Derev - EP “Leap of Faith”
NoPo
DEREV Leap of faith 2021
auto-produit
Vla des gars qui vont faire des dégâts et des beaux! De Toronto mais pas
vraiment canadiens. Armando Bablanian, italo/arménien, guitariste et
Michel Karakach, syrien/arménien, se rencontrent au Lycée au Koweït (for
no-one).
Mais là-bas, ça tique pour le projet artistique! Aussi, après avoir
obtenu son diplôme en médecine dentaire en Syrie, Michel, tout sourire,
peut rejoindre Armando qui le précède au Canada (bientôt aussi chaud que
le Koweit), pour composer une musique ardente.
Installé dans ce grand pays, DEREV (on l'espère pour eux), complète le
band avec le bassiste Liam Horrigan (lui même diplômé de l'Université de
la même ville et musicien dans 'Open Season' d'Ottawa).
Forts d'expériences individuelles d'environ 10 ans (Armando avait
commencé à jouer avec 'Till I Conquer'), les artistes aboutissent à cet
EP déjà plein de maturité.
Si vous connaissez le métal progressif à la Soen (So loved!), vous ne serez pas dépaysés.
Voilà le genre de style pour lequel on s'attend à 1H20 de musique 'so high' au bas mot.
Ici, on a à faire à un EP solide et finalement 'so easy' compte-tenu de sa durée 'modeste' d'à peine 40 minutes.
01 Tunnel Vision 1:04
02 Turab 5:15
03 03 Futile 8:22
04 Delayed 7:07
05 Slipping Down Again 5:59
06 Ghost of Guilt 8:35
Guitares, Armando Bablanian, et basse, Liam Horrigan, enregistrées dans le home studio du groupe à Toronto.
Voix Adel Saflou ('Ambrotype') enregistrée dans son home studio à Amsterdam.
Batterie Michel Karakach, ajoutée au kit électronique (tout en gardant un son organique).
Mixage et mastering par James Zhan.
La pochette sombre, sauf au centre qui ouvre vers le ciel (et
éventuellement le 1er titre 'Tunnel vision'), nous installe
inconfortablement au fond d'une grotte cachée par des plantes et racines
enchevêtrées.
Au milieu, peut-être une malle aux trésors... on y croit dur comme DEREV qui signe, en blanc, son acte de foi.
Les sujets?
Remise en cause de règles établies, ruptures, changement de perspectives, prise en main de sa vie et de ses objectifs...
Faut pas regarder par le petit bout de la lorgnette! 'Tunnel vision' (ou
"Peripheral Vision Loss", perte de vison périphérique) s'élargit vers
'Turab' (terre en arabe) par une transition énergétique réchauffant le
climat.
Le morceau (3è single) parle de limites artificielles imposées par la
culture et comment les dépasser. "No longer wrong or right The bounds
you marked Are the ones you crossed"
Un riff intense et rectiligne égratigne sur un rythme martial en
cascade. Un léger stop puis ça bétonne. On passe un mur du son bien
cogné par la batterie alors que la basse consolide le ciment.
Attention, headbanging dangereux sur ce mur! La guitare pointille d'abord avant de poser une virgule en distorsion.
La voix trafiquée intervient à 1'10 sur une basse grondante et des coups
qui fissurent le mur, elle devient claire et plus mélodieuse sur le
simili refrain envoûtant.
Un synthé, en fond, dégage un nuage de poussière avant un passage court à
2 guitares sur des crêtes. Un cri plein de grain annonce la fin
abrupte. Une puissance maîtrisée très captivante!
Le clip de 'Futile' (1er single) met en scène, dans un film d'animation,
une femme stressée et dépendante de la technologie : "It’s out of
control We’re out of control".
Dans un décor citadin, à peine futuriste, triste et déshumanisé, un
homme essaie de la sauver de cette emprise 'futile' qui se développe
telle une plante maléfique.
Par instants, au long du morceau, un personnage, à la télé, conseille de se calmer et ralentir.
Le déroulement mélodique alterne riffs de guitare agressifs, accompagnés
de roulements de tambours, moments lourds et sombres, et, les passages
atmosphériques interviennent 2 fois proches du soulagement qui se
transforme en espoir à la fin du morceau.
Le couple finit par s'enfuir dans une autre dimension, peut-être avant
cette histoire... un monde plus naturel, fut-il cataclysmique. Une
plaque, un pavé!
Une douce pluie de notes à la guitare, avec un bel écho libre, fait
monter un rideau de vapeur. L'orage, comme la basse, tonne encore au
loin, la rythmique en témoigne.
Après les gouttes, la guitare trace des hallebardes sur un pouls
accéléré et la tension monte dans la voix. Le ciel craque en son de
guitare-clavier et crash sur les cymbales.
A 4'45, une éclaircie illumine le solo serein de guitare et la voix traine et geint.
En phase, les paroles encouragent la rupture, par l'initiative, sans
plus attendre et éviter d'être 'Delayed'(2è single) : "All too late Gone
beyond your days"
7 minutes sublimes!
La piste suivante se laisse aller conformément à son titre 'Slipping
Down Again'. La basse particulièrement mélodique suit les méandres et le
synthé flotte et s'abandonne.
La voix toute tracée et toute aussi musicale, fait monter une émotion
proche de la tristesse. Les textes parlent de la perte d'un être cher et
de l'abattement qui s'en suit.
"I tried
I pulled you afar
Turning your heart
Against the one
Who knew you"
Le passage acoustique plonge au plus profond, puis, le solo de guitare
magnifique et poignant nous enserre pour nous tirer des larmes du fond
de notre être.
Au secours, ça secoue mais c'est tellement bon!
Guitare aérienne et louvoyante puis tam tam ou djembé entament cette
dernière piste aux étoiles. Le chant débute aussi en altitude avant
l'arrivée d'une riche orchestration.
La sensation de culpabilité demeure vivace 'Set me free Let me breathe -
Torn apart, victimized' et les paroles s'assombrissent encore.
La construction labyrinthique essaie de nous perdre mais l'envie de
suivre les musiciens reste plus forte. C'est ici qu'on perçoit le mieux
l'ambiance moyen-orientale.
En milieu de morceau, une cassure... la guitare, chatoyante comme un
mirage sur le sable du désert, illustre le côté progressif et jazzy.
Claviers et basse expriment leurs envies de danse du ventre.
Dans la dernière partie, la voix basse, soutenue par une seconde voix,
plus haute, oriente la fin en fondu (un 'fade to grey') sur une guitare
harmonique du plus bel effet.
Voilà une oeuvre de caractère et chamboulante! J'ai du mal à exprimer à quel point elle me touche...
Difficile de savoir si vous partagerez mes sentiments, mais donnez une vraie chance à cette oeuvre de chef, elle le mérite.