Lucky Peterson -Tribute to Jimmy Smith à La Passerelle Saint-Brieuc (
Théâtre Louis Guilloux
) - le 16 mars 2018
Il est 20h, tu quittes le foyer et comme tout le monde tu te diriges vers le Théâtre Louis Guilloux ( 987 places) pour le concert, blindé, de Lucky Peterson.
Les arrivées tardives sont irrémédiablement dirigées vers le balcon, tu as déniché une place au second rang.
Il faudra attendre 20:40 pour que tout le monde soit casé et pour l'extinction des feux, annonçant l'arrivée des quatre musiciens: Lucky Peterson (orgue Hammond)/ Ahmad Compaoré (batterie)/ Kelyn Crapp (guitare) et le Frenchie Nicolas Folmer (trompette)!
Lucky ( Judge Kenneth Peterson) est revenu à ses premières amours, l'orgue Hammond B-3, et a choisi de rendre hommage à un des maîtres de l'instrument: Jimmy Smith.
Son dernier album, « Tribute to Jimmy Smith » a été enregistré à Paris en février 2016, il constituera la pierre angulaire de la playlist ( inexistante) du set de ce soir.
Les complices: à la guitare, le jeune Kelyn Crapp, deux p svp, c'est loin d'être du caca, un jeune homme qui manie la Strato tout en finesse, de loin on n'a pas noté la présence de pédalier, ce mec ( membre du Kevin Conness Band) est un puriste!
Aux drums, le métronome, Ahmad Compaoré, un Marseillais d'origine égyptienne et burkinabé, qui ne joue pas aux boules, mais qui a déjà accompagné Fred Frith ou Marc Ribot.
A la trompette, l'élégant Nicolas Folmer ( super, les pompes rouges), sideman, e a , aux côtés de Yuri Buenaventura, Henri Salvador, Dee Dee Bridgewater, Diana Krall, Richard Galliano ou Charles Aznavour et membre du Paris Jazz Big Band, quand il ne se produit pas au sein de son propre quartet dans lequel évolue un certain André Ceccarelli!
Bref, Lucky a une chance inouïe d'être entouré de virtuoses!
Après trois "bonsoir" enjoués et après avoir quitté ses pompes, le malicieux Lucky nous touche quelques mots annonçant la couleur du menu de la soirée, de nombreux extraits du Tribute to Jimmy Smith, du blues, de la soul et beaucoup de groove.
Saint-Brieuc, ne le prenez pas mal mais J'm gonna take my time, je me fais vieux, après quelques facéties , le chef nous propose d'embarquer dans le train de nuit permettant une mise en évidence de la fastueuse trompette de Nicolas Folmer. La guitare embraye en mode Wes Montgomery, Lucky et Ahmad assurent une rythmique infaillible.
Le groove suinte de partout, la salle, déjà, bout, pendant près de quinze minutes le 'Night Train' défile sur les rails bretons tandis que derrière son orgue d'église, la casquette bien vissée sur le crâne, le pasteur nous la joue Jerry Lewis, tu as bien lu, pas Jerry Lee Lewis, l'autre, le copain de Dean Martin.
La guitare tricote sur le 'Blues for Wes', yeah grogne l'organiste, puis une trompette traficotée prend le relais, Lucky pousse la chansonnette pour laisser la voie libre au batteur qui s'engouffre dans la brèche et place un solo racé, non dénué d'humour.
Du grand art!
Sans prévenir Mr Peterson embraye sur ' Kansas City' chanté et scatté comme à la grande époque.
St-Brieuc, would you help me, doit-il répéter quatre fois avant d'entendre le public réagir et battre des mains.
Soudain,le maître change d'avis, ses copains doivent réagir il vient d'attaquer 'Got my mojo working'.
La salle aussi est quelque peu désarçonnée par le sens de l'improvisation de l'élève de Jimmy Smith.
Tiens voilà la gitane, elle va lui prodiguer quelques conseils, tu parles, il laisse tomber le standard blues pour attaquer une valse désuète en souriant.
Lucky, tu te fous de nous, vieux?
Vous êtes des endormis, je vous ai priés de m'accompagner, on lui obéit pour entamer les choeurs de ' Stand by me', une nouvelle incartade, il ne termine pas le Ben E King et amorce ' Chain Gang' de Sam Cooke que peu de gens dans la salle semblent connaître.
Bon, bande d'ignares et celle-là, ça vous dit quelque chose?
Yes, on connaît ' Papa was a rolling stone' des Temptations, cette version purulente valait le déplacement à elle seule.
La ballade céleste ' One hundred ways' ( Quincy Jones/James Ingram) séduit les âmes sensibles et après cette séquence sentimentale, l'espiègle virtuose revient à Jimmy Smith, on croit avoir reconnu ' Misty'
La cohésion est absente, heureusement l'immense talent des protagonistes sauve la mise et le fantaisiste a le mérite de laisser beaucoup de place à ses acolytes.
Tandis que Kelyn soliloque, Lucky quitte le B-3 s'assied près du jeune guitariste puis ramasse une guitare et, à la slide, entame 'Dust my broom' uniquement accompagné par Ahmad qui, debout à ses côtés, secoue quelques colifichets empruntés à une tribu indienne établie dans les calanques de Cassis.
L'exercice se poursuit avec ' Hoochie Coochie Man' et une version alternative du ' Mojo'.
' World's In A Tangle' de Jimmy Rogers et 'Death don't have no mercy' terminent la séquence blues à la guitare, le band au complet revient à la formule initiale voyant Lucky Peterson reprendre sa place derrière l'Hammond et rejouer du Jimmy Smith.
OK, il en fait des tonnes, s'avère légèrement cabot, cela n'aura pas gâché le plaisir des Briochins, il avait annoncé la fin, il change d'avis et nous balance 'A song for you', un hit pour Ray Charles, avant de prendre la direction des coulisses.
Saint-Brieuc le rappelle, ils reviennent tous pour un dernier Jimmy Smith flamboyant, pendant lequel Ahmad Compaoré se permet quelques acrobaties ayant fait frémir Patrick Sébastien qui compte le signer pour le plus grand cabaret du monde!
La tournée se poursuit, elle s'arrête à Paris le 20 mars!