jeudi 25 septembre 2025

Album - Certains jours - Marie-Laure Béraud

 Album - Certains jours  -  Marie-Laure Béraud

 

michel

 Capitane Record

chanson française

 Marie-Laure Béraud est sortie de sa semi-léthargie et partage un nouvel album: ' Certains jours '.

Non,  on ne qualifiera pas l'artiste bruxelloise, de souche lyonnaise, d'oiseuse, même si sa discographie, depuis 1987, année de sortie du single ( un collector's item) 'C'est pas le Pérou'  produit par Mick Ronson  , c'était avant  sa rencontre avec Arnold Hintjens, n'est pas foisonnante: on mentionne  l'album 'Turbigo 12.12' en 1991, le jazzy 'Dans mon salon'  et ' Elle' en  2004,  toujours du jazz en 2013 avec 'Rough', la même année ' Que voulez-vous'   et enfin 'Ultralight' en 2016.

Oui, mais, madame dessine,  peint,  et écrit...  le roman  'Dialogues d'outre-ciel ' a fait forte  impression en 2010, de plus l'éternelle révoltée ( une grande gueule, selon certains journalistes) distille quelques  opinions bien tranchées sur sa page facebook, un échantillon: ... je crois qu'il faudrait supprimer absolument toutes les chaînes d'info et les radios mainstream ainsi que la presse puisqu'elle ne servent qu'à nous désinformer nous déformer à coups d'approximations, de mensonges éhontés, de propagande.... 

Marie-Laure a du caractère, Marie-Laure n'a pas le profil d'un mouton de Panurge,  un jour, en assistant à un de ses concerts, un philistin, assis derrière toi, a proclamé... cette fille a des couilles... on l'a pris comme une marque de respect! 

Bref, on est ravi de pouvoir goûter à un nouvel enregistrement!  

tracks:

 1 Encore le temps
03:38
2 Certains jours
03:25
3 Café froid
03:20
4 Mon lit
03:24
5 Les femmes de l'ombre
02:27
6 Viens Simon
04:12
7 À l'horizontale
02:12
8 Et voilà
03:23
9 Paris
02:55
10 C'est pas l'Pérou
04:21
11 La nuit retient
04:12

chant: Marie-Laure Béraud

 Clément Noury: guitare

 Nicolas Michaux: keys, guitare

 Ted Clark: basse

 et Yannick Dupont: drums

 

La photo de pochette nous la montre assise seule à une table ( de café?) nue, elle s'étire, les bras croisés derrière la tête , à travers la grande fenêtre tu distingues un mur de ville  sale et  des arbres dénudés.

Qu'attend le serveur pour prendre la commande? 

Sur arrière-plan de guitare, jouée en pointillé, de sa voix rocailleuse, ( on le répète depuis plus d'une décennie, la couleur vocale de M L évoque celle de  la superbe Jeanne Moreau),   la Prima Donna, indolemment, se livre et chantonne   'Encore le temps'. 

Le temps d'apprécier étés et hivers, mais aussi de maudire ceux qui veulent nous asservir... la combattante n'a pas déposé les armes.

OK, elle n'a plus 20 ans, mais il lui reste du temps, un brin de mélancolie comme quand Serge Reggiani interprète ' Le temps qui reste' .

Marie-Laure a la bonne idée de laisser les musiciens broder à l'aise pendant un bridge mélodieux, les guitares, alanguies et méditatives,   flottent  à la manière d'un Ry Cooder illustrant Paris Texas de Wim Wenders,  Yannick Dupont et Ted Clark assurant sereinement une rythmique, favorisant la mise en évidence des arabesques dessinées par Clément et Nicolas.

'Certains jours', désabusée, Marie-Laure exprime  son vague à l'âme sur fond de tango/americana aux senteurs Calexico/ Wilco.

Oui, tu peux penser à Mallarmé ou à Moravia, mais ce n'est pas l'ennui ou le vide sidéral qui l'emmerdent,    ce sont les ' connards ' qui jouent la vie des gens aux dés en se pavanant sur le petit écran.

Il n'y a pas que Billie Eilish  à confier ...  bored, I'm so bored... 

Schopenhauer a des émules!

