Festival Jazz Ô Château, au Château de Pommorio avec Penn Ar Trio, Corpo et Rachel Therrien à Tréveneuc, le 10 mai 2019 .
Après toute une série de concerts gratuits, le Festival Jazz Ô Château entre dans sa phase décisive avec les spectacles dans le parc de l'aristocratique Château de Pommorio à Tréveneuc.
Tous les bénévoles de l'association Quand le Jazz est là ont travaillé d'arrache-pied pour faire de cette cinquième édition un événement mémorable, las, les conditions atmosphériques leur ont joué un sale tour.
Un crachin immonde inonde le canton depuis l'aube, si il ne refroidit pas l'enthousiasme de l'organisation, il risque d'avoir un impact sur l'affluence, la consommation de liquide et la vente des crustacés et autres mets savoureux préparés par l'équipe.
A 18:30, le programme prévoit un apéro-jazz dans les jardins, le Penn Ar Trio doit accompagner en musique les agapes de l'avant-soirée.
Bien emmitouflés, Mathieu Conan (Guitare) Vincent Chassagne (Basse) Xavier Garabedian (Batterie), ex-élèves du Conservatoire de Brest, qui se produisent également sous l'étiquette Kahëma, improvisent leur jazz devant une dizaine de courageux bravant Tlalocantecuhtli.
Avec d'autres festivaliers, tu t'es installé à cinquante mètres du podium, sous la toile prévue pour la restauration.
Une intro élégante, un jeu de guitare fluide à la Charlie Christian, une basse électrique et une batterie sobres, le trio nous la joue feutrée.
Les doigts engourdis, ils enchaînent sur une ballade bluesy virant manouche pour accélérer le tempo lors de la pièce suivante, le standard ' Beautiful love' .
De loin, tu entends la basse introduire une plage qui ressemble à 'Autumn leaves' .
Les gars du Finistère nous livrent un rendu tout en sophistication.
Toujours en mode midtempo, ils poursuivent leur lecture du great jazz songbook, ont-ils interprété ' Angel Eyes', tu leur demanderas...
Doucement, l'heure de la pause approche, les premières coquilles Saint-Jacques ont été ingurgitées, le Pouilly Fumé frétille, les nuages, pendant un instant, se retiennent de nous arroser, c'est l'heure du premier demi.
Après s'être fourrés, pendant 15 minutes, les doigts dans les poches de leur parka, les musiciens reviennent pour le second acte.
'Caravan' , la caravane passe, les clebs n'ont pas aboyé, Duke a souri, les mecs s'amusent, se lancent des piques, se tendent des pièges, décident de tâter du latin groove en sortant leurs chaussures en daim avant de méditer en fixant le firmament (' Contemplation').
Après une courte accalmie l'eau réapparaît, les parapluies aussi, les portes de l'élégant chapiteau se sont ouvertes, tu suis la masse qui déserte l'herbe détrempée pour te réfugier au chaud, tandis que le Penn Ar Trio finit d'égrener son chapelet .
A revoir dans de meilleures conditions!
Une première grosse pointure nous attend, from Sweden, Corpo, un quintet mené par Mikael Godée ( sax soprano, flûte et compos).
Il l'a fondé en 1992, a parcouru toutes les scènes jazz de la planète et enregistré six albums.
A droite et à gauche, on a lu: CORPO presents new Jazz in the best meaning of the phrase.
Comme beaucoup d'autres artistes issus de la scène nordique ( Jan Garbarek, Terje Rypdal, Nils Petter Molvær E.S.T.....) , quasi tous signés chez ECM, il pratique un jazz de chambre éthéré, clair et esthétique.
Mikael fait également partie de Änglaspel, mais ce soir c'est Corpo qui foule les planches du Festival. La veille, le groupe était à Paris et avant cela chez Jacques Pelzer à Liège où il a, malencontreusement, égaré ses cd's.
Notons les attaches particulières du leader avec la Belgique, il s'y produit régulièrement aux côtés de Eve Beuvens.
En piste: Mikael Godée/ Thomas Markusson à la contrebasse ( Walter Lang Trio)/ Lars-Erik Norrström au piano à queue et Nord ( il dirige également son propre trio) / la mignonne Cornelia Nilsson aux drums ( Sisters of Jazz) et enfin, l'ineffable Ebba Westerberg aux percussions, comme elle a voyagé du côté du Ghana, de la Guinée, du Burkina Faso, de Cuba et du Brésil, e a, elle a ramené un attirail d'une trentaine de bidules percussifs, allant du triangle au berimbau, elle manie tout ce bazar avec adresse et humour.
Leur récital ne débute pas par 'Singing in the rain' mais par 'Naiv Nils' issu de l'album 'Is'.
Le soprano se charge de la mise en route, après l'intro lyrique, la plage prend des allures swing lors d'un second mouvement enclenché par le piano et les percus.
Calé sur ton siège, tu laisses ton esprit vagabonder aux rythmes de ce jazz foisonnant d'idées.
Pas le temps d'applaudir, ils ont embrayé sur¨une suite 'Solokvist'/ 'Luotti' décorée de trouvailles, dignes du professeur Tournesol, imaginées par la magicienne des percussions, la pièce, impressionniste et lancinante, s'achève sur des bruissements émanant d'une faune peuplant une savane guère courante du côté de Göteborg.
