Assistance dérisoire pour cette soirée cerise organisée dans le magnifique cadre du Bouche à Oreille. Et pourtant le programme est de qualité, trois projets mouvance indie/folk, ambitieux et disparates.
Pourquoi cette désaffection du public bruxellois?
Bruxellois est déjà une réponse: l'offre est chaque jour plus abondante.
Tu y associes le beau temps, le congé pascal, le relatif manque de notoriété des artiste proposés, de plus ils ne sont pas du cru et ne peuvent attirer famille, copains, collègues etc....
Le concept soirées cerises bat également de l'aile, la Flûte Enchantée avait une clientèle d'habitués, venant assister à 3/4 concerts par mois, à chaque fois le dimanche, au BAO il y a un concert toutes les 5 semaines.
De plus Fred programme les mêmes artistes gratos la veille (Annabeth McNamara) - l'avant-veille (Jessica Kilroy) ou le vendredi (Oldseed), tu ajoutes l'horaire flou: un concert se terminant à minuit, un lundi soir, ça ne réjouit guère les salariés devant se lever à l'aube pour signer présent à leur boulot avant l'arrivée de leur pointilleux dirigeant.
Bref, ambiance morose et concerts déplacés vers l'Orangerie, agréable loggia côtoyant le foyer.
Tu nous la joues défaitiste, mec.
T'étais là, toi, ghostbuster?
Non, les musiciens ont donné le meilleur d'eux-mêmes et les trois sets furent hautement appréciés par la vingtaine de curieux présents.
On a sagement pris place dans l'annexe lorsque la Cerise nous annonce qu'Annabeth McNamara entamera son récital dans l'immense salle nue.
Un piano immaculé trône sur la scène, nous sommes invités à nous affaler sur quelques coussins éparpillés près du Steinway, Annabeth compte interpréter deux titres acoustiques, no mike..
'Way Down South' une lumineuse ballade chantée d'une voix éthérée , sera suivi de 'Trapdoor' , un superbe nocturne Chopin aux relents Emily Jane White.
Quelques instants de magie pure avant de nous diriger, dociles, vers la loggia.
Annabeth et son banjo: 'Mirror Eyes' , une enfant amoureuse et d'humeur badine.
Hormis quelques clic, clic, clic Nikon/Canon/Pentax, un silence apostolique règne dans l'ancien couvent.
J'ai écrit 'Breastbone' , lors d'un séjour prolongé dans les Appalaches, un folk back to nature minimaliste, épuré.
Un peu moins feutré ' House of cards' , le château de cartes is falling down , tout comme London Bridge... c'est Florin en sueur, il a entrouvert une fenêtre... c'est malin, gars!
'Ballad of the sleeping beauty' , Charles Perrault version folk hanté Arizona blend.
Me dis pas que tu préfères Benny Hill, sagouin!
'December Suite' j'ai connu un garçon en North Carolina, l'ai aimé, c'est fini.... nostalgie quand tu nous tiens.
..you broke my heart... Romantisme, pas mort!
Annabeth termine par une cover, le tendre 'Sea of Love' déjà repris par Cat Power ou Robert Plant, la douce enfant y introduit un charmant couplet en français, patate chaude en bouche, pour nous remercier de notre écoute attentive.
Oldseed
Can you use out of date seeds?
Les vieilles semences lèvent plus lentement que les nouvelles.
Pas le coude, en tout cas, Craig Bjerring, alias Oldseed, une vieille branche de Winnipeg ayant planté ses racines en Europe, n'éprouve aucune difficulté pour écluser quelques litres de houblon ( 34 trappistes différentes, la veille), faut bien arroser les semis....
Le gars n'est donc pas une jeune pousse: The Hummers, Crumbs Improve , quelques traces discographiques sous son pseudo, dont la dernière: 'The Reveal'.
Philosophie matérialiste?
Plutôt du genre hippie/globetrotter/je m'en foutiste.
Un incarnation 21è siècle de Woody Guthrie.
Le troubadour/singer-songwriter dispose de pas mal d'atouts: une voix canon, passant de la fragilité emplie de tendresse au raw shouting agressif, sans omettre un jeu de guitare en picking pas piqué des hannetons.
Nick Drake,Bob Dylan, Loudon Wainwright III, Gordon Lightfoot, Bright Eyes, Will Odham... de l'authentique, du vécu...
