumentation riche, variée et
remarquable.
Finalement, sans passer la brosse, le carrosse de Ross, bien que tout
confort, fait entendre ses chevaux sous le capot et nous emmène loin.
Ross voulait rompre avec son passé, mais chassez le naturel, il revient
au galop. Non, on ne peut pas qualifier cette oeuvre de prog mais elle
en contient... malaxé, mélangé, ingéré, digéré.
Une recette alléchante!