Bizarrement, le piano électrique de Lars-Erik t'évoque les sonorités de Keith Emerson au sein d' Emerson/Lake/Palmer, il te confiera après coup qu'il avait également utilisé son laptop.
Contrebasse en évidence lors du solo 'Till barnet' , les autres, au repos, savourent, le sax est le premier à sortir de sa torpeur pour entamer le 'Prélude en C mineur' de Chopin qu'ils ont trafiqué en y incorporant du Bach.
C'est à la flûte que Mikael joue le mouvementé 'Japp' qui, semble-t-il, n'a pas grand chose en commun avec le langage des chiens.
Ebba va vous jouer du berimbau, tandis que la pluie fait des claquettes sur le toit de la tente et vient se joindre au quintette qui a attaqué 'Solid'.
Vas-y, Cornelia, elle place un solo de batterie cornélien, le sax la rejoint, 'Ton i Ton' suit le cours d'un fleuve aux méandres sinueux.
Mikael Godée a souvent accompagné Eve Beuvens, mais c'est à une autre pianiste belge, talentueuse, que tu penses, Nathalie Loriers.
Après un nouveau numéro de stand-up comedian d'Ebba, suivi par par un roulement de tambour, la formation entière s'est jetée dans ' 414' qui mixe funk et éléments d'inspiration Maurice Ravel.
Cette pièce magistrale achève une prestation cinq étoiles qui demande un rappel, ce sera ' Välkommen Hem' que tu peux traduire par Welcome Home.
Après vingt minutes pour le changement de matos, Rachel Therrien and co investissent la scène.
La trompettiste de Rimouski, ce n'est pas une variante du riz cantonais, la ville se situe au Québec, écoute la demoiselle causer pour en être certain, revient d'une mini tournée en Ukraine et d'un passage éclair dans la ville lumière, elle compte encore donner un ou deux concerts avant d'aller enregistrer un album dont Tréveneuc entendra les plages, non baptisées, ce soir.
Elle se produit avec son Euro Quartet, on ajoutera que le fabuleux pianiste, Daniel Gassin est catalogué Australian/French, les autres se nomment Mareike Wiening, a German born, New York based female jazz drummer et Darío Guibert Montaña ( Madrid) à la contrebasse.
'Why don't you try ' , l'album précédent, date de 2017, la madame a de nouvelles idées.
Comme la plupart des pièces interprétées ce soir n'ont pas reçu la bénédiction du pasteur, tu peux concevoir des titres, on te refile le numéro de Rachel et tu lui communiques tes propositions, 007 404 222, tiens compte du décalage horaire!
Pas d'échauffement, d'emblée on pénètre dans le vif du sujet, un jazz inventif, tendu et intense, le piano, à la sauce Bradford Mehldau, supplée la trompette, l'Allemagne et l'Espagne turbinent sans relâche, Tréveneuc est conquis.
Elle potine, vous avez l'air de me comprendre, tant mieux, j'introduis les artificiers et on poursuit l'expérience, les cobayes, c'est vous, espérons que vous aller digérer ces nouvelles préparations.
Après une ballade en mellow tone, elle annonce que la suivante a failli s'appeler ' Get the car out', car au Québec il neige dru, il faut penser à sortir la caisse.
Puis, à Kiev, un auditeur a laissé entendre que cette plage évoquait un écureuil, donc, dorénavant, elle se nomme 'Bilka story'.
Ce sont des poètes , les cosaques!
Après cette oeuvre bondissante vient un essai expérimental, acrobatique et syncopé, une sorte de thriller hard bop, dont elle nous demande de trouver un nom.
T'iras lui proposer 'Chaos'.
Chers, vous, pouvez-vous penser aux bernaches, celles du Canada, qui migrent à cause du froid.
Tu clos les paupières, sur l'écran cérébral Nils Holgersson et les oies sauvages défilent, tandis que le quartet imprime une cadence infernale, le piano voltige, la trompette entre en ébullition, faut faire gaffe à la surchauffe.
' Prieuse', j'aime bien ce titre, après une séquence contemplative, la religieuse entre en transe et doit affronter ses démons.
Secouant!
Composée à Paris, voici une pièce que je compte intituler ' Pigalle'.
Oublie le French Cancan, ce morceau tempétueux et tourbillonnant aurait toutefois pu inspirer Henri de Toulouse-Lautrec.
On passe à ' Bleue tortue', une berceuse pas tout à fait académique avant d'écouter ' Jean-Philippe'.
Quoi, comment?
Tu veux savoir de qui il s'agit, viens me voir après le gig.
Encore un morceau coup de poing, uppercuts, jabs, straight punches, crochets, crosses se succèdent, t'es acculé dans les cordes, le gong annonçant la fin du round t'a sauvé.
On arrive au terme du voyage, 'Ashata' ( titre à vérifier) est le dernier acte du set.
Vous ne connaissez pas Ashata X?
A première vue, personne n'a jamais entendu parler de cette Américaine, sommes tous incultes, même le nom nous a échappé, la fatigue sans doute.
C'est par un jazz conventionnel avec une trompette aux coloris Chet Baker que prend fin le set normal.
Tréveneuc bénéficiera d'un double rappel, le premier pimenté à l'extrême présentait des touches latino et pour finir, elle nous propose une berceuse pour enfants sages afin que nous puissions passer une nuit sans être la proie de cauchemars.
A demain, Pommorio!