19h00, file sur le trottoir du boulevard Anspach.
Cinq minutes plus tard, l'AB ouvre ses portes et filtre les premiers clients.
Le concert de Steve Winwood n'affiche pas sold-out, mais la salle est bien remplie (les galeries du second étage sont fermées).
A 19h30' pile, les Holmes Brothers prennent place.
Petite addition et tu arrives à plus de 200 ans d'expérience sur la scène bruxelloise.
Visiblement, le chef de la tribu est Wendell( guitare, claviers et chant), il tient le crachoir, nous incite à chanter, à louer le Lord et à acheter ses CD's.
A la basse et voix de baryton, l'ours souriant et grimaçant: Sherman.
Aux drums et voix de fausset, Popsy Dixon, qui a rejoint les frangins en 1979.
Pendant plus d'une heure le troisième âge de Virginie va enthousiasmer l'AB avec un mix chaleureux de gospel/rhythm'n blues/ soul/ blues ou rock.
Sais pas quel élixir ces vieillards ont avalé, mais leur énergie fait plaisir à voir, leur chant en harmonie est tout bonnement inégalable.
Un régal.
Ils viennent de sortir un nouvel album, 'Feed my soul', et en joueront quelques plages.
Lord have mercy, annonce Wendell, avanti pour un gospel/r'n'b gluant.
Des riffs de guitare à te fendre le coeur, des voix de séraphins et quand Popsy fredonne ...my sweet loving... de son filet de castrato, ton voisin tremble comme un saule ayant lu tous les poèmes d'Alfred de Musset.
Une seconde tranche de pathos gospel, décorée de riffs rockabilly et toujours ces prières adressées au créateur...oh Lord, remember me...
Wendell a sa vision de la foi: I’m a Jesus believer, but, you know, Jesus turned water into wine at the wedding feast, so he was definitely down with a good party...
Ah, oui, d'accord!
Place au rock...can't you hear me when I talk.. ça tricote sec.
'Close the door'...and walk away...n'oubliez pas le portier.
Tire-toi...I just can't stand your conversation... pas piqué des hannetons ce gospel countrysant, que tu retrouves sur 'State of Grace' de 2007.
'You're the kind of trouble' aux odeurs Creedence Clearwater Revival.
Et un slow sirupeux, un: ' He'll have to go', les trois voix se complètent à merveille, le solo blues préhistorique de Wendell vient te caresser le bas-ventre.
Bring it down low, frérots, encore plus bas, on va les faire pleurnicher ces mangeurs de frites.
Une tuerie, ce truc.
Changement de registre, la fleur au fusil, on quitte la tranchée.
Les frères Holmes, pire que les Daltons: 'Got myself together' du gospel doo-wop funk brûlant. Popsy, le Holmes adopté, de nous servir un drumsolo digne de Sherlock.
Bruxelles jubile.
'Dark Cloud' un méchant shuffle aux connotations sociales.
'And I love her' sorti du grenier Beatles, mais adapté à la sauce soul.
Popsy n'est pas aussi massif qu'Aaron Neville , mais a hérité du même contre-alto.
Wendell aux claviers pour un second Beatles, 'I'll be back', du feeling, du doigté...des pros les frères Holmes.
On revient au slowblues poisseux ' I want you to want me' , beau comme du Percy Sledge.
Demain c'est dimanche, tous à la chapelle: 'Glory, Hallelujah' , sing with us, brothers & sisters ...
Un petit coup d'oeil à ma Rolex, on doit achever le set, une dernière prière...'May god be with you until we meet again'.
Frère Wendell, frère Sherman et Popsy Robin Hood en état de grâce.
Thank you, Brussels, n'oubliez pas d'acheter nos CD's...
Petite pause et à 20:45', sans crier gare le backing band, suivi de Steve Winwood en personne, s'installe.
Ovation et retour au pas de course des gars coincés au bar.
Steve caresse le Hammond et, miracle, on a tous reconnu 'I'm a man'.
Tu peux pas imaginer que ce titre du Spencer Davis Group est né en 1967, Steve avait 19 ans.
Il en avait à peine 14 quand, avec son frère Muff, il rejoint l'équipe Spencer Davis.
Il a toujours la même voix soul et la version 2010 est funky en diable. Le sax de Paul Booth ajoutant une note sensuelle à ce hit immortel.
Un concert démarrant aussi fort promet de beaux moments, ils n'ont pas manqué.
Pas de basse mais des sessionmen de classe mondiale, on a déjà cité le jazzman Paul Booth qui, outre les saxes, jouera de la flûte et remplacera Stevie à l'Hammond lorsque le natif de Handsworth hantera la guitare.
Aux drums: Davide Giovannini (Bjork, Paul McCartney, Roy Ayers, Deodato, Lisa Stanfield...) - aux percussions: Satin Singh (Supergrass, Matt Bianco, Mark Ronson...) et à la guitare: Tim Cansfield (Bee Gees, Elton John, Heaven 17, Chaka Khan, Tina Turner...).
Pas le temps d'applaudir je suis un homme, quoi de plus naturel en somme, ils ont déjà entamé ' Hungry Man' un voodoo tune infernal, que tu pointes sur l'album 'Nine Lives' de 2008.
Une longue version mettant en évidence les talents de chaque musicien.
Le background sera noir, moite et jazzy, te rappelant les folles envolées improvisées( jam-based) de Traffic, on est loin de l'élégance raffinée de Mr Winwood époque 'Talking back to the night'.
Nouveau coup de poing en pleine face, Winwood à la guitare pour le Blind Faith 'Can't find my way home'.
Tu vacilles, l'émotion sans doute.
Some more recent stuff, Brussels, Steve, souriant, paraît heureux: 'Dirty City'. Pas de Clapton comme sur le CD, mais ce rock, majestueux comme le Kilimandjaro, c'est le haut du panier.
Derrière les touches: ' Fly'.
Non, c'est pas Machiavel, mais un midtempo jazzy orientalisant avec Paul Booth( sax et flûte) en évidence.
Tu t'envoles!
'Light up or leave me alone' Traffic 1971 sur 'The low spark of high-heeled boys' !
Une wah wah infernale, un sax Chris Wood meets Maceo Parker et un Hammond Booker T .
Chaleur torride, l'AB sue.
On termine le trip par un roulement de percussions Michael Shrieve meets Chepito Areas virant solo de cowbells, les bovins rentrant de leurs alpages estivaux, entendu jusqu'à Moscou.
Impressionnant!
'The low-spark of the high-heeled boys' démarre comme un smooth jazz, style Shade.
Le faux lounge s'anime et on se rend compte que le wonder boy a tourné avec Santana cet été, les percussions s'emballent, Mr Cansfield fait grincer ses cordes, le sax se disperse, tandis que l'Hammond se fait coulées de lave visqueuse et incandescente.
Un tourbillon infernal.
Ils ont embrayé sur 'Empty Pages' sans nous prévenir.
Avant de nous balancer un neuvième titre ( 1h20': 9 morceaux!) :un 'Higher Love' percutant.
L'AB gueule d'une seule voix et sera récompensée par un double bis d'exception.
A trois: Steve à la guitare, Paul aux keyboards et Davide derrière ses caisses, 'Dear, Mr Fantasy' aux relents psychedelica.
J'en suis encore baba.
Bordel, ça fait du bien!
Et l'élégant salaud nous achève avec 'Gimme Some Lovin'.
Spencer Davis pour commencer, Spencer Davis pour finir!
Tu parles d'un dessert...