Manu Rivière au P'tit Bonheur à Guingamp, le 9 mars 2024
michel
18:35', le P'tit Bonheur est plein à craquer bien avant l'heure du kick off du concert de Manu Rivière, qui n'a jamais fait partie de la sélection Espoirs chez les Bleus.
Seule possibilité pour assister au gig assis, grimper sur un tabouret accolé au comptoir, stratégiquement ce n'est pas idéal, because va-et-vient et brouhaha!
Tu bois?
Un Chardonnay.
Un serviable barman dépose une Pelforth et un vin blanc à portée de main, tandis que près de la vitre, deux musiciens s'activent.
Manu Rivière dispose de deux guitares (l' une acoustique, l'autre électrique), d'un bongo, d'un jeu de pédales ( loop de loop, selon Les Fantômes) et d'un micro, son comparse, Paul Jothy mange chinois et accessoirement utilise les baguettes pour jouer de la batterie.
Sont pas tout jeunes, remarque une dame en habit de soirée.
Prenons Paul, physiquement, un vague cousin de Jean-Luc Mélenchon, ce batteur doué peut présenter un bristol sur lequel figurent de beaux noms: Benabar, Dominique Dalcan, Arthur H, Anis, Oshen, Les Pires, Armelle Dumoulin, La Trabant e.a. .
Depuis peu, il s'est associé avec Manu, le nouveau duo donnera son second concert, ce soir.
Avant de déposer ses valises dans les Côtes-d'Armor, où il s'est bâti un studio d'enregistrement, Manu Rivière a pas mal roulé sa bosse.
Plus de 450 concerts avec Toman's Land, membre du groupe Gil, il a également créé, avec Audrey Marchand, La Compagnie Du Fil de l'Eau qui monte des spectacles pour enfants, tout récemment il s'est investi dans le power trio MR Experience, dans lequel on retrouve Paul aux drums.
Sa discographie sous son nom est riche de sept albums, que tu n'entendras pas sur Spotify, et quand il délaisse la truelle, les briques et le ciment, il donne des cours de guitare.
Sur les réseaux sociaux il prévient; "Ce soir deuxième épisode d'un répertoire tout neuf, composé uniquement de mes chansons."
C'est parti avec le bluesy ' Chacun', Tonton David, qui passait dans le coin , marmonne... chacun suit sa route... j'ai déjà entendu cette phrase.
Alors que Paul secoue le shaker, la guitare de Manu s'envole et tu penses à Paul Personne, qui n'est pas n'importe qui à la gratte.
Tu comprends vite que si madame dit que c'est bien, tu ne quitteras pas l'établissement avant les dernières notes.
De rayonnantes sonorités laid- back blues à la Mark Knopfler illuminent le titre 'Ça vaut la peine', un morceau à retrouver sur l'album 'Au pied du mur'.
'Combien' joué en semi-acoustique offre des touches latino à la Santana pas désagréables.
Le jeu ciselé du guitariste et l'accompagnement calibré de son comparse ont réussi à étouffer le bruit confus des conversations de ceux qui ont pour ambition de changer le monde en restant attablés au bistrot, une bonne partie de la clientèle s'est mis à écouter attentivement le duo.
Changement de registre avec ' La Faridondaine', le blues fait place à la chanson populaire, un genre qui plait aux consommateurs de mousse et aux matelots.
'Le fond et la forme/ écranlogie' est amorcé par une longue intro électrique, après la mise en boucle de quelques lignes de guitare, Manu entame la partie chantée d'un texte engagé, ne manquant ni d'humour , ni de lucidité.
Un petit tour du côté de la basse-cour avec ' Le poulet' .
Un poulet servi on the rock, car le poulet frit qu'on te sert au KFC, ex- Kentucky Fried Chicken, ne porte ni le label cocorico et il n'a jamais vécu du côté des Appalaches.
Il vient d'où alors?
D'Ukraine, probablement.
Trêve de bavardages, si ce n'est pas tout à fait le 'Funky Chicken' de Rufus Thomas, le titre, à l'esprit Richard Gotainer, remue sérieusement, tout en déridant les zygomatiques.
On a eu droit à un bridge haïtien, à quelques piaillements de volatiles en panique, et à une leçon de morale dépolitisée.
Manu Rivière est non seulement musicien, enseignant, bâtisseur, père de famille et fils prévenant, il est également conteur et fabuliste, le titre, folky, suivant ( ' Ma paix?) est précédé d'un éditorial en "ette" où raclette rime avec crevette , vedette, emplette, omelette mais pas mauviette, ni Villette, où certains tranchent le lard.
Un second sermon annonce 'Français' , une récapitulation de dictons de son cru , car lui, en avril il reste tranquille et en juin, il vote machin, en octobre, il n'est plus sobre... arrivé au bout du calendrier, il nous assène un solo assassin que n'aurait pas désavoué Patrick Verbeke.
Pour tous les gorets du Périgord, il a écrit 'La complainte de la truffe' , un slow blues mélancolique, bourré de métaphores, qui sent le champignon et l'humus avant un final farandole chez les Branquignols.
Après avoir récité un extrait de son autobiographie, il attaque 'Maréchal', où comment né d'une mère austère et d'un père curé, tu deviens maréchal dans la j'emmerderie nationale.
Auto-dérision et délires en tous genres, sur fond country, avant un virage Gypsy Kings, ayant abusé du vin de mirabelle.
Esope a pouffé dans son coin, Darmanin parle de sanction disciplinaire.
Le blues/ boogie 'Oublier' a secoué Andrée qui s'était assoupie, il est suivi par ' Tu étais' titre qui, d'après les parents du manuel, décrit un ex-voisin particulièrement chiant et crétin.
Brassens n'aurait pas fait mieux!
Retour au rock, celui qui secoue avec ' Sans reproches' qui précède ' Du Flouze', à la longue intro bluesy pleine de feeling.
Le texte, d'inspiration Nino Ferrer, est enrobé de sonorités funk blanc, et quand Manu délaisse sa guitare pour battre un bongo c'est Chepito Areas que tu revois en pensant à 'Jin-go-lo-ba'..... grande époque!
Mais non, dit-elle, c'est ' Je m'éclate au Sénégal'.
Ah, oui, Martin Circus!
On arrive au bout du périple, il est près de 22h, one for the road avant de se quitter, ce sera une romance ' Tes yeux' .
Et Gabin d'adresser son fameux ' t'as de beaux yeux, tu sais' à Michèle Morgan!
C'est l'heure des adieux...
Bon vent, Manu... flow river flow , comme dans la ballade d'Easy Rider, all he wants is to be free!