dimanche 13 mars 2016

Lior Shoov - BUFFLE ! au centre culturel de La Ville Robert - Pordic ( 22), le 12 mars 2016

Lior Shoov - BUFFLE ! au centre culturel de La Ville Robert - Pordic ( 22), le 12 mars 2016

Un double plateau, baptisé Les Cousins Zinzins, au centre culturel de La Ville Robert, un superbe ensemble installé dans une ancienne ferme non loin de l'église de Pordic: Lior Shoov  et  BUFFLE !

Les portes de la salle s'ouvrent à 20:30', après une  courte introduction de Marie Casagranda, chargée de production au centre culturel, le public attend l'arrivée en scène de l'artiste israélienne, Lior Shoov, qui avait fait un tabac au Printemps de Bourges 2015.
On s'attend à la voir surgir des coulisses pour s'installer sur le siège, entouré d'un arsenal d'instruments insolites, on s'est mépris, l'étrange oiseau se manifeste en descendant les marches qui la mènent vers la fosse. Tout  en s'accompagnant d'un lamellophone aux sonorités noires, elle a entamé une rengaine enfantine, exotique, intitulée ' Comment ça commence'.
Toujours avide de rapprochements, ton cerveau avance CocoRosie, Témé Tan ou tUnE-yArDs, d'autres musiciens atypiques maniant l'art du décalage à la perfection.
Une chose est certaine, cette apparition, à la fois poétique et rocambolesque, à l'accent suave, a réussi dès l'entame à hameçonner toute l'assistance et elle ne compte pas casser sa ligne pour perdre le poisson.
Elle s'assied, accroche un tambourin au pied droit, pour proposer la suivante en s'aidant du même kalimba, elle chantonne... j'ai jamais écrit des chansons d'amour...pour passer à l'anglais ' Caress my skin'. Quand elle en a marre des sonorités discrètes des lames pincées, elle tabasse le bois pour rythmer sa mélodie, tout paraît si simple, improvisé, mais cette nana sait ce qu'elle veut!
Elle saisit un ukulele, se présente, je m'appelle Lior, ça veut dire lumière, je viens d'Israel, puis entame, en onomatopées, un scat virant autobiographie musicale.
Surprenant et drôle.
Parenthèse, elle joue sans playlist, n'a pas encore enregistré d'EP ou d'albums ( c'est prévu en 216), don,c pour les titres on travaille au pif!
Alignement de clochettes multicolores à ses pieds, elle les secoue, chantonne, puis se tape une séance musclée de body beating. Viens avec moi nous propose le funambule, on n'ose pas, pour finir la rengaine,  elle tente d'apprivoiser un papillon perdu.
Tu souris, comme toute la salle, tu es sous le charme et tu es prêt à la suivre lorsqu'elle propose 'Take me on a ride' d'une voix cassée.
Après avoir manié le fragile ukulele, elle choisit le charango, don't worry for me, je m'en vais, ne t'en fais pas, puis elle entame une danse décharnée, ce  polichinelle manié par des mains maladroites émeut et séduit.
Elle n'a pas encore utilisé tout son attirail, c'est quoi ce truc, un wok, une calebasse?
Non un hang, sorte de steel pan suisse, un nouvel instant magique que cette mélopée africaine.
Lior demeure imprévisible, elle envoie les clochettes balader d'un coup de pied bien senti, attrape un jouet de gosse produisant les sons des animaux de la ferme: volaille, vaches, cataclop, cataclop, matous, éléphants passent la revue, comme tous les gosses, elle abandonne bien vite la babiole, se coiffe d'une casquette  en peau de lapin-nain et entame un rap casse -gueule et joyeusement bordélique.
Une cover second degré de Emilia' Big big world' achève l' improvisation.
Elle fixe l'assistance, eh, toi, tu peux venir, donne-moi la main, c'est gênant, hein, tu t'appelles comment?
Christophe.
OK, on va jongler, t'as mangé quoi, Christophe?
Un sandwich, d'accord, t'habites  où, chez ta maman, tu boudes , moi, je chante et le public l'accompagne.
Calvaire terminé pour le malheureux et nouvelle rengaine interprétée à l'aide du kalimba, 'Chante de là où tu es', suivie d'un hymne pour la paix, elle n'oublie pas qu'elle est Israélienne, ' Call for light'.
La femme orchestre a plus d'un tour dans son sac, elle murmure... je fais du vent devant vous  ...et joint l'acte à la parole en faisant tournoyer  de plus en plus rapidement un engin battant l'air.
Le public n'a pas encore tout vu, le clown arbore une peluche pouet-pouet, quand je l'ai achetée à Tel-Aviv, la vendeuse m'a regardée bizarrement comme si j'étais zinzin.
Certains évoquent Camille, c'est pas idiot.
Un regard vers l'ingé-son, il me reste sept minutes, que vais-je faire... regarder les grains de poussière voleter autour de moi,  improviser un slam existentiel, me tricoter des chaussettes?
Encore trois minutes, il faut avouer qu'en fait vous êtes des cobayes dans mon laboratoire, bon, une chanson au ukulele, le tendre 'Nage dans les nuages' où grenouille rime avec ça broule, suivie par un improbable exercice en maniant un sac en plastique, tour à tour  caressé, chiffonné, maltraité avant de lui glisser des mots tendres et de s'éclipser en douce.
La salle l'acclame, elle revient pour un dernier morceau interprété en hébreu avant de nous quitter définitivement.
Et la lumière fut!