Quoi, Jean- Marc ( c'est pas nos laids, c'est une fiction) ?
Il ressemble à Deleuze, l'agronome.
Tu trouves que c'est un gnome, il fait 1m 97 tout de même.
Laisse tomber!
L'impressionnant' Saving throw versus poison' pour ouvrir le feu.
Terrible, me souffle Dominique.
Tu ne peux qu'acquiescer.
'Push a little' du country folk grands espaces, un ton Pete Seeger parsemé de pointes OK Corral.
Sans pause, il amorce ' Net', ce mec ne nous voit pas , il entend pas le glou glou de la Westmalle se frayant un passage au travers du pharynx de Walter, il est dans son monde, habité par ses démons.
'The Reveal' , sensible ballade, sera suivi d'un titre philosophique 'Stones' , décoré de vocalises cathédrale...I tried to be persuasive... clame-t-il.
Aucun doute, il l'est.
A capella ' Under your breath' , j'en tremble encore.
Une guitare en écho:' Woebegone, du folk qui inquiète, t'écrase, te cloue sur ta chaise, t'es redevenu le gosse peureux qui croyait les salades qu'on lui balançait le dimanche à l'église.
Une dernière 'Find Familiar', avec toujours ces fantastiques effets vocaux.
Oldseed: du folk dans la grande tradition, Oldseed: eine Persönlichkeit auf der Bühne, pour citer Horst Sauerkraut, un sujet prussien pas chien.
Pterodactyl Plains
Le projet jurassique supérieur du duo Jessica Kilroy ( voice, guitar, shakers, hashi, musical glass, thermos flask et flashy red boots) et Kier Atherton ( second voice, guitar, mini keyboard, electronic devices...), secondé sur scène par un troisième reptile volant: Chance Cole au bodhran, shakers, beats, claviers...
Projet nettement plus aventureux que les travaux solo, essentiellement folk, de la séduisante Jessica.
Kier n'est pas pour rien un ingénieux bricoleur sonore, impliqué dans la direction de films ou dans le sound engineering.
En hors-d'oeuvre: Jessica, sa guitare, sa voix de cristal et son 'Pandora' , enregistré en 2007 sur 'Before Dawn' .
Comme au Montmartre ou à l'Abbaye de Forest en 2010 , tu craques d'emblée, elle est fascinante.
Les garçons la rejoignent: ' Stay awhile' du bluesy psych folk hypnotique, que Jessica termine à la slide.
'Solace' encore une plage de leur premier album 'Raven', baigne dans un univers esthétique envoûtant. Le timbre haut perché et limpide de la native du Montana semble déambuler dans une nébuleuse vaporeuse, Jessica vient briser le charme en faisant crisser son verre, telle la craie du prof sadique sur un tableau noir.
'Beneath the grassy steppe' prévu pour le nouvel album, dont ils vendront déjà quelques homemade exemplaires.
A kind of Keltic song, indique -t-elle.
Un chant murmuré plus proche de Loreena McKennitt que des Pogues.
Changement radical de cap avec ' Right Here', de gros beats electro, des loops intrigants, Jessica battant tabouret, verre ou mur de baguettes, tout en entamant une danse de Saint Guy effrénée.
De la folktronica lorgnant du côté de Bat for Lashes, Soap & Skin ou Lykke Li.
'In the air' , le titletrack du nouveau CD, une valse electro élégante virant menuet baroque.
Un groove trip hop Moloko/Ruby aux légers relents experimental indus avec ' Straitjacket' .
Pas à dire, le trip Pterodactyl Plains est (d)étonnant.
Une dernière, retour au folk mélodique: 'Strangers', avec de jolies harmonies, jusqu'au moment où Jessica, en pleine crise mystique se met à vocaliser, telle une Castafiore capable de briser tous les miroirs décorant l'ancien prieuré des Bénédictines.
Elle s'attaque à nos tripes tout en nous transformant en gallinacé tremblant, heureusement ma chope était vide.
Un bis avant de regagner nos chaumières:
'Clean' un uptempo Monsieur Propre.
Un scoop: Fred Cerise vient de signer Pterodactyl Plains au Chat Pitre, rue du Tabellion, XL, le 15 avril.