Kanerien ar Goëlo et la troupe de Valérie Rio en l’église paroissiale de Saint-Quay Portrieux le 13 mars 2016.
L'église paroissiale, construite entre 1879 et 1884, fait partie du patrimoine quinocéen comme le Sémaphore, l'Île de la Comtesse, le moulin Saint-Michel ou la fontaine Saint-Quay.
En ce dimanche après-midi, les paroissiens ne s'y rendent pas pour assister à l'office dominical mais bien à un double concert, celui de la chorale quinocéenne Kanerien Ar Goëlo et à un second récital proposé par la troupe de Valérie Rio.
Kanerien Ar Goëlo a vu le jour il y a 8/9 ans et, depuis peu, Bernard Schoenhenz a passé sa baguette de choeur à la soprano Louise Izem.
16:00, fait pas chaud dans l'édifice religieux malgré l'apport de lampes chauffantes, plus de 40 seniors prennent place face à l'autel, les dames, vêtues telles des premières communiantes ridées et fardées, étant largement majoritaires, l'élément masculin, sobrement vêtu de noir, se chiffre à une dizaine d'unités, détail, aucun boy-scout sur scène!
Un court laïus pour excuser l'absence de monsieur le Maire retenu pour d'autres activités culturelles ou digestives et la brigade entame un premier chant sacré, 'Aotrou o Aotrou', une version bretonne d'un psaume venu du Bénin.
Un des exécutants se charge de la présentation du programme en version bilingue ( breton- roman), malheureusement quelques ennuis techniques compliquent la bonne compréhension de son discours.
Il nous propose une suite de trois cantiques, un air de Bach à la sauce Goëlo, 'Amazing Grace' ayant subi le même traitement et une mélodie galloise pas vraiment grivoise.
Faux départ, l'organiste avait compris Haendel, pas grave on remet le couvert!
Ghislaine, 83 printemps depuis avant-hier, en soliste, le reste de la troupe bourdonne.
De lointains souvenirs de messe de minuit dans l'église Saint-Clément de ton enfance ressurgissent, c'était les seules festivités synonymes de réveillon de Noël auxquelles tu étais convié, à l'époque.
Ce rituel t'a tellement marqué que tu t'es mis à aimer Ria Pia et sa Jodelende Koe.
Tu as probablement compris que l'aubade, hautement soporifique, ne t'emballait pas un max.
Une nouvelle suite nous est balancée, 'Le retour des Celtes' et deux titres repris par Tri Yann.
Tout ça est fort gentil mais ne dépasse guère le cadre de l'anecdotique.
Certains vétérans s'intéressent à la philatélie, d'autres jouent aux boules ou à la belote, les sportifs assistent au match de foot, les moins courageux font la sieste, Kanerien Ar Goëlo a décidé de chanter plutôt que de se caler devant le petit écran pour subir Drucker.
Tu dis, Clelia?
Ah, oui, ils tanguent, la mer est agitée aujourd'hui.
Un traditionnel irlandais et une allégorie décrivant la situation actuelle de la Bretagne, Marie-Angélique, une marquise vénitienne, en vedette, puis un texte de Job An Irien pendant lequel tu surprends les ronflements d'un brave individu assis derrière toi et enfin un duo aux accents rock moyenâgeux, clôturent ce concert propice au recueillement.
Quoi, Clelia?
C'est pas bien de se moquer, ils n'étaient que quelques uns à chanter faux.
Christiane?
J'ai noté un manque de fluidité
Le maire: heureusement que j'étais à une kermesse aux moules!
Mesdasmes et Messieurs, nous quémandons une obole pour enregistrer notre prochain CD.
Un panier circule!
Quelques accessoires sont installés face au crucifix avant le second récital du jour, celui de la troupe de Valérie Rio.
La mezzo-soprano, professeur de chant à Lamballe, jouit d'une excellente réputation dans l'univers lyrique hexagonal, son nom est associé à une série d'ensembles pas bidon: Accentus, Les Arts Florissants, les Goûts Réunis...sans oublier ses apparitions à l'Opéra ou en récital, accompagnée, par exemple, par la guitare de Sébastien Lemarchand.
La séduisante musicienne introduit Murielle Védrine, pianiste/organiste, qui accompagnera l'imposant baryton Alain Rouxel et quatre charmantes voix féminines, Louise Izem, qui venait de diriger Kanerien ar Goëlo, la toute jeune soprano Antonine Vermotte, un pur talent pourri de classe, Roselyne Théaudin, soprano et Evguénia Simon, une autre chanteuse soprane.
Petite mise en scène galante pour ouvrir les hostilités, les cinq protagonistes brillent pendant 'Due pupille amabili' un extrait des Sei Notturni de Wolfgang Amadeus Mozart, le compositeur qui sera mis à l'honneur pendant ce récital.
Oui, Clelia?
Quelle différence de niveau par rapport à la chorale précédente.
Tu ne peux qu'acquiescer!
Louise en évidence pendant l' ' Agnus Dei' du Salzbourgeois puis ce sont le baryton, armé d'une mandoline médiévale décorative, et Evguénia qui s'attaquent à une frivole ' Canzonnetta' extraite de Don Giovanni suivie par 'La ci darem la mano' issu du même opéra.
Toute l'assistance, ébahie, est sous le charme.
Grosse claque en pleine figure lorsque Antonine amorce en solitaire "Als Luise die Briefe ihres ungetreuen Liebhabers verbrannte".
Roselyne lui succède pour un air de Puccini. ' Omio babbino caro' est issu de 'Gianni Schicchi'.
Le mont Rouxel n'avait pas de flûte à sa disposition, avec l'aide de Roselyne, à laquelle il fait les yeux doux, il amorce ' Pa, Pa, Pa' l'allègre duo de Papageno et Papagena de ' Die Zauberflöte', Evguénia émeut l'assistance par son interprétation magnifique de l'aria 'Ach, ich fühl's, es ist verschwunden '.
Moins tragique sera le 'Sound the trumpet', un anthem duet signé Purcell, sung by Antonine et Louise, l'orgue prenant de soyeuses tonalités de clavecin.
En français, une des rares oeuvres vocales de Gabriel Fauré, ' Puisqu'ici-bas toute âme' au texte signé Victor Hugo.
La troupe au garde-à-vous, cet instant martial annonce une nouvelle mélodie extraite des Sei Notturni de Mozart.
Intermezzo comique, Roselyne, transformée en soubrette, vient épousseter l'auguste crâne d'un spectateur amorphe pour ensuite relayer le baryton qui avait entonné le futile ' Se a caso Madama la notte ti chiama' le duo que Suzanne et Figaro échangent durant 'Le Nozze de Figaro'.
Antonine tiendra le rôle de Chérubin, logique, ' Non so piu cosa son'.
L'aubade prend fin en quintette, un dernier air issu des Sei Notturni, ' Più non si trovano'.
Tel un seul homme, tous les paroissiens se sont levés pour applaudir l'incroyable performance.
Un rappel avec la complicité du chef, Valérie Rio, on quitte les grands classiques pour une version chaude de 'S Wonderful' de Gershwin.
Brillant.
Le dessert!
La chorale et les artistes lyriques réunis entament une berceuse liturgique suivie par le fougueux 'Bro Goz Ma Zadou', l'hymne de la Bretagne!