vendredi 21 avril 2017

Barry Adamson - Esinam à la Rotonde du Botanique - Bruxelles, le 20 avril 2017

 Barry Adamson - Esinam à la Rotonde du Botanique - Bruxelles, le 20 avril 2017.

A la lecture des noms Magazine, The Birthday Party, Nick Cave and the Bad Seeds, Visage, on pouvait s'attendre à la présence de têtes grisonnantes et de dames d'un âge qualifié de mûr dans l'hémicycle de la Rue Royale.
Nos prévisions étaient supérieures à celles des responsables météo sur les chaînes nationales, ce qu'on n'avait pas pressenti, par contre, c'était le chaos expérimenté dans les tunnels bruxellois, il ne pleuvait pas, on était jeudi, aucun sommet n'était annoncé, pas de manifestations au programme et pourtant c'était le bordel!

Résultat des courses peu de monde dans la salle lorsque Esinam entre en piste!
Esinam Dogbatse est devenue une des  protégées des programmateurs de la région Wallonie- Bruxelles.
Elle s'est fait les dents en accompagnant, à la flûte traversière, un nombre incroyable de musiciens  issus de tous les univers: jazz, musiques métissées, funk, soul, blues du désert... tu l'as croisée chez Cassandre, aux côtés de Teme Tan, au sein des Elements ou  lors de Focus Amazigh pour fêter le Nouvel An berbère, à chaque fois sa virtuosité a impressionné le public.
Ce soir, elle est seule en piste pour présenter des extraits de son premier EP, 'Kalimba Soul', qui devrait se trouver dans les bacs incessamment.
Rectifions, seule en piste mais entourée d'une loop station, d'une drum machine, de synthés, de sa flûte, d'un  kalimba, d'un tambourin, sans oublier  sa voix!
Après une  longue intro jazzy/africaine à la flûte ( c'est Herbie Mann qui te vient à l'esprit),  que  la séduisante  Belgo-Ghanéenne met  en boucles, elle saisit un tambourin, le tapote, insère les sonorités produites dans le programming puis passe derrière le synthé pour peaufiner ' Dawn' , une plage ethnique aux coloris chamarrés, il ne manquait que les senteurs exotiques pour que le dépaysement ne soit total.
'Kalimba soul', démarré au synthé, est lesté de vocalises lancinantes, le morceau mélange savamment éléments ethniques/techno/fusion et trip hop.
Un must pour les deejays branchés!
La femme-orchestre  poursuit l'exploration en terres vierges avec ' Ari Mo' ( titre à vérifier), une plage construite sur de gros boxing beats, sur lesquels elle greffe un impromptu à la flûte, avant de manier le délicat kalimba. Pour accroître l'impression de voyage aux frontières de l'inconnu, le public a droit à un sample de gazouillis de moqueurs polyglottes, une espèce appréciée par Olivier Messiaen.
Très séduisant, ce soundscape partant en arabesques!
Il est suivi par une mélopée noire baignée dans une sauce électro  et c'est avec 'Birds are flying under a heavy sky' que s'achève ce voyage sensoriel;
T'as scruté la voûte de la Rotonde pour chercher, en vain, le vol des oies bernaches que suggérait cette construction complexe!
A la fin du mois, Esinam participe au Live in Accra Jazz Festive ( Ghana).

