Anaïs Rosso - Centre culturel Le Cap, Plérin, le 15 novembre 2024
michel
Dans le cadre de la création du fonds vinyles « Féminin Pluriel » proposé par la médiathèque Le Cap à Plérin et profitant du Festival itinérant Les Femmes s'en Mêlent, le service culture de Plérin propose un concert ( gratuit) d' Anaïs Rosso dans l' impeccable Auditorium du centre culturel.
Si Anaïs Rosso, une des lauréates du programme d’accompagnement WomenBeats de 2022, ne peut pas encore étaler une discographie imposante, à peine deux titres sur les plateformes, sa carte de visite "concerts", par contre, peut être exhibée, rien qu'en 2024 des prestations un peu partout en France, avec déjà un passage dans le 22, en juillet elle était sur scène à La Roche Jagu, et quelques premières parties intéressantes, notamment Keziah Jones.
Après une brève allocution d'un membre de l'organisation, l'artiste, née à Paris et ayant vécu pendant quelques années en Afrique, puis en Australie, histoire de peaufiner son anglais et d'admirer la faune locale, se présente face au nombreux public.
Parenthèse: avant de tenter l'aventure solitaire, elle a fait partie du groupe Oscar Meïka.
Sur scène on avait aperçu un mini synthé et un échantillonneur multi-pads, sur le sol traîne un jeu de loop effects pedals, qu'elle utilisera à bon escient.
Polie, l'aimable et souriante jeune dame nous salue, place quelques accords de guitare aussi sobres que ceux de Tracy Chapman ébauchant ' Fast Cars', avant de ricaner comme une hyène dérangée, après avoir d'un doigt actionné le sequencer, elle annonce une chanson traitant des oiseaux de mauvais augure.
Toi qui voyais la colombe comme un messager de la paix, tu es surpris d'entendre que la colonie de ' Colombes' ressemble plus aux oiseaux de malheur décrit par Alfred Hitchcock dans le thriller ' The Birds'.
La guitare bluesy et le chant narré, ont tôt fait de captiver l'assistance, quand soudain, la voix d'Anaïs prend des intonations lyriques avant de nous surprendre en la modulant pour adopter des inflexions enfantines, comme si elle s'adressait à son chat.
Après avoir introduit quelques bribes de ' La Marseillaise' dans son couplet, elle nous refait le coup des gloussements du kookaburra, un volatile qu'elle a dû croiser Down Under.
Tout le monde a des ami(e)s, ceux d'Anaïs se nomment Verlaine, Yourcenar, Maya Angelou, elle évoque ces gens avant d'attaquer un second titre inspiré et mélodieux , qu'elle décore de miaulements destinés à sonner comme une trompette ou un saxophone buccal.
( On a bien vu une setlist qui mentionne ' Paradis' comme second titre, mais après le set elle te mentionnera que la chronologie n'a pas été forcément respectée et ' Paradis' viendra bien plus tard, a-t-elle interprété ' Les immortels', maybe? ).
Miss Rosso aime raconter, elle est de la race des storytellers baratineurs, après avoir cité quelques Rosa qui l'ont inspirée ( Rosa Luxemburg, Rosa Parks... ) et confié avoir prénommé sa fille Rosa, c'est logiquement qu'elle enchaîne sur 'Facing Roses' , un titre bilingue qui justifie un parallèle avec Joan Armatrading.
Mon ami ' June' est timide, il est là mais ne se montre pas... au synthé, d'une voix soul, profonde et malléable, elle chante son June... a guy like another guy...
Par quel miracle a -t-elle pu adopter ce timbre viril nous confirmant la présence de l'homme invisible?
C'est incroyable ce qu'on peut faire avec le voice modulator, effet magique garanti!
Elle termine ce titre imparable par une petite promenade face au premier rang.
Toujours au synthé , elle propose ' Till there was you' , a lovesong, débutant par une intro majestueuse avant de virer jazz / trip hop tune qui la voit crooner à la manière de Nina Simone.
'OVNI' est une lettre destinée à ma mère.
La chanson, au texte rancuneux, est amorcée par des sonorités ondulantes et caoutchouteuses au synthé, mais lorsqu'un doigt écrase une touche de l'échantillonneur, ce sont de gros beats qui jaillissent, un essaim de choristes invisibles ajoutant un fond africain à ce chant prophétique.
L'univers d'Anaïs est à la fois déconcertant et enivrant.
Voilà ' Paradis', un synth pop track où l'électronique sonne comme un accordéon et où Adam et Eve respirent en créole.
Elle revient à la guitare pour chanter les peurs enfantines... I see monsters... this is awesome... elle pleurniche... slow down, slow down... my suffering is insane... ( Endless darkness'?).
Ce titre suffocant est à rapprocher des compositions sombres d'Alela Diane ou de Shannon Wright.
Plérin, je n'aime guère les silences, mais une guitare doit être accordée!
Après ce bref blanc vient 'Eveille- moi', un morceau qu'elle a composé à l'âge de 14 ans.
Verlaine et la Seine copinent.... Anaïs, toute gamine, déjà, maniait rimes et métaphores.
Il m'en reste une, ' From the sea with love' a été composée en Australie, it is the story of a fairy tale.
Ce titre folk aux relents Cat Power, Tracy Chapman ( déjà citée), Sharon Van Etten ou Valerie June..., met un terme à un concert singulier, donné par une artiste à la tessiture vocale étonnante et au charisme magnétique.