Le public est prié de quitter le théâtre pour la mise en place du spectacle de Buffle.
Des consommations sont disponibles dans le hall d'entrée, après dix minutes, apparition inopinée d'un ange déchu, ventru et velu, traînant à sa suite un lot de casseroles usagées. La créature céleste, messager divin, nous introduit le numéro qui va suivre...ça promet!
22:35' retour en salle, sur scène: un piano, un orgue, un set de batterie, une guitare. Il suffit d'attendre l'arrivée, imminente, du bovidé tricéphale,  c à d, Pierre Dodet ( chant, orgue, batterie, monologues, improvisations, peuplier amateur) , Xavier Machault ( chant, monologues, improvisations, guitare) et Roberto Negro ( piano, chant, monologues, improvisations).
Le spectacle ( inclassable) est bien rôdé, il est passé à Avignon l'été dernier.
Entrée en matière fracassante, Dodet, guère dodu, se prend une pelle et se casse la gueule pour atterrir sur  l'orgue, il a laissé échapper les partitions qui aboutissent aux pieds du premier rang. Les catastrophes se succèdent sur le podium, on est loin du concept concert, on nage dans le royaume de l'absurde où musique, théâtre, performance, cirque, cabaret se mélangent.
Damen und Herren, attendez-vous à être déconcertés!
Le premier tableau s'achève, un des protagonistes nous sort une carte, datant de 1923, montrant la botte, fasciste en ces temps, d'après ce farfelu l'antiquité représente l'Ecosse.
Ce préambule sert de prétexte pour nous narrer la vie de Lisbeth et Samuel Becker, un cousin éloigné du très cartésien Godot.
Après ce tragique récit, les spectateurs éberlués ont droit à un numéro digne des Frères Jacques, sans les justaucorps, collants, moustaches et gibus.
Deux ou trois individus, déboussolés, quittent la salle.
Voici l'histoire d'un peuplier vieux de 113 ans.
Admirons les talents du pianiste et la drôlerie de ses compères.
Après le coq, voici l'âne et, comme le karbeau avait été mis au courant de la présence d'un compatriote de manneken-pis dans l'assistance, il nous chante l'homme sur le quai, un grand moment de poésie ferroviaire, basé sur le tableau d'affichage indiquant l'arrivée et le départ des trains: 16:32 Liège Guillemins/ 16:36 Oudenaarde/ 16:41 Bertrix/ 16:44 Bruxelles Centrale/ 17:01 Knokke Mazout....
Fabuleux!
Changement de ton, sur fond de rondo fou, on a droit à une prophétie sombre suivie par un texte romantique ayant fort plu à Lamartine.
Pardon, madame?
Ah, d'accord, vous, c'était Josiane!
Voici le peuplier, comme les locomotives de la SNCB, il s'est pointé tardivement, pas grave on lui propose de chanter un doo-wop intellectuel.
Si on leur envoyait quelque chose de tendre?
Tu parles, Charles, un rock lourd et viril auquel succède un chant de marin déprimé et déprimant.
Retour de l'ange et de ses casseroles, il a emmené ses copains, tous trois entament un air angélico-rabelaisien qui a tellement plus à Dieu que celui-ci a décidé de créer les boulettes!
Fin se lit sur l'écran.
Les anges rejoignent Vanessa, restée là-haut!

Rappel, a capella, Tom Waits ' Rains on me' ... n'oubliez pas d'arroser vos plantes!

Lior?
Buffle, c'est mieux que l'opéra bouffe!