Duo du Bas au Château de La Roche Jagu, Ploëzal, le 25 juin 2023
michel
Si tu réserves à l'heure, tu as l'occasion d'assister, à l'oeil, à la représentation du Duo du Bas interprétant 'Les Géantes' , un spectacle de chansons pour objets trouvés et personnages non-ordinaires!
Ce n'est pas ta première rencontre avec Hélène Jacquelot ( de Bayonne) et Elsa Corre ( de Douarnenez), tu avais fait leur connaissance à Plérin, lors d'un Zef et Mer où elles proposaient des extraits de leur spectacle ' Casseroles'.
En cette fin d'après-midi elles ont laissé les ustensiles de cuisine dans le vaisselier pour nous narrer et chanter des histoires de géantes ( et de géants), ce n'est pas que ces braves gens sont tous originaires de Brobdingnag et ont la taille de basketteurs professionnels, on soupçonne même que certaines des vieilles dames, mises en valeur par Hélène et Elsa, ne dépassent pas le mètre 50!
Pour aller à la rencontre de leurs héroïnes, les artistes avaient dans l'idée la maxime du philosophe Gilles Deleuze, qui n'est pas originaire de Leuze-en-Hainaut , mais de Paris:
« On est tous un peu dément, et j’ai peur, ou je suis bien content, que le point de démence de quelqu’un ce soit la source même de son charme. »!
Pour lier connaissance avec ces personnages, parfois considérés comme borderline, le duo, baluchon sur le dos, est parti en voyage, un trip qui les a menées des Cornouailles bretonnes jusqu'en Aragon.
Assis à même le sol ou sur une banquette bancale, le public, nombreux, admire le décor avant l'arrivée des protagonistes.
Un intérieur tendance mamie, ayant eu 20 ans en 1930: naphtaline sur les étagères, bibelots poussiéreux, napperons brodés, vaisselier rafistolé et cadres avec photos jaunies au mur.. elles ont dû fouiner pendant des semaines chez Emmaüs pour dénicher ce bric-à-brac!
Très élégantes dans leurs robes d'époque, la grande Elsa et la belle Hélène prennent place dans le salon, Julien Le Vu, le génial ingénieur son, qui joue un rôle prépondérant dans ce spectacle original, envoie une bande-son narrant la vie d'une quasi centenaire.
On va faire la connaissance de la femme colline, originaire des Cornouailles, pour accompagner leur ka na diskan, ' Itron An Dorgenn', les filles secouent ou froissent des sacs plastiques à bretelles ou déchirent des pages d'un annuaire téléphonique, tous ces sons sont amplifiés par Julien et créent un effet boeuf.
Après avoir fait la connaissance de cette première créature étrange, on se dirige vers Tréméven, dans le 29 pour y découvrir Angeline, ' La Vieille' 97 ans, qui fait des câlins aux arbres et qui, à 19 ans avait été placée au service des propriétaires du manoir de Kernault.
Les filles chantent en agitant un bassin rempli de noix ( c'est bon pour le coeur) , en arrière-plan la voix d'Angeline relate des instants de sa vie ou rit aux larmes en entendant... la vie tu l'as croquée, la vieille...
Au revoir, Angeline, on se dirige plus loin, vers les Monts d'Arrée , point culminant 385 mètres, là vit Marie-Claude qui collectionne des poupées.
Pas facile à débusquer, sa chaumière.
Marie-Claude offre le pinard et étale ses trésors, les filles entament un kan ha diskan acrobatique sur fond de bruits d'insectes, elles vocalisent, tandis que Marie-Claude, dans sa maison, bien décrite par Henrik Ibsen, philosophe à l'aise tout en se demandant qui sont ces jeunes filles lui ayant rendu visite.
En voiture, Simone, direction la Navarre, Arguedas, là vit 'Mira', la Pinturitas, une vieille dame peignant sur les murs d'une discothèque désaffectée.
Maria Angeles Fernandez Cuesta, si elle est considérée comme une marginale par pas mal de gens, est désormais reprise dans le catalogue d'Art Brut.
Toujours en Espagne, au Pays Basque, demeure ' Teja', 94 ans, qui nourrit tous les chats du quartier et, comme les matous vivent la nuit, c'est à 20h, qu'elle prend son petit déjeuner.
Après le tango basque, c'est le neveu de Teja qui écrit un texte pour les demoiselles, ' Izan Ala Ez Izan Giant', sur fond de bourdon, en tirant sur la queue d'un ballon gonflé à la bouche, une série de noms est énumérée.
Le chant basque charme les oreilles jusqu'au final chaotique.
Dans le Morbihan vit un Géant mâle, 'L'Homme Papillon' , qui s'habille de tutus.
Ah si Béjart l'avait connu!
Le road movie poétique nous emmène à Bayonne , où niche ' Santa Monica' qui raconte sa vie à la postière qui, à son tour, sort sa vieille machine à écrire pour retranscrire les exploits de Monica.
Le Duo du Bas a réussi à se procurer l'antique Remington et un tampon postal, qui produisent un tapis sonore idéal pour ce récit chanté capricieux.
Une note triste avant d'achever le conte, en apprenant le décès de Marie-Claude, les filles nous proposent un chant poignant en guise d'hommage.
Il reste un géant, un mangeur de bananes du Poitou, Pascal, collectionneur d'objets insolites, son ' Placard' en déborde, son rêve dénicher un cheval à bascule assez grand pour ses longues jambes!
Fin d'un spectacle étonnant et poétique où on va de surprises en surprises , mais en y réfléchissant bien, ne sommes-nous pas tous des géants?