Le Grain d'Orge, chaussée de Wavre à Ixelles, une institution dans l'univers blues de la capitale.
Depuis la préhistoire, chaque vendredi soir, le patron te propose des concerts gratos.
Tout ce que la Belgique compte comme blueseux a foulé les planches de ce bruine kroeg, qu'un guide pour touristes de chez Cameron décrit ainsi... From soothing blues and groovy jazz to foot-tapping rock and pulsating pop, music lovers can get all they want at Grain d'Orge. ..
Une mémoire défaillante refuse de t'énumérer le nombre de groupes que t'as vus écumer ce vieux zinc, mais elle se souvient d'une soirée mémorable, car plus qu'arrosée, avec le Night Time Heroes Blues Band, un Chicago Blues Band d'Oilsjt, la souriante cité des Ajuinen.
Roger Reynaert, le fondateur de Baron Samedi, doit avoir égayé les clients assoiffés de ce troquet une bonne vingtaine de fois avec Mighty Roy et les Bluesdealers, Wild Vince and ze No Limits, Charles Lee Roy Blues Band ou autres formations portant haut l'étendard blues/boogie sentant la Mississippi River.
Le hic majeur c'est de larguer ton véhicule dans le ghetto ixellois, pendant 30 minutes t'as fait 10 fois toutes les ruelles du souk sans trouver un emplacement pour abandonner ta charrette, résultat des courses, tu te pointes à 22:10' au Grain d'Orge, tu commandes, rapidos, une limonade pleine de mousse pour calmer tes nerfs, avant d'aller te coller face au podium où Baron Samedi s'active déjà allègrement.
Baron Samedi?
L'esprit de la Mort, l'époux de Grande Brigitte, la gardienne des tombes...t'es pas un peu tard pour le carnaval?
Pas la peine d'étaler toute ton érudition vaudou, menneke, Baron Samedi, c'est Roger Reynaert aux vocals et guitares- le vétéran Gianni Manente aux drums( déjà membre des Bluesdealers, d'Himalaya, du Buddy Bolden Process ( le band de Dave Killen)- du band de Bob Christopher, de Feso Trombone- du Muzz Blues Band de Muzzy Horn/Geezer Young etc...) - le fabuleux Eric Nobels au blues harp (CoraLee & No Trouble Blues Band) et un petit jeune pas con à la basse, il a répété trois fois avec le Baron: Cédric Oliver(Moon Palace, Bum Notes...).
A première vue, t'as manqué ' Hideaway' et 'Spoonful' et t'as atterri pendant 'All your love'.
There's no blues gig without a train song, ' Cold Blue Steel' annonce la playlist.
Peux pas t'affirmer que c'est le titre de la plage ou le nom d'un groupe texan, tu t'en fous, tu sautes dans le wagon pour te laisser emporter par ce bluesrock ferroviaire.
Un stomper: ' Kiss me or cuss me' de Jim Wallace.
Nobels prize pour le moaning harp du brave Eric, comme pris de crampes d'estomac et plié en deux en tirant ses lignes plaintives.
Il nous tourne le dos pour aller tripoter un ampli qui déconne vache, les autres turbinent comme si de rien était.
Zen ont vu d'autres, ces requins qui amorcent un méchant shuffle ' Let's buzz' ( The Paladins) avant de décider de changer de cap, direction la moite Louisiane et ses plats épicés cajun, 'Ride with your daddy, tonight' virant créole 'Laissez les bons temps rouler' .
Gaffe aux cyclones et aux sales bestioles infestant le bayou.
Peter Green, c'est le plus grand, voici son 'Looking for somebody' que Fleetwood Mac grava en 1968.
Retour au boogie' Two time boogie', Studebaker John.
Tous les rouages sont bien huilés, même si le compteur de la machine doit indiquer 165000 miles, le moteur tourne nickel, aucun trou à l'accélération vers 2000 tours, tout baigne dans la margarine diététique!
Paul Lamb & the King Snakes, ' Somedays', high energy and juicy grooves.
Du Chicago blues from the UK.
Avant la pause pompe à bière: 'Automatic' de Lester Butler, un dernier aperçu des talents d'Eric, l'aristocrate du harpoon.
Soixante minutes bouillantes!
Set 2
Il démarre avec l'instrumental 'Going Down' histoire de se remettre en route sans faire exploser les turbines.
Little Charlie a des problèmes, il est tombé amoureux d'une nana qu'il ne supporte pas du tout, comme une pleureuse médiévale, il se lamente: ' Desperate Man'.
Un nouveau boogie 'In my dying day' ..I want nobody to cry..., l'ampli d'Eric a rien pigé, il se remet à geindre... un suppositoire à l'eucalyptus dans le rectum, ça va aller!
C'est comme avec Esso, mettez un tigre dans votre moteur, vous aurez la pêche: ' Wild Tiger'.
Le truc inspire un couple de félidés: une moustache chauve, carburant à la trappiste et une nana bien en chair, s'abreuvant à la même abbaye, mais dont le parcours biographique est légèrement moins étendu, entament une séance d'aerobics d'un esthétisme pachydermique.
Cuban Heels, l'épique 'Early in the morning', sur une rythmique en béton, guitare et mouth harp joutent comme des gallinacés féroces et pervers.
Time for a kind of surf: ' Too much of everything' des Fabulous Thunderbirds.
Bonnes gens, ça fait 25' que Vincent Limite ( le singer de Wild Vince and ze No Limits) trépigne sur sa chaise pour en faire une avec nous...ramène les, mec, tu peux avoir le micro.
Un petit rock hexagonal imagé, sentant bon le Bashung/ Paul Personne/ Hubert-Félix Thiéfaine.
Allez, nog eentje, ' A crédit et en stéréo' =' No particular place to go' à la sauce Schmoll, alias Eddy Mitchell .
Ambiance dans le kot!
Merci les gars, j'en bois une sur votre compte.
Le Baron reprend le chemin du Texas: ' Baby, you don't have to go', suivi de l'obligatoire slow blues, ' Electric Man' ( Muddy Waters?), décoré de superbes envolées à l'harmonica.
Stevie Ray Vaughan, le roi du vibrato: ' Cold Shot', puis 'If I had possession over judgement day' de Robert Johnson en uptempo agité.
Avant la fermeture de la boutique, on vous tricote un dernier boogie au titre adéquat, 'After Midnight Boogie', un final au lance-flammes incitant Lolita et Papy Mouzeau à reprendre du service on the dancefloor.
Cette nuit, va falloir que l'ancêtre ingurgite un flacon entier de Viagra!
Euphorie générale et rappel!
' Crossroads'.
Il est 1h05', on est samedi, le baron regagne sa baronnie et la couche de sa maîtresse pendant que ton cerveau essaye de se souvenir de la rue dans laquelle niche ta trotinette.