Deva Mahal à La Grande Ourse, Saint-Agathon, le 24 novembre 2024.
michel
Hello la France ( et la Suisse) , j'arrive, tu notes?
15.11 / Atelier des Môles - Montbéliard
16.11 / L'EMA - Genève
17.11 / Le Sonograf - Le Thor
19.11 / Sortie 13 - Pessac
21.11 / Jazz Club Etoile - Paris
23.11 / Maison Folie Beaulieu - Lomme
24.11 / La Grande Ourse - Sainte Agathon
Noté, Deva, on sait il faut prononcer diva ( ça te sied), on se voit à Saint-Agathon.
Et t'étais pas le seul à te diriger vers La Grande Ourse, qui, à deux ou trois poids plumes près, affichait complet.
Normal, Deva Mahal, fille de Henry St. Claire Fredericks Jr., alias Taj Mahal, est probablement une des plus grandes voix soul actuelle.
On pourrait citer des centaines de témoignages, on emprunte celui de Peter Lindblad ( Elmore Magazine) : "Deva Mahal’s singing will give you goosebumps. It’s intoxicating and beautifully sculpted, matching the seductive melodic contours it rolls over. Mournful and soothing, and liberated and dynamic, it is worth the price of admission alone."
A l'issue du concert on doit concéder que pas mal de frissons ont parcouru ton épiderme, que t'as senti des choses remuer au niveau des tripes, qu'avec des centaines de gens tu as chanté, tapé dans les mains, tu as souri, parfois pleuré... bref, comme tout le monde, tu as vibré pendant 90 minutes.
Deva ( 42 printemps) , née à Hawaï, a vécu en Nouvelle-Zélande, et si elle a commencé à chanter à l'âge de 5 ans, il lui a fallu du temps avant d'entrer dans un studio d'enregistrement pour graver des disques sous son nom;
'Run Deep' un premier album paraît en 2018, il succède à un EP de trois titres sorti en 2017, en 2023 l'EP 'Future Classic:,Vol 1: Classic' est édité.
Un second full album est en prévision.
Un léger retard sur le programme te permet de considérer l'étonnante configuration de la scène; sur une estrade, à notre droite sont installés un orgue et la batterie, l'emplacement des amplis nous indique que la basse et la guitare seront en retrait, le devant de la scène est occupé par deux micros sur pied, une position centrale pour le premier, à 4 mètres, à gauche, se niche le second.
Le band cosmopolite: un Suisse, un Londonien et quelques Kiwis.
Aux keys, un crack: Ashley Henry ( London, origines caribéennes ) , deux albums sous son nom/ aux drums: Sam Notman (New Zealand)/ à la basse , le grand Benjamin Gabriel Muralt ( Suisse)/ à la guitare, une autre pointure, Noel Ashton Mihail Sellars ( New Zealand, désormais London) et aux secondes voix, la talentueuse Iris Little ( New Zealand).
Par quelques riffs non électrifiés, Ashton donne le signal, basse, claviers et drums enchaînent, puis viennent les filles ' Run Deep' est sur les rails, il ne faut pas 20 secondes pour comprendre que cette madame a hérité d'une voix incroyable, les fantômes d'Aretha Franklin, Nina Simone , Etta James ou Amy, surgissent, la genuine soul ( pas celle en plastique servie par des gamines singeant Aya Nakamura) ruisselle de partout
La nouvelle reine de l'afterbeat vient de frapper très fort dès le premier titre du set., un ace!
Elle embraye sur un extrait du dernier EP, 'Run me through', a song about falling in love with the wrong person... une histoire connue!
Deva et Iris excellent dans un dialogue élégant, les garçons nous la jouent en mode blue-eyed soul soignée, style Hall and Oates , Robert Palmer ou Simply Red.
Le tempo demeure flegmatique avec la ballade ' Fire' décorée d'étonnants effets ebow à la guitare.
La voix sereine au début monte insensiblement en puissance, le feu couve, comme quand les Pointer Sisters reprennent Bruce Springsteen, dehors le thermomètre était monté jusqu'à 18 degrés (étonnant pour un mois de novembre), dans la salle on dépasse allègrement les 30 degrés.
J'ai mis toute mon âme et tout mon coeur dans 'On read', une lettre destinée à quelqu'un qui m'a blessée, quelqu'un qui a menti.
La voix vient des profondeurs de l'âme, les backings sirupeux et le solo de guitare douloureux, ajoutent une couche de souffrance supplémentaire à la complainte.
T'as failli quitter ton siège pour lui tapoter l'épaule, lui dire 'ça va aller, viens je te paye un verre' , t'as hésité, elle a terminé sa tirade, nous a remerciés d'avoir écouté et réagi avec enthousiasme, avant de présenter l'équipe et de signaler que la tournée s'achève ce soir.
La lovesong 'I want you (for all time) ' repose sur un piano câlin et dégage un groove dégoulinant de sensualité.
Binky Griptite ( Sharon Jones and the Dap Kings) est crédité comme compositeur de 'It's down to you', une nouvelle heatbreaking song, sur laquelle le solo de guitare d'Ashton a arraché quelques larmes à une voisine sentimentale..
Vas-y Benjamin, attaque, c'est donc la basse qui amorce la suivante, qu'elle qualifie de stinky, with a little dirt on it, this is the sexy, groovy part of the show.
Le sulfureux 'Goddam' colle sans bavures et quand l'orgue décolle, le fruit mûr exsude un jus aussi poisseux que du liquide séminal.
Elle nous avait prévenus, a skunky one.
Avec le palpitant ' Snakes', Deva marie avec astuce rhythm'n'blues, soul et gospel, les serpents, au lieu de ramper, sautillent , cabriolent et dansent, à la manière de Joséphine Baker, sur fond de piano tumultueux.
Saint -Agathon bat des mains, les pieds écrasent le sol, on a ramassé deux ou trois orvets piétinés, Deva sue, se débarrasse de son étonnante veste et nous incite à chanter avec elle... hey, hey, hey, ooh, ooh ooh... c'est la révolte des esclaves!
On se calme, les amis, Ashton can you play some late night guitar chords to start 'Travel with me', un voyage au pays du slow immortel, celui qui tue ( et pas que les mouches) , un slow qui pique comme un scorpion chantant 'Still loving you'.
Décidément cette fille possède un timbre pas humain, si le Taj Mahal est fait de marbre blanc, la tessiture vocale de Deva est faite de caramel, de miel, de vanille ou de cannelle, le tout saupoudré de poudre magique, distillée par la fée Musa.
Il en reste une, 'Will anything change' , un titre funky qui montre son engagement politique: le civil rights movement, le droit des femmes, le racisme... elle évoque d'ailleurs 'strange fruit' de Billie Holiday dans ce texte perspicace.
Saint-Agathon a compris le message et applaudit pendant de longues minutes Deva et son band impeccable, ils reviendront pour interpréter une dernière flèche en plein coeur ' Stand in' .
Allons- y pour les superlatifs pour décrire ce concert: magistral, sublime, fabuleux, impérial, homérique, monstrueux....
Quoi, Eloy?
T'en fais pas un peu trop?
Rabat-joie!