' I've been called the outsider's outsider' a, un jour,  confié Barry Adamson au Guardian.
Le Bota ne savait pas trop à quoi s'attendre du concert du gars de Manchester  à la carte de visite étonnante: Magazine, Buzzcocks, Visage, Pete Shelley, Nick Cave + Bad Seeds, Iggy Pop, il est catalogué singer-songwriter, composer ( documentaires, spots publicitaires, jeux vidéo, séries TV), filmmaker, photographer, writer of short stories... à 21h, en attendant son bon vouloir, les conjonctures sont multiples, un duo, un trio?
 Sur scène, outre les deux micros et les mini-amplificateurs, on remarque un piano électrique, une basse, une guitare et un pédalier.
Dix minutes plus tard, la réponse: Barry Adamson tourne en solitaire, la musique est pré-enregistrée!
Quelques craintes effleurent les esprits!
Si le gars tourne sur le continent c'est pour promouvoir son dernier EP, baptisé 'Love sick dick'!
Bonsoir, un pied pas tendre écrase la pédale d'accélérateur, un batteur, un ou deux  guitaristes, une basse, tous invisibles, entament 'Still I rise' ( de 1998)  mi-chanté, mi-hurlé, à la manière d'un rappeur excédé, par le brave Barry coiffé d'un seyant galurin.
Après cette prouesse, le gars nous salue puis prend place derrière les touches et envoie ' I got clothes' habillé du même bruit de fond.
Ce chant narratif le rapproche du regretté Bobby Sichran.
' The beaten side of town' un crooning blues évoque aussi bien Tom Waits que Dr. John.
La voix est sublime, mais il te faut clore les paupières pour apprécier le morceau, sinon tu risques d'imaginer te trouver sur un plateau de TV pour une émission de Michel Drucker où l'artiste reçoit un micro pour chanter en playback.
 OK, Barry chante vraiment et plutôt bien, mais le voir gratter une acoustique alors que c'est un piano que tu entends, cela la fout mal, c'est du niveau concert bricolé au bistro du coin!
' Cine city' précède l'abrasif  'Sweet Misery' qu'il décore d'un étonnant solo de guitare exécuté à l'aide d'un Rubik's Cube.
Rien à dire, le mec est doté d'un sérieux sens de l'humour, sa présence charismatique réussirait presque à faire oublier les gimmicks utilisés sur scène, mais cela ne convainc pas tout le monde, une dizaine de ploucs se sont déjà tirés.
Retour au piano désaccordé, sans la cacophonie samplée ce coup-ci, pour 'Claw and wing' qu'il est obligé de reprendre.
Tu dis, Francis?
Billy Joel?
Pourquoi pas Frank Sinatra, en tout cas, sans les artifices, il impressionne le presque pensionné!
Toujours en veine crooning, il propose 'Come hell or high water'  un slow sombre qui te fait regretter de ne pas te trouver installé à une table, face à Kim Basinger,  dans un bar enfumé quelque part du côté de Manhattan.
Et là tu piqueras la phrase du brave Barry, et tu lui souffleras... your  silence is louder than a H bomb!
Il nous lâche quelques images d'une époque révolue où, dans le public, des épinglés se crachaient dessus puis gueulaient go fuck yourself , avant de proposer 'Turnaround' suivi par 'Destination' d'inspiration post-punk, à la fin du morceau il introduit quelques bribes du 'Transmission' de Joy Division,à  la plus grande joie des vétérans adulant Factory présents dans la salle.
From punk rock to doo-wop, tout est permis ce soir, voici .'On golden square' .
Comble de malchance, Ruth,  la concierge d'un skyscraper de Harlem a pris place juste derrière nous et d'une voix aussi précieuse que celle d'une marchande de poisson au marché de Setubal raconte sa vie avec force détails.
..what the fuck is going on ... se demande Barry!
Ruth nous les casse et pas un peu, papa!
Tiens, voilà les Memphis  Horns attaquant un r'n'b gluant, 'Civilization'.
Tom Hanks se tire à l'anglaise, pas de bol, l'aigle l'a remarqué et tout en chantant lui lance un 'Goodnight' espiègle.
Comme Tom est revenu, Mister Adamson doit s'excuser, ce qu'il fait en se repentant avant d'attaquer le nerveux ' You sold your dreams', alors que depuis 10', Ruth réclame le diable!
Les deux dernières sont issues du dernier EP, le sombre et groovy 'They walk among us', pour illustrer son propos il déambule de long en large et enfin, 'One hot mess", une plage chaotique et dansante.

Si une vingtaine  de spectateurs ont mis les bouts, déçus, les autres, ravis, verront revenir le chanteur qui enchantera Ruth  et lui dédiera un 'Jazz devil' forcément diabolique et vaudou!
A la basse, comme lors de mes débuts, j'achève la soirée par la bombe signée Magazine, ' The Light Pours Out Of Me'.

Barry Adamson  n'a pas présenté les musiciens  avant de regagner sa loge!