Heureusement, la  guitare flamboyante de Clément Noury vient  lacérer le propos désenchanté.  

La fausse valse 'Café froid' affiche les mêmes climats mélancoliques,   tu contemples les volutes de fumée d'une quinzième cigarette en appréciant les arpèges précieux d'une guitare nonchalante et  la voix sensuelle de la dame qui s'épanche,  mais,  quand ton regard se dirige vers la tasse qui traîne sur la table c'est pour constater que le café est froid.

Si Juliette Gréco s'imaginait dans le lit  d'un amant en psalmodiant ' Dans ton lit'  avec force de violons pour accentuer son désir,  Marie - Laure, elle,  chante un  refuge, son puits à fantasmes: ' Mon lit' .

Yannick, en mode métronome, permet aux complices de jouer aux  dentellières pointillistes,  pour le plus grand plaisir de Johannes Vermeer et de Camille Pissarro.

Changement radical de tempo avec 'Les femmes de l'ombre', un roots rock égrillard qui te renvoie des images de Marianne Dissard, accompagnée par la crème des musiciens de Tucson (   Howe Gelb, Joey Burns, John Convertino), mais aussi des plans de ' Belle de jour' de  Luis Buñuel.

Clément  se défoule, il enchaîne des riffs funky en diable, alors que la basse et les drums  impriment un rythme soutenu.

Elles peuvent se montrer vénéneuses et mangeuses d'hommes,  les femmes de l'ombre, pour t'en assurer on te conseille la ballade ' Shadow Woman' de Julie London . 

'Viens Simon' date de 1991, il  a été repris sur 'Turbigo 12.12' , le titre reçoit un nouvel habit ( java/rock)  en 2025, il ne perd rien de sa force suggestive.

Simone attend Simon en déshabillé déglingué, ce n'est pas comme l'héroïne de Catherine Loeb qui se balade en négligé de soie.

Allons-y pour un constat social aux odeurs de chrysanthèmes,  ' A l'horizontale'  étale des accents Brassens au niveau texte et  Lucinda Williams   pour l'habillage sonore.

Le tango  ' Et voilà' , qui suit,   dépeint le quotidien d'une putain.

 En héritière d'Edith Piaf,  M.L.  s'attaque, avec bonheur et pudeur,   à la chanson réaliste, une spécialité de Guido Belcanto, de koning van het levenslied, un artiste que Marie-Laure a probablement croisé  à Bruxelles  et qui a inclus le titre  'Ook Jezus Ging Naar De Hoeren' sur un de ses nombreux enregistrements. 

Et puis, elle t'adresse une série de cartes postales de ' Paris' , au printemps, quand les arbres fleurissent, en été, quand les terrasses sont bondées,  fin septembre,  la Seine est recouverte de feuilles de platane, et puis viennent les frimas et  Paris  frisonne.

Pas de valse musette comme chez Francis Lemarque, pas de boulangers faisant des bâtards, pas de crooning in April, mais une jolie comptine qui nous rappelle, à l'instar de Sylvia Galmot, que Paris est une femme insaisissable .

On replonge dans le passé de la femme fatale pour revisiter  ' C'est pas l' Pérou'  de 1987,  un joyeux  titre yéyé punky, évoquant  aussi bien Jacqueline Taieb  que Brigitte Fontaine ou les Rita Mitsouka ( d'ailleurs il y a comme un air de 'C'est comme ça ' au niveau mélodique, mais qui a ' copié' qui, le titre de Catherine Ringer et Frédéric Chichin est sorti à la même époque!) 

'Retiens la nuit'  c'est Johnny, ' La nuit retient' c'est Marie-Laure .

Tandis que certains ronflent, que d'autres  angoissent, les nuits de Marie-Laure sont peuplées d'anges et de démons, elle te narre ses rêves secrets ( humides?)  d'une voix  aussi sensuelle  que celle de Marlene Dietrich susurrant ' Ich Hab' Die Ganze Nacht Geweint' sur un accompagnement de slow nocturne in white satin.

 

Décidément, 'Certains jours' sont bénis, comme ceux où Marie-Laure Béraud partage de nouvelles chansons!

Vas-y , Patrick, dis - le: rendez-vous dans 10 ans pour une suite de l'histoire!