dimanche 22 janvier 2023

EP - Hache-Paille “L’affût”

 EP - Hache-Paille “L’affût”

 Near Deaf Experience

michel 

S’il y a un outil dont nous aurions de la peine à nous passer au jardin, c’est bien le hache-paille! 

 On utilisait le hache-paille en hiver pour faire du fouétre, un fourrage de paille hachée que l'on mélangeait ensuite avec de la betterave fourragère: ça nourrissait bien les vaches, quand il fallait économiser le foin.

Merci, Joseph, on se demandait s' il fallait attendre la belle saison pour broyer  le miscanthus.

Donc à l'aube de l'année nouvelle, Hache-Paille reprend du service et, avant l'inévitable sécheresse prévue dans les pacages morlaisiens, sort un nouvel EP ( 5 titres) baptisé “L’affût”.

Chouette se dit le chasseur de Plounéour-Ménez contrôlé au volant de sa petite automobile avec un taux d' alcoolémie mesuré à 2,46 g, j'écouterai ça au cabanon.

 Clémentine Page ( voix et basse) , Eric Cervera  ( guitares) et  Piergiacomo Costi ( batterie), ne chôment pas puisque  “L’affût” succède à 'Cynodrome' sorti il y a treize mois.

Tracks:

1.
Stop 04:32

2.
Comment faire un percement ? 04:01

3.
Les pieds dans la terre 03:51

4.
Ascenseur 05:35

5.
Bas-fonds 06:04 

Pochette:

crédit peinture : Lucien Castel.

Lucien a douze ans, ce qui explique le côté naïf des portraits, note bien que quand   le président de la fondation Jean Dubuffet a découvert l'oeuvre du gamin, il s'est mis dans l'idée de la présenter à la prochaine exposition d'art brut au Musée de la Poste.

'Stop' qui entame l'exercice était paru en avant-coureur en octobre 2022.

Dans  ce  rock lent et  narratif, on retrouve tous les ingrédients qui caractérisent le son Hache-Paille, la voix déconcertante de Clémentine, à la fois claire, enfantine et flegmatique, les arrangements sophistiqués d'Eric Cervera et le drumming précis de Piergiacomo, en y ajoutant le texte décalé et dérangeant, pondu par Miss Page.

Le clip qui accompagne la plage vaut aussi le coup d'oeil, il ne va pas inciter les conducteurs à prendre en charge des autostoppeurs.

Détail: BlaBlaCar n'en a pas voulu pour sa campagne publicitaire.

 'Comment faire un percement ?'  ( co-écrit entre Alice Marchand et Clémentine Page) , Clémentine dit aimer le groupe Low, cela s'entend sur cette plage slowcore , bourrée de petites trouvailles. Entend-t-on une scie musicale élastique ou un thérémine? Les sonorités caoutchouteuses obsèdent, comme les idées trottant dans la tête de la narratrice, la guitare sourde, combinée au  rythme indolent  de la mélodie finit par hypnotiser l'auditeur, qui n'aura pas les tympans percés  par des riffs assassins ou des percussions brutales, ce qui lui permettra de savourer un texte subtilement surréaliste. 

Eh, Eric, c'est toi, le banjo introduisant ' Les pieds dans la terre'?

Les vibrations de la scie , une nouvelle fois,   s'invitent pour donner un caractère agreste à une mélodie sentant la glaise, la bourbe, la glèbe et, malheureusement,  le nitrate d'ammonium.

Un kilo de boue colle aux sabots du paysan qui se déplace avec difficulté dans ce champ gras. 

On nous avait prévenus, l'EP dépeint l'immobilité, quoi de plus normal si t'es figé les pieds dans le limon, résultat: tu risques de te transformer en végétal.

Imagerie forte, métaphores, symphonie pastorale,  lyrisme  mélancolique, Clémentine est décidément un personnage atypique et anachronique.  

L' ' Ascenseur' ne te mène pas à l'échafaud, car cet élévateur n'est autre que la conteuse, devenue dispositif de transport vertical, elle vise à s'élever et à visionner le monde d'en haut.

Ascenseur rime avec apesanteur, pouvoir échapper à la réalité, un rêve de gosse ou une forme d'escapism, c'est sur un fond musical plus musclé que mademoiselle Page débite ses fantasmes, un mix hallucinant et oppressant  de krautrock, de trip hop, d'avant-garde  et de post punk.

La basse ricoche d'un point à l'autre, les guitares entaillent les chairs alors qu'une batterie martiale maintient la tension.

Sacré morceau!

Ça gronde dans les ' Bas - fonds' , encore plus que dans l'ascenseur, il ne fait pas bon  remuer toute la crasse qui gît sous les eaux de nos mers bretonnes, elle charrie des algues toxiques, dont  on ne veut pas entendre parler, car elles puent, au propre comme au figuré.

Alors, un film après la BD, on nous cherche,  s'expriment les épandeurs d'engrais azotés...

Hache-Paille effleure la question sans faire de  morale, le texte, poétique, et la musique brute, explosive, âpre et  bouillonnante, sont des armes plus efficaces que de longs discours pieux et hypocrites.

Avec l'EP  "L'affût", Hache-Paille est au sommet de son art, il est grand temps que ce groupe essentiel, qui navigue à mille lieues des clichés et stéréotypes  rebattus, soit reconnu à sa juste